Corridors et logistique

Deux nouveaux incidents dans le détroit d’Ormuz

Nous reprenons ci-dessous l’article de Mer et Marine sur la situation en mer d’Oman. Le Front-Altair aurait été attaqué selon les premières informations. Le second navire, le Kokuka-Courageous, aurait essuyé des tirs.

Deux tankers, le Front Altair (252 mètres de long, 44 de large, pour un port en lourd de 110 000 tonnes) et le Kokuka Courageous (170 mètres, 27 de large et 27.000 tpl), débouchant dans le golfe d’Oman depuis le détroit d’Ormuz on été évacués jeudi 13 juin. Le premier, appartenant à Frontline, « a été attaqué », selon l’autorité maritime norvégienne (NMA). Le second aurait essuyé des tirs, d’après son opérateur japonais, Kokuka Sangyo. La 5e flotte américaine a pour sa part fait état de deux appels de détresses émanant de pétroliers. Les deux incidents ont eu lieu à  moins d’une heure d’intervalle, dans la même zone, les appels étant reçus à 6H12 et 7H00 selon les américains, qui ont dépêché sur place le destroyer USS Bainbridge pour porter assistance aux navires.

Une animation de Marine Traffic montre les derniers mouvements des deux tankers. Le Kokuka Courageous faisait route depuis Jubail, en Arabie Saoudite, vers Singapour. Pour sa part, le Front Altair, était parti de Ruwais (Emirats Arabes Unis), pour Kaohsiung (Taïwan). Des images montrent un important incendie à bord.

Les circonstances de ces attaques sont restées confuses toute la journée de jeudi. Des informations non confirmées ont fait état de tir de torpille ou encore de l’explosion d’une mine. Le naufrage d’un pétrolier a également été évoqué dans la matinée, puis démenti.

Alors que les relations entre Téhéran et Washington sont actuellement très tendues autour de la question du nucléaire iranien, le secrétaire d’Etat américain a dans la soirée ouvertement accusé l’Iran d’être responsable de ces attaques. « Ces accusations sont basées sur les renseignements, les armes utilisées, le degré d’expertise nécessaire pour exécuter une telle opération et le fait qu’il n’y a aucun groupe opérant dans la zone ayant les ressources et compétences pour agir avec un tel degré de sophistication », a déclaré Mike Pompeo, qui a cependant souhaité que l’Iran « revienne à la table des négociations ».  Les Nations Unies ont de leur côté condamné l’attaque, demandé à ce que les responsabilités soient établies et mis en garde contre un risque de confrontation majeure dans la région du Golfe. Le conseil de sécurité de l’ONU a été convoqué en urgence.

Dans un communiqué, la NMA précise qu’il y a eu « trois explosions » à bord du Front-Altair qui bat pavillon des îles Marshall. Le navire s’est enflammé et l’équipage a été secouru par un navire de passage. La NMA invite les navires norvégiens à énormément de précaution dans la région et à maintenir une bonne distance avec les eaux iraniennes. Le niveau de sûreté (ISPS) a été relevé au stade 2, sur une échelle de 3, dans une large zone entre 25 et 28 degrés de latitude nord et entre 54 et 58 degrés de longitude est.

Côté français, les intérêts dans la région sont également nombreux, y compris sur le plan maritime où un certain nombre de groupes tricolores disposent d’installations sur place ou de navires transitant par le golfe d’Oman. Pour autant, les armateurs ne semblaient pas avoir, hier soir, reçu de nouvelles consignes de prudence ou de sécurité autres que celles déjà en vigueur. Interrogé sur la question, le ministère des Armées ne fait aucun commentaire à ce stade, tout comme le quai d’Orsay. Les autorités françaises, comme d’autres, cherchent sans doute d’abord à connaître les circonstances exactes des attaques et à quelles menaces les flux maritimes font réellement face.

Quoiqu’il en soit, devant l’incertitude et le danger, il n’est pas impossible qu’une partie du trafic international soit dérouté, d’autant que les assurances pourraient mettre la pression sur les opérateurs. Car ces évènements, à la suite desquels les cours du pétrole ont fortement augmenté hier, s’ajoutent à ceux intervenus en mai. Plusieurs navires de commerce (dont deux pétroliers de l’armement saoudien Bahri et un tanker norvégien) au mouillage au large de Fujaïrah, partie des EAU donnant sur la mer d’Oman, avaient selon l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis été victimes d’« actes de sabotage ».

Tout l’enjeu est aujourd’hui de savoir s’il s’agit d’évènements isolés ou des prémices d’actions appelées à se développer, de qui ces attaques proviennent, quel est le but réel et, surtout, si des mesures doivent être prises pour sécuriser le trafic maritime dans le détroit d’Ormuz et ses approches ?

Le 13 juin au soir, l’International Chamber of Shipping a fait part de sa vive préoccupation. «Cette attaque présumée constitue une situation profondément préoccupante et intolérable. Nous attendons des éclaircissements et des informations sur ce qui s’est passé, mais nous sommes soulagés qu’il ne semble pas y avoir eu de perte de vies humaines et que les équipages seraient en sécurité », a déclaré Guy Platten, secrétaire général de l’ICS. « Il s’agit du deuxième incident en un mois et le secteur du transport maritime, et plus important encore, les équipages, ne doivent pas être exposés à de tels risques. Le détroit d’Ormuz est crucial pour l’économie mondiale et toute tentative délibérée de menacer le trafic qui le traverse doit être condamnée avec la plus grande fermeté », a-t-il ajouté.

Gaël Cogné de Mer et Marine