Politique

La réponse du World Shipping Council au rapport de l’ITF

La publication du rapport de l’ITF sur les impacts dans la conteneurisation a provoqué des remous dans le monde armatorial. Le World Shipping Council, regroupant les armateurs de ligne dans le monde, a répondu à ce rapport par l’intermédiaire de son vice-président, Lars Kjaer, lors de l’assemblée générale de la Feport.

Un rapport aussi complet que celui rédigé par l’ITF sur l’impact des alliances ne pouvait pas rester dans un tiroir des armateurs. Le vice-président du World Shipping Council, Lars Kjaer, a répondu lors de l’assemblée générale de la Feport aux différents points de ce rapport. Dans un document que portsetcorridors.com a pu se procurer, le World Shipping Council donne les 10 premières graves erreurs que ce rapport commet. Une grande partie des arguments avancés par le World Shipping Council vise les conditions de concurrence qui sont actuellement en vigueur et qui permettent aux armateurs d’offrir des services dits efficaces. Une opposition au non renouvellement de l’exemption des consortia se fait grandement sentir.

Nous reprenons ces différents points dans l’ordre énoncé par le WSC.

Le premier point mis en exergue par le WSC attaque le rapport sur son fondement. « Ce rapport est à charge, spéculatif et s’attache à des hypothèses non fondées. » Pour l’organisation des armateurs, la première thèse de ce rapport est qu’il se base sur le fait que l’émergence de trois alliances majeures sur les lignes est-ouest ont radicalement transformé le marché et a entraîné une modification des règlementations. Or, continue le WSC, les articles de presse, rapport ou conclusions sur lesquelles reposent les analyses des rapporteurs ont entre dix et vingt ans et donc sont déconnectées du marché actuel.

Le second point attaqué par le WSC porte sur la demande de non renouvellement de l’exemption accordée aux consortia en Europe. « Le rapport de l’ITF ignore la pertinence et le nombre d’accords couverts par cette exemption en Europe tout en recommandant son non renouvellement ». Pour les armateurs, le rapport ne prend pas en compte le nombre important de consortia qui existe entre les armateurs opérant sur les lignes est-ouest. Il n’analyse pas les effets bénéfiques de ces consortia.

Le troisième point concerne les navires de grande taille et contredit les arguments du rapport sur les causes de la surcapacité dans ce marché. Le WSC rappelle que les investissements dans des navires de grande taille (les ULCS, Ultra Large Container Ships) ont été faits dans un souci d’optimisation des coûts à l’EVP et dans un souci de réduction des coûts opérationnels. Les accords entre les armateurs permettent une plus grande efficacité des services. De plus, l’organisation des armateurs rappelle que les ULCS sont peu nombreux en proportion de la flotte mondiale tant en capacité qu’en nombre, ce qui conduit le WSC a rejeter cet argument sur une surcapacité menée par la formation des alliances. De plus, pour Lars Kjaer, les consortia, autorisés en Europe, permettent d’adapter le nombre de navires en fonction de la demande et des contraintes opérationnelles.

Un ratio de l’indice HHI à 1400

Le point suivant a trait au degré de concentration dans le secteur de la conteneurisation. Un constat que le WSC réfute. Dans le rapport de l’ITF, les auteurs appuient leur thèse selon laquelle le marché de la conteneurisation est concentrée sur les indices de Herfindahl-Hirschman (HHI). Dès lors qu’un secteur affiche un ratio HHI supérieur à 1800, il est hautement concentré, selon le rapport de l’ITF. Or, note le WSC, les chiffres fournis par le rapport de l’ITF note un ratio de 1400, soit en dessous du degré de concentration. Et, pour aller plus loin, le WSC cite deux autres sources qui contredisent le rapport. Pour le DOJ, Département de la justice des États-Unis, un marché n’est pas concentré dès lors que son ratio HHI est inférieur à 1500. De plus, la Commission européenne ne considère pas comme une concentration horizontale un rapprochement entre des sociétés si le HHI demeure entre 1000 et 2000.

