Corridors et logistique

Céréales : des bruits de botte à mi campagne

La campagne céréalière 2021/2022 entre dans sa seconde partie quand résonnent des bruits de bottes en Mer noire.

La campagne céréalière entre dans sa seconde moitié depuis le 1er janvier. Le 16 février, le conseil de FranceAgriMer a présenté les résultats sur les six premiers mois de la campagne. À fin février, l’organisme français estime que les exportations de blé tendre restent en hausse par rapport à l’année passée mais diminue d’un mois sur l’autre. En effet, avec un volume exporté à 16,7 Mt, les volumes expédiés depuis la France sont en progression par rapport à la campagne précédente de 23%. Cependant, d’un mois sur l’autre, à fin janvier, ce volume a perdu 55 000 t.

Blé tendre: hausse de 20%

Les expéditions vers les pays tiers sont estimées à 8,9 Mt, à fin janvier. Un volume en progression de 20% par rapport à la précédente campagne mais en baisse de 100 000 t par rapport au mois de décembre. L’appel d’offres algérien de la fin du mois de janvier a été remporté par les pays de Mer noire face aux blés français. En cause, une meilleure compétitivité de ces blés.

La Chine première destination

Au global, sur les exportations françaises, la Chine demeure la première destination des blés français avec 1,6 Mt, soit 19% du volume global. Une destination qui progresse de 3% d’une année sur l’autre. L’Algérie, malgré les déboires de l’appel d’offres à fin janvier, garde sa place de second dans le classement avec 1,1 Mt, doit 14% du volume global. Une destination qui a vu ses trafics augmenter de 57% d’une campagne à l’autre.

Hausse des trafics vers l’UE

Si les exportations vers les pays tiers voient leurs volumes rogner de plusieurs milliers de tonnes, celles vers l’Union européenne progresse de 45 000 t d’un mois sur l’autre. Avec 7,7 Mt, ces trafics sont en progression de 27% comparativement à la campagne 2020/2021.

Orge: 5,9 Mt prévues

Du côté des orges, la situation demeure stable d’un mois sur l’autre. Les exportations sont prévues à 5,9 Mt à fin janvier avec une hausse de 4% par rapport à la campagne précédente. Les exportations vers les pays tiers sont annoncées identiques à celles de la campagne 2020/2021 à 3,2 Mt. Cette année encore, la Chine sera le principal client des orges françaises avec 2 Mt, soit 62% du volume destiné aux pays tiers. Les envois d’orges vers les pays de l’UE sont estimés à 2,7 Mt, en progression de 10%. Des trafics qui sont principalement destinés aux pays d’Europe du nord, Belgique, Pays-Bas et Allemagne.

Maïs: un potentiel de 5,4 Mt

Quant au maïs, les prévisions d’exportations s’évaluent à 5,4 Mt, en progression de 19% d’une campagne à l’autre mais en diminution de 110 000 t d’un mois à l’autre. La majorité de ces exportations de grains partiront vers l’Union européenne, 4,8 Mt, en progression de 20% d’une campagne à l’autre. Les pays tiers restent minoritaires avec 530 000 t d’exporter mais avec une progression 14% par rapport à la campagne 2020/2021.

Les tensions diplomatiques en Mer noire

Ce bilan de la campagne céréalière à 7 mois démontre de la bonne tenue des céréales françaises sur le marché international. Néanmoins, les tensions diplomatiques en Mer noire préoccupent le marché. L’Ukraine et la Russie, des concurrents directs de la France sur le marché international, ont dopé leurs exportations sur la première moitié de la campagne. Les manœuvres militaires russes aux frontières ukrainiennes ont bouleversé les opérateurs.

Les eaux ukrainiennes en risque de guerre

Sur les dix premiers jours de février, les exports des ports de Mer noire ont enregistré un dynamisme inhabituel. Les évènements se précipitent localement. La reconnaissance par la Russie des républiques du Donbass semble mener vers un conflit inéluctable. Les assureurs estiment la situation heure par heure.  Le Joint War Committee du Lloyd’s Market Association a placé les eaux ukrainiennes en risques de guerre dès le 15 février. Les trois principaux ports exportateurs de céréales en Ukraine, Odessa, Chornomorsk et Nikolaev, pourraient voir leur trafic baisser.

Le risque de se voir opposer une force majeure

Une situation qui aura des effets sur toute la filière. D’une part, la mer Noire demeure le premier pôle d’exportation mondial des céréales. Le risque de voir les contrats d’exportation de céréales annulés pour des raisons de force majeure n’est pas à exclure. Les principaux importateurs mondiaux qui s’approvisionnent sur ce marché devront peut-être se tourner vers d’autres origines.

Dommages collatéraux aux céréales

Cette situation politique aura des conséquences sur des filières périphériques. Les sanctions possibles qui pourraient être prononcées à l’encontre de sociétés russes auront des effets sur le commerce des engrais. En effet, la Russie traite 16% du commerce des engrais azotés dans le monde. « Nous avons besoin de ces engrais au moment de la croissance des grains », a indiqué Benoît Piétrement, lors de la conférence de presse de FranceAgriMer. Ces engrais, qui connaissent déjà des hausses en raison de la progression du prix du gaz, pourraient subir une nouvelle hausse. Et, que ce soit en France ou en Europe, il existe peu d’entreprises qui pourraient suppléer à l’absence de la Russie sur ce marché.

Approvisionner en nitrate d’ammonium le le marché français

À ces difficultés vient s’ajouter les règlementations en France du stockage de nitrate d’ammonium. Les quantités de stockage sont limitées pour éviter les risques d’explosion. De ce fait, les agriculteurs ont besoin d’assurer des flux continus depuis les usines. La Russie assure, chaque année, 40% de ce commerce avec en moyenne 3,2 Mt de nitrate d’ammonium exporté sur les 7 Mt traitées dans le monde. L’approvisionnement par d’autres sources peut s’avérer compliqué.

Parallèlement à la Russie, la Chine et l’Europe sont aussi producteurs. Pour assurer ses besoins internes, la Chine a réduit ses exportations de nitrate d’ammonium ces dernières années. Des sanctions contre la Russie pourrait mettre à mal ces approvisionnements. De plus, l’Ukraine et la Russie assurent 80% des exportations d’huile de tournesol dans le monde. Les sanctions et les perturbations logistiques pourraient réduire ces flux.

Quid des blés français

Les tensions diplomatiques entre l’Ukraine et la Russie ont donc des effets étendus sur toute la filière agricole. Si des sanctions venaient à être édictées, la France pourrait tenter de se placer sur certains marchés. Il reste que les sanctions qui seraient édictées par l’Europe ne s’appliquent qu’aux pays européens. L’acceptation de ces sanctions par les principaux importateurs, comme l’Égypte, la Chine et les pays du Maghreb, sera suivie avec attention. Elle déterminera les potentiels de croissance du marché français.