Conflit Ukraine/Russie : le rêve brisé des ambitions des Routes de la Soie
L’entrée des troupes russes en Ukraine a mis un terme aux ambitions du gouvernement chinois d’étendre son projet de Route de la Soie.
Dans un article publié par Foreignpolicy, Andreea Brinza, vice-présidente de l’Institut roumain des études sur l’Asie-Pacifique, analyse les conséquences du conflit entre l’Ukraine et la Russie sur les Routes de la Soie. Des six corridors terrestres prévus par les Routes de la Soie, aucun n’emprunte le réseau ukrainien. Cependant, en 2020, des accords entre l’Ukraine et la Chine prévoient de développer dans le pays un réseau ferroviaire. Une nouvelle voie qui avait, en son temps, irrité le premier Ministre polonais.
La Pologne, porte d’entrée chinoise en Europe
En effet, début février, rappelle la vice-présidente de l’institut roumain, lorsque le premier ministre polonais, Andrezj Duda, est arrivé à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Pékin, il s’est entretenu avec le président chinois, Xi Jinping, pour lui rappeler son engagement à voir la Pologne devenir la porte d’entrée européenne de la Route de la Soie. Un projet ambitieux qui prend aujourd’hui une nouvelle tournure.
78 liaisons entre la Chine et l’Europe
Effectivement, les sanctions contre la Russie imposées par l’Union européenne vont empêcher les liaisons ferroviaires d’emprunter le réseau russe. Andreea Brinza rappelle que la moitié des liaisons ferroviaires qui entrent en Europe empruntent le réseau Russe. Actuellement, les Routes de la Soie comptent environ 78 routes entre la Chine et l’Europe. Des liaisons qui traversent la Russie mais aussi la Biélorussie, deux pays visés par les sanctions européennes.
Un train toutes les 30 minutes
Les Routes de la Soie ont connu en 2021 un essor considérable. La vice-présidente de l’institut roumain rappelle qu’un train quitte la Chine toutes les 30 minutes pour emprunter cette route. Dans un but d’optimisation logistique, la Chine a créé, tout au long du réseau ferroviaire, des hubs, au rang desquels Saint Pétersbourg. La ville sur les bords de la Baltique permet d’éviter des changements trop fréquents de wagons liés aux changements d’écartement des rails. Le premier ministre polonais souhaitait faire de la gare de Lodz un autre hub.
La position ambigüe de la Chine
« Tout cela était avant que l’armée Russe envahisse l’Ukraine et que l’Ouest impose des sanctions contre la Russie, écrit Andreea Brinza. Des sociétés comme DHL, Volvo ou Ligne Roset ne devraient plus être autorisées ou pourraient choisir d’autres schémas logistiques que de passer par la Russie, un pays sanctionné ». Pour la vice-présidente de l’institut des études sur l’Asie-Pacifique, la position de la Chine vis-à-vis de l’invasion russe en Ukraine reste floue. Sans condamner l’attitude de la Russie, la Chine se rend compte que ces sanctions pourraient mettre à mal sa croissance économique. Or, le président chinois doit impérativement pouvoir annoncer en fin d’année, lors du Congrès du Parti communiste, des chiffres positifs s’il veut apparaître comme un grand refondateur de l’économie chinoise.
Des premières sanctions contre la Russie
Déjà en 2014, lors de l’annexion de la Crimée par la Russie, les européens ont décidé d’imposer des sanctions contre Moscou. Les trafics ferroviaires entre la Chine et l’Europe ont alors souffert. En 2020, des accords ont été négociés pour permettre d’emprunter le réseau ferroviaire russe pour rejoindre la Chine depuis l’Europe. Or, souligne Andreea Brinza, la situation s’avère aujourd’hui plus compliquée. Avec des taux de fret maritime entre la Chine et l’Europe à des taux élevés, le ferroviaire ne jouera plus son rôle de soupape pour certaines marchandises.
Deux facteurs supplémentaires
La vice-présidente de l’institut roumain ajoute à ces difficultés deux facteurs qui peuvent avoir un poids important. Le premier vise la baisse de la confiance des consommateurs européens et américains en raison du conflit. Un élément qui affecterait directement la production chinoise. Le second facteur concerne les prix de l’énergie. L’invasion russe de l’Ukraine a déjà eu des effets sur le prix du baril et du gaz. Cette hausse des prix se répercutera directement sur les biens de consommation.
Demain, la croissance chinoise en berne ?
Alors, « la baisse de la demande des biens chinois en raison des prix élevés de l’énergie et des anxiétés géopolitiques, combinée avec une interdiction des biens qui traversent la Russie par voie ferroviaire, la crise dans la conteneurisation et ses conséquences sur les chaînes logistiques et, enfin, les préoccupations dans le transport maritime pourrait entraîner un arrêt brutal pour les objectifs de croissance économique de la Chine lors de sa plus importante année politique », souligne Andreea Brinza.