Le cinquième point vise les conditions d’entrée sur le marché des lignes est-ouest. Pour le rapport de l’ITF, les alliances et la mise en place d’une surcapacité agissent comme une barrière à l’entrée pour décourager les velléités de tout nouvel arrivant sur les marchés Europe-Asie. Les armateurs réfutent cet argument en rappelant que le monde de la conteneurisation demande des investissements lourds pour être en mesure de proposer des services réguliers. « Les opérateurs n’ont pas fixé les coûts opérationnels élevés. Bien au contraire, ils ont abaissé les barrières d’entrée sur le marché en offrant à des nouveaux opérateurs la possibilité d’entrer sur le marché par la location d’espaces et donc leur éviter d’investir dans des navires. Cela a  réduit  les barrières à l’entrée sur le marché. » De plus, la théorie avancée par le rapport de l’ITF selon laquelle les armateurs ont sur-investi pour créer des barrières à l’entrée ne tient pas la route pour le WSC. « Notre logique industrielle est de faire du profit pas des pertes ».

Les opérateurs n’ont pas fixé les coûts opérationnels élevés. Bien au contraire, ils ont abaissé les barrières d’entrée sur le marché en offrant à des nouveaux opérateurs la possibilité d’entrer sur le marché par la location d’espaces et donc leur éviter d’investir dans des navires. Cela a  réduit  les barrières à l’entrée sur le marché.

Le point suivant porte sur les effets des consortia. Le rapport explique que l’exemption pour les consortia a conduit à une réduction des services, explique le WSC. Or, pour Lars Kjaer, peu importe que les consortia existent, le marché de la conteneurisation se serait de toutes les manières adapté au volume de la demande. Et pour appuyer leur thèse, les armateurs du WSC notent que l’indice de connectivité développé par la Cnuced montre que de 2014 à 2018, la connectivité des lignes maritimes n’a pas cessé de croître.

Le point 7 des erreurs de ce rapport porte sur l’exemption pour les consortia. Le rapport considère que cette exemption devait s’inscrire dans une période transitoire. Un propos que le WSC refuse puisque qu’au cours des 20 dernières années, cette exemption a été renouvelée sans altéré les fondements de base.

Dans le point 8, le WSC conteste l’argument selon lequel le non renouvellement de l’exemption pour les consortia s’inscrit dans une tendance générale. Pour le WSC, la tendance est bien contraire. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, si les lois anti-trust doivent s’appliquer au monde maritime à l’exception des accords opérationnels entre les armateurs. Un système qui se maintien aussi à Hong-Kong, en Inde, au Japon, à Singapour, en Malaisie, Corée du sud ou encore en Australie.

Le pénultième point vise à contredire la finalité du non renouvellement de l’exemption pour les consortia. Pour les rédacteurs de l’ITF, le non renouvellement de cette disposition «permettra aux autorités de vérifier les accords individuels entre les compagnies maritimes dès lors qu’ils ont des effets injustifiés ou non désirés ». Pour le WSC, la Commission européenne dispose du pouvoir d’enquêter sur sur une alliance de son propre chef. De plus, ajoute le WSC, elle peut décider d’annuler une exemption à un consortium dès lors qu’il n’entre pas dans ses critères.

Le dernier point, que le WSC considère comme « fondamental », vise l’état actuel du marché voire le marché tel que les rapporteurs de l’ITF le souhaiteraient. « Des investissements dans des navires plus petits et moins efficaces auraient permis aux chargeurs, consommateurs ou aux opérateurs de terminaux d’avoir de meilleurs résultats ? Si des transporteurs avaient réduit ou abandonné leurs accords pour assurer seul des lignes avec un risque pour avoir une moindre connectivité et moins de concurrence sur chaque ligne aurait profité aux chargeurs et aux consommateurs ? », s’interrogent les armements du WSC. ET Lars Kjaer va plus loin en déclarant que « le rapport ne dit nulle part quels sont les changements que les auteurs souhaiteraient voir. Le rapport ne donne pas de mécanisme qui avec un changement de réglementation pourrait changer la structure de ce marché ». Pour les armateurs du WSC, si les recommandations du rapport de l’ITF devaient modifier la structure de l’industrie du conteneur « qui a toujours étendu ses services et réduits les coûts pour les chargeurs », précise le WSC, alors elles doivent être rejetées « parce qu’elles sont contre une bonne politique de concurrence et d’économie ».