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SITL 2022: La Turquie dispose d’atouts pour continuer son développement logistique

La Turquie a su développer sa position de hub économique dans la Méditerranée orientale. Les échanges avec la France ont connu ces dernières années une expansion. Le système portuaire turc s’est développé pour jouer un rôle de transbordement.

La Turquie a connu depuis 20 ans une croissance économique importante. Elle est, en taux de croissance, le deuxième pays mondial derrière la Chine. Et dans les échanges avec la Turquie la France joue un rôle important. Depuis 2006, la croissance des exportations françaises dans le monde a progressé de 13%. « Vers la Turquie, les exportations françaises ont enregistré une croissance de 37% depuis 2006. La France a toujours gagné de l’argent dans les échanges avec la Turquie », rappelle Stéphane Salvetat, directeur général de LAM France.

Une croissance de 54% des flux avec la Turquie

Du côté des importations, la France a enregistré une croissance de 15% de ses entrées avec le monde, quand, dans le même temps, elle enregistre une croissance de 54% avec la Turquie. Pour le directeur de LAM France, le principal souci de la Turquie est la proportion des exportations dans son commerce, notamment depuis Izmir, première zone d’exportation du pays. Cette part importante des exportations turques créé un déséquilibre important des flux. « Nous étions à un mois de déséquilibre il y a quelques années. Nous sommes aujourd’hui à plus de quatre mois », indique Stéphane Salvetat.

Des volumes multipliés par quatre

Ce déséquilibre s’explique par la croissance importante des trafics en sortie de Turquie. À Marseille-Fos ce sont quatre services hebdomadaires qui touchent le port. Il y en a cinq sur Le Havre. « Au global, les quantités de conteneurs exportées depuis la Turquie ont été multipliées par quatre ces dernières années », continue le directeur général de LAM France.

Des taux de fret stable sur le court terme

Dans ce contexte de marché, les pays de la Méditerranée orientale ont vu les taux de fret en provenance d’Asie croître ces derniers mois. « Il s’agit surtout d’un rattrapage pour le marché long terme. Sur le court terme, le marché se stabilise », confirme Victor Beuzelin, analyste chez Xeneta. Quant aux flux en sortie de Turquie, le marché long terme est stabilisé. Sur le court terme, « les flux ont tendance à bouger beaucoup tout en restant à un niveau médian », continue Victor Beuzelin.

Des conteneurs pour la Russie

En comparant les services en sortie d’Asie vers l’Europe du Nord et ceux destinés à la Méditerranée orientale, il ressort nettement que ces derniers subissent de nombreuses annulations d’escales. L’avantage en Méditerranée peut se retrouver pour les chargeurs qui veulent expédier des marchandises vers la Russie. En Europe du Nord, de nombreux ports refusent de décharger les conteneurs quand en Méditerranée, les ports sont moins stricts.

Un marché de 12 MEVP

La Turquie représente un marché important pour les conteneurs avec environ 12 MEVP traiter dans les ports dont 60% en Mer de Marmara, dans la région d’Istamboul. Pour Yilport, premier opérateur portuaire privé en Turquie, « ce marché est double. Il traite des importations en grand nombre pour le pays et les ports turcs traitent de nombreux flux de transbordement à destination de la mer Noire en raison des limites des navires dans le détroit du Bosphore », indique Nicolas Sartini, directeur de Yilport.

Un rôle pour repositionner les vides

Le monde portuaire turc se réparti entre les opérateurs privés locaux, à l’image de Yilport, des grands opérateurs internationaux comme DP World, Port of Singapore, des sociétés chinoises et des opérateurs de l’État. Ces derniers sont issus de la société des chemins de fer turcs qui étaient manutentionnaires des ports. Les ports turcs jouent un rôle dans le repositionnement des conteneurs vides avant d’être redistribués vers les autres ports méditerranéens.

120 000 EVP chaque année

Cette croissance de la Turquie a permis à l’armement d’Izmir, Arkas, de se développer. Une croissance qui s’est développée sur tous les marchés sans oublier la France. Depuis sa présence en France en 2012, Arkas France traitait environ 20 000 conteneurs par an en export de Marseille-Fos sur la Turquie. En 2020, ce volume est passé à 40 000 pour atteindre finalement 50 000 boîtes en 2021. En sens inverse, à l’import vers la France, le trafic réalisé par Arkas au départ d’Izmir représente environ 15 000 EVP. « Ce marché se développe notamment à l’import de France », souligne André Zakari, directeur général d’Arkas France. Ajoutés à ces trafics sur le sud, ceux réalisés vers Le Havre, Arkas traite, bon an mal an, 120 000 EVP chaque année.

L’avantage de la pluralité de ports

Cette croissance de la Turquie est aussi liée au développement de l’industrialisation du pays. Un grand groupe de produits blancs a décidé récemment de rapprocher son usine de fabrication depuis Qingdao, en Chine, en Turquie. « L’avantage réside aussi dans la capacité du pays à disposer de plusieurs centres industriels. Tout n’est pas concentré dans une région mais de Mersin à Istanbul, le pays dispose de nombreux ports et terminaