Corridors et logistique

Céréales : l’incertitude demeure pour les corridors de mer Noire

Le prolongement de l’accord sur les corridors céréaliers depuis les ports ukrainiens reste suspendu aux décisions du gouvernement de Moscou. Plusieurs scénarios sont envisageables.

Depuis le 1er août, l’accord sur les corridors céréaliers a permis d’exporter 32,7 Mt. Il s’agit des chargements réalisés dans les trois ports ukrainiens de Chornomorsk, Odessa et Yuzhny. Or, depuis le 4 juillet, aucune inspection de navire n’a lieu. Le tonnage des navires chargés et inspectés au 30 juin s’établit à 32,1 Mt.

Des négociations tendues

Après 500 jours de conflit, la pérennité de ces corridors demeure une interrogation. En effet, cet accord est renouvelé tous les trois mois. La prolongation actuelle prend fin au 17 juillet. La date approche. Comme à chaque échéance, les négociations entre les deux belligérants sont tendues. Dans un texte, S&P Global souligne que le représentant russe aux Nations Unies remarque que son pays n’a aucun intérêt à maintenir cet accord.

« La Russie quittera l’accord »

Effectivement, la Russie exige de pouvoir exporter son ammoniaque par le pipeline entre Tolyatti et Odessa, de réintégrer la Russie dans le système bancaire international Swift et de dégeler les avoirs russes. Du côté ukrainien, l’avenir de ces corridors reste incertain. Dans une déclaration du 21 juin, la ministre ukrainienne des affaires étrangères, Olha Trofimtseva, indique que « à 99,9%, je pense que la Russie quittera l’accord ».

Les alternatives aux corridors

De leur côté, les Ukrainiens annoncent avoir développé des alternatives. Le gouvernement de Kiev assure pouvoir exporter une partie de sa production par les ports danubiens, d’une part, et des ports secs en Pologne, d’autre part. Cependant, les ports du Danube ne disposent pas d’une capacité importante et restent limités. Quant aux ports secs en Pologne et dans les pays voisins, ils sont largement critiqués. Les négociants locaux se plaignent de voir ces céréales ukrainiennes avoir un effet baissier sur leur marché national.

Un potentiel exportable de 10 Mt

Et pourtant, les récoltes en Ukraine montrent un potentiel d’exportation important. Selon les chiffres de Kiev, la campagne céréalière 2023/2024 table sur 10 Mt d’exportation de blé (contre 15 Mt lors de la campagne 2022/2023). Les expéditions de maïs s’établissent à 18,6 Mt lors de la campagne actuelle, contre 25,4 Mt en 2022/2023. Pour sa part, la Russie estime son potentiel exportable à 42 Mt sur la campagne actuelle.

Deux pays essentiels pour la planète

Ces chiffres démontrent de l’importance des céréales en mer Noire. Avec 70 Mt environ à exporter sur la campagne céréalière qui vient de s’ouvrir, la Russie et l’Ukraine sont essentiels pour l’alimentation humaine et animale mondiale. Quels sont les scénarios envisageables ?

Un scénario pessimiste

L’hypothèse pessimiste est un retrait de la Russie de cet accord. Ainsi, les ports ukrainiens ne seraient plus assurés de pouvoir assurer des exportations sûres. L’alternative terrestre par voie fluviale et ferroviaire serait développée mais ne pourrait répondre à toutes les demandes. De plus, cette annonce aura des effets directs avec une nouvelle hausse du prix des céréales.

Une hypothèse intermédiaire

L’hypothèse optimiste serait un renouvellement pour trois mois, voire six mois, comme le demande l’Ukraine, de cet accord. Dans cette hypothèse, les productions russes et ukrainiennes deviendraient disponibles. Une hypothèse alternative peut survenir. Ce scénario serait alors une prolongation réduite de cet accord. Les Russes pourraient accepter de reconduire sur une période d’un ou deux mois l’accord, sous réserve de l’acceptation des conditions posées par la Russie : réparation du pipeline pour l’ammoniaque, dégel des intérêts russes et réintégration de la Russie dans le système Swift.

L’Ukraine enclavée

Quel que soit le scénario qui émergera, il est indéniable aujourd’hui que le système portuaire ukrainien dépend en large partie de la volonté russe de laisser passer les navires. Sans les corridors céréaliers, l’Ukraine se retrouve dans une position de pays enclavé, à savoir sans accès direct à la mer. Alors, la guerre des céréales a bien lieu avec un impact mondial.