Juridique et social

Assurances facultés et corps : s’adapter aux conditions du marché

Dans ce second épisode sur le congrès mondial des assureurs maritimes, qui s’est déroulé à Édimbourg, nous traitons plus particulièrement des assurances facultés et corps.

Comme nous l’avons exposé lors de notre précédent article, le marché des assurances corps et facultés progressent en 2022. Lors du congrès, Isabelle Therrien, présidente du comité chargé des assurances facultés, a indiqué les principaux défis que le marché des facultés devra affronter dans les prochains mois.

Des incertitudes demeurent

En effet, pour la présidente du Comité facultés de Iumi, « le marché des facultés se situe à un croisement entre les tensions géopolitiques et des défis spécifiques au secteur ». Selon Isabelle Therrien, le marché des facultés suit les évolutions des échanges mondiaux, « avec cependant un temps de retard ». Alors après le ralentissement pendant la pandémie, le marché a connu un rebond en 2022. « Néanmoins, des incertitudes demeurent pour le futur. »

Les évolutions de certaines routes maritimes

Et pour s’expliquer la présidente du comité facultés indique que le marché des facultés sera touché par la décélération des échanges et les attitudes inflationnistes des banques centrales. « Par conséquent, les échanges baisseront », conclu Isabelle Therrien. Depuis la fin de la pandémie, les chaînes logistiques retrouvent une sorte de normalité avec des taux de fret revenus à des niveaux bas. « Certaines routes maritimes évoluent et prennent un nouvel aspect. »

L’effet de la hausse de l’inflation

Alors, pour les souscripteurs facultés ces évolutions ont un impact direct sur leur activité. L’inflation augmente la valeur des biens transportés et, par voie de conséquence, celle des sinistres. De plus, l’accumulation des risques à bord mais aussi dans les ports continue de générer des problèmes, note la présidente du comité. Par ailleurs, les tensions géopolitiques, avec la guerre en Ukraine en point d’orgue, créent des perturbations pour les chaînes logistiques. Enfin, l’augmentation des catastrophes naturelles peut aussi peser sur le nombre de sinistres et les valeurs mises en cause.

Corps : un marché en hausse de 5,7%

Du côté des assurances corps de navires, le marché enregistre une progression de 5,7% à 8,4 Md$. Selon Ilias Tsakiris, président du Comité corps de Iumi, cette hausse tient en premier lieu à l’augmentation du nombre de navires. Ensuite, la valeur de ces navires augmente sensiblement. Alors, les primes d’assurances se calculant en fonction de la valeur assurée de l’unité, mathématiquement, le volume de primes perçues augmente. Enfin, le marché de l’assurance corps de navires tend à se réduire. Un phénomène qui participe à la progression des revenus.

Une hausse liée à une flotte plus moderne

D’un autre côté, le nombre de sinistres reste stable, indique le président du comité de Iumi. Cependant, Ilias Tsakiris souligne que les premiers mois de 2023 enregistrent une légère hausse du nombre de sinistres. Par conséquent, cette hausse du volume de primes et la stabilité de la sinistralité amène un ratio sinistre/prime encourageant. Cependant, le monde de l’assurance corps de navires doit anticiper l’avenir avec une inflation importante. « Le marché de la souscription n’a pas encore appliqué les effets de l’inflation. Dès lors que le marché appliquera ces hausses, les marges se réduiront », indique Illias Tsakiris.

Les fiouls alternatifs, source de hausse de valeur des navires

Outre l’inflation, le président du Comité corps de Iumi a mis en garde contre trois éléments majeurs qui impactent le marché. Le premier concerne les fiouls alternatifs. En effet, face aux règlementations internationales, les armateurs cherchent des solutions sur le long terme mais aussi pour la période de transition. Alors, des motorisations hybrides comme la combinaison entre l’hydrogène et des énergies fossiles se développent. « Ces solutions augmentent la valeur de la flotte et, par voie de conséquence, la valeur assurée. De plus, ces nouvelles motorisations créent de nouveaux risques », prévient le président du Comité corps.

Les véhicules électriques : se former à ce marché

Le deuxième facteur à surveiller concerne les batteries Lithium-ion et les véhicules électriques. L’incendie du Fremantle Highway a rappelé les risques liés à ces véhicules et ces batteries. « L’emballement thermique de ces batteries reste un sujet préoccupant. » L’emballement thermique consiste en la réaction chimique qui produit de la chaleur, du feu et parfois une explosion. Le transport de véhicules thermiques créé des risques « Nous avons su nous adapter, nous former et nous en prévaloir », continue le président du Comité corps. Pour y faire face, Illias Tsakiris propose de se former. « Iumi a publié un guide de bonnes pratiques pour le transport de véhicules électriques. Par exemple, un problème nécessitant une attention particulière est la recharge des véhicules électriques (VE) à bord des navires à passagers et de fret. Il faut procéder à des évaluations des risques et de la mise en place de mesures de sécurité appropriées. »

La Dark Fleet : environ 300 à 600 pétroliers

Enfin, le troisième point sur lequel porter une attention vise la « dark fleet ». Elle constitue une véritable menace pour les assureurs, alerte Illias Tsakiris. Il s’agit de navires âgés, ceux qui appartiennent à des sociétés douteuses et ceux classés par des sociétés de classification trop permissives. Outre les problèmes liés aux activités criminelles, ces navires deviennent des soucis lors de sinistres. « Nous avons répertorié huit incidents impliquant des pétroliers sous sanction en 2022. L’implication de ce type de navire, à l’image du Pablo dans les eaux malaisiennes, créent de véritables maux de tête pour les assureurs et les autorités portuaires », continue le président du Comité corps. Selon l’OMI, ce sont entre 300 et 600 pétroliers qui sont à ranger dans cette catégorie. En effet, ces navires naviguent sans transpondeurs, dans un état de maintenance déplorable, sans assurances et sans possibilité d’être inspectés. « Le risque de collisions et de pollution grandi pour ce type de navires », prévient Illias Tsakis.