Céréales : le cataclysme du conflit russo-ukrainien s’intensifie
Lors de son conseil spécialisé sur les céréales, FranceAgriMer s’est penché sur les conséquences du conflit entre la Russie et l’Ukraine pour le marché des céréales. Les échanges connaissent de profondes mutations.
L’impact du conflit en Ukraine reste pour le marché des céréales un véritable cataclysme, selon FranceAgriMer. Les deux pays en conflit pèsent dans les échanges mondiaux de blé, maïs et orges dans le monde. Les sanctions prononcées contre la Russie et l’incapacité de l’Ukraine à pouvoir exporter sa production entraînent des changements chez les plus grands importateurs de produits agroalimentaires mondiaux. Ces deux pays réunis représentent 79% des exportations mondiales d’huile de tournesol, 30% des exportations de blé et d’orges et 20% des flux de maïs.
Des stocks de fin de campagne faibles
Cette position majeure dans les flux de produits alimentaires amène les importateurs à devoir s’interroger sur leurs approvisionnements. Les pays d’Afrique du Nord et sub-saharienne sont les principaux touchés par cette crise. Ainsi, l’Égypte importe en moyenne 62% de sa demande depuis la Roumanie, l’Ukraine et la Russie. La fermeture des ports russes et ukrainiens pose un problème sur la sécurité alimentaire du pays. Selon les derniers relevés de FranceAgriMer, les stocks actuels en Égypte sont estimés à environ 2 mois et demi. La situation est quasiment identique en Tunisie avec 61% de ses importations céréalières depuis l’Ukraine et un stock à 2,1 mois. Enfin, les pays d’Afrique sub-saharienne importent 77% de leur demande depuis l’Union européenne et l’Ukraine. En moyenne ces pays disposeront d’un stock de fin de campagne de 1,4 mois.
Espagne et Pays-Bas, clients de l’Ukraine pour le maïs
Parmi les principaux clients de l’Ukraine se retrouvent des pays comme l’Indonésie, l’Égypte et le Pakistan pour le blé. L’orge et le maïs partent surtout vers la Chine mais aussi l’Arabie Saoudite et la Lybie. Quant au maïs, si la Chine reste le principal client ukrainien, avec 4,7 Mt, l’Espagne, les Pays-Bas et l’Égypte s’inscrivent aussi comme clients importants du pays.
Des risques de conflits dans l’hémisphère sud
Ces stocks de fin de campagne inquiètent bon nombre d’observateurs. Le peu de stocks pourrait entraîner des crises politiques dans les pays s’approvisionnant en mer noire. Sur la campagne céréalière actuelle, qui s’achèvera le 30 juin, l’Ukraine disposerait de 14,2 Mt à exporter. Des flux qui semblent perdus. Or, si l’Argentine et le Brésil ont augmenté leurs exportations depuis le début de l’année, ces augmentations de flux ne compenseront pas l’absence de l’Ukraine et de la Russie.
L’Argentine relève son potentiel exportable
Selon les derniers bilans du Conseil international des céréales, l’Argentine a relevé son potentiel d’exportation de 1 Mt à 40,2 Mt. Le Brésil a fait de même en augmentant son potentiel de 1,4 Mt à 22,4 Mt. Cependant, notent les experts de FranceAgriMer, la sécheresse actuelle du nord de l’Argentine et du sud du Brésil inquiètent pour l’avenir.
L’alternative ferroviaire vers la Bulgarie et la Roumanie
Face à la difficulté pour les opérateurs de sortir les céréales de l’Ukraine, la solution d’acheminer par voie ferroviaire les produits vers les ports des pays voisins a été envisagée. La proximité des ports de Varna, en Bulgarie, et de Constanta en Roumanie s’offrent comme des alternatives intéressantes. Cette solution ferroviaire reste par voie ferroviaire reste malgré tout minime en regard des besoins d’exportation. « Nous le voyons, ce conflit a rebattu les cartes de cette filière », indique le président du conseil spécialisé Grandes Cultures.
Pas de rupture de blé en France
La France peut-elle jouer le rôle de soupape pour les besoins immédiats en blé et orge ? « Pour la campagne actuelle, nous sommes sereins sur cette campagne. Nous ne devrions pas connaître de rupture », indique le président du conseil spécialisé. La France a relevé en mars ses prévisions d’exportation de blé tendre vers les pays tiers à 9,7 Mt, soit 800 000 t de plus que le mois précédent. Comparativement à la campagne précédente, les exportations vers les pays tiers sont estimées en hausse de 31%. Les flux vers l’Union européenne sont aussi revus à la hausse de 28% à 7,8 Mt.
Une compétitivité des blés français toute relative
La même situation se retrouve sur le marché des orges. Les exportations françaises vers les pays tiers sont revues avec une augmentation de 2% à 3,3 Mt et de 10% à 2,7 Mt vers l’UE. Quant au maïs français, principalement destiné au marché européen, il est prévu que les exportations vers l’UE augmentent de 26% à 5 Mt et de 18% à 550 000 t pour les pays tiers. Des hausses de trafic faites en fonction de la demande. Néanmoins, ces prévisions doivent aussi s’évaluer en regard du prix des produits.
Le blé français à 440$/t
Le blé français s’évalue aux environs de 440$/t FOB Rouen, ce qui reste dans la moyenne des prix. Les blés argentins sont meilleurs marchés. Toute la différence pour remporter des marchés se fera en fonction du prix du fret maritime. La disponibilité de cales en Europe pourrait amener les marchés locaux à devenir compétitifs vers des destinations d’Afrique du Nord.
L’Égypte annule des appels d’offres
Parce que ce conflit a aussi eu des effets sur les derniers appels d’offre lancés par l’Égypte. Le Caire a annulé cet appel d’offres en raison de la réception d’une seule offre en provenance de France. L’opérateur a proposé un prix de 429,2$/t Coût et fret. En janvier l’Égypte a acheté du blé à 347,6 $/t Coût et fret. Un refus qui entraîne une pression sur le prix du blé localement et des produits dérivés comme la farine. Le blé a augmenté de 1000 £ égyptienne en un mois pour se situer à 6700 £ égyptienne, soit 426,94 $/t. Pour tenter d’enrayer la crise, l’Égypte a décidé d’abaisser le taux d’humidité des blés importés pour élargir ses sources d’approvisionnement. Une décision qui pourra jouer en faveur des blés français.