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Cinq questions à Olivier Trétout, nouveau président du directoire du Grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire

Nous reprenons ci-dessous un entretien réalisé par Vincent Groizeleau de Mer et Marine, réalisé lors de la conférence de presse du Grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire.

Olivier Trétout a succédé début janvier à Jean-Pierre Chalus, qui occupait depuis 2010 les fonctions de président du Directoire du Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire et a été nommé délégué général de l’Union des Ports de France.

Ingénieur de formation, Olivier Trétout, qui a débuté sa carrière au ministère des Transports et de l’Aménagement du territoire, a travaillé pendant 15 ans dans le domaine portuaire, dans le public comme le privé, en France métropolitaine et Outre-mer, ainsi qu’à l’étranger. Entré en 2007 chez CMA-CGM, il prend d’abord la responsabilité de Terminal Link, et se concentre à partir de 2009 sur les enjeux liés à l’élargissement du canal de Panama, puis met en place et dirige de 2015 à 2018 le Kingston Freeport Terminal, nouveau hub que le groupe marseillais développe en Jamaïque afin d’opérer les nouveaux porte-conteneurs New Panamax.

Il est désormais à la barre du port de Nantes Saint-Nazaire qui, après une période difficile, reprend des couleurs et a conduit ces dernières années des investissements importants pour se développer (voir notre article détaillé sur le bilan 2018). Avec Olivier Trétout, la stratégie est désormais très clairement orientée vers le commercial.

MER ET MARINE : Quel enjeux et potentiel voyez-vous pour Nantes Saint-Nazaire ?

Olivier Trétout : La transition écologique et énergétique et un véritable enjeu. Comme beaucoup d’autres ports français, le poids du trafic lié aux énergies fossiles est très important à Nantes Saint-Nazaire. Il y a donc un vrai challenge à long terme. Ce port est en outre marqué par une activité industrielle très diversifiée et importante. Nous sommes ici au service de certains champions du monde, comme Airbus, les Chantiers de l’Atlantique, EDF, Engie ou encore MAN. Cela implique une exigence et nous devons être à la hauteur.

Nantes Saint-Nazaire est naturellement le port du Grand Ouest et doit le devenir de plus en plus. Je suis sincèrement impressionné par l’énergie qui se dégage de cette région et le potentiel de développement du port, qui a de nombreux atouts et des terrains disponibles pour se développer et accroître la logistique. Il doit être un moteur de développement et je veux que nous soyons le booster logistique au service de l’économie et de l’emploi dans notre région et celles qui nous entourent.

Il y a un potentiel important puisque si l’on regarde l’Est de la France, 25% des entreprises commercent à l’international alors qu’elles ne sont que 15% ici, essentiellement sur des produits agricoles et industriels. De plus, nous couvrons un bassin important, le Grand Ouest, qui compte environ 10 millions d’habitants et une activité économique significative.

M&M: Quid des liaisons maritimes et des connexions internationales du port. Peut-on les développer malgré la montée en puissance des très grands ports méditerranéens et d’Europe du nord ?

O.T.: Il faut regarder les lignes régulières. Ce que je vois c’est que l’on peut diversifier ou étendre le réseau. Une cible assez prioritaire me semble être l’Afrique de l’ouest. Nous allons déjà à Dakar et Abidjan mais guère plus loin. Nous allons notamment travailler avec Business France et la BPI pour donner confiance aux exportateurs. Je veux aussi renforcer les lignes maritimes vers l’Europe et, s’il ne faut pas se leurrer sur l’Amérique du nord, nous pouvons travailler sur le développement des échanges avec l’Amérique du sud et l’Amérique centrale.

Nous allons donc travailler sur le développement des flux à l’export et l’organisation des flux à l’import pour attirer des volumes vers Nantes Saint-Nazaire. Cela passe par un renforcement des actions de promotion auprès des entreprises et la mise en place de nouveaux services à terre et en mer, afin de mieux diffuser et concentrer les produits avant l’export.  L’objectif est de devenir un Smart Port, caractérisé par un haut niveau de services, de confort et de fiabilité.

M&M: Cela passe par de nouvelles infrastructures ?

O.T.: Le port a déjà énormément investi ces dernières années pour se doter d’un outil performant. Je crois qu’avant de lancer de nouveaux projets, il faut déjà regarder comment mieux utiliser ce dont nous disposons. Par exemple le taux d’occupation des quais. Il est pour certains terminaux de 65%, c’est-à-dire qu’en ajoutant les périodes de mouvements et en tenant compte du marnage, ces quais sont saturés. Mais d’autres sont très peu utilisés ce qui signifie que nous avons de la capacité disponible qu’il s’agit d’exploiter.

M&M: Vous qui venez du conteneur, comment appréhendez-vous ce trafic dans l’estuaire de la Loire ?  

O.T: L’extension du terminal conteneurs permet aujourd’hui de disposer de 400 mètres de linéaire en continu avec un approfondissement de la souille à – 15 mètres. Cela autorise l’accueil de porte-conteneurs de 8000 à 10.000 EVP, contre 4000 auparavant. TGO s’équipe par ailleurs d’un nouveau portique en remplacement d’un ancien, il en gardera donc quatre et si besoin il est techniquement possible de monter à six. Montoir peut clairement servir de relais aux grands ports mondiaux. De ce que j’en ai vu, le terminal, qui est un peu vide, a probablement un potentiel quatre fois supérieur au trafic qu’il traite aujourd’hui sans investir plus sur l’infrastructure.

M&M: Comment comptez-vous accroître les volumes, notamment à l’export ?

O.T.: Pour moi, la marchandise est reine, il faut la respecter et y porter une grande attention car elle a de la valeur. Mon rôle premier consiste à assurer un passage portuaire simple, sans histoire et en confiance. Chaque boite compte et sur le terrain, nous allons travailler avec les chambres de commerce et d’agriculture pour inciter les entreprises et les industriels à passer par le port de Nantes Saint-Nazaire. C’est un travail de longue haleine mais il est essentiel. Prenons l’exemple d’une petite société d’Ile et Vilaine qui pourrait exporter en Afrique mais qui ne le fait pas car il y a différents obstacles comme la barrière de la langue ou les problématiques de stockage comme de retour des invendus. Pour toutes ces étapes, il faut être à l’écoute des clients, savoir être agile, faire connaître nos services, trouver des solutions et saisir les opportunités qui se présentent. Dans cette perspective, nous devons travailler en meute au sein de la communauté portuaire et je veux être très actif là-dessus.

Propos recueillis par Vincent Groizeleau, janvier 2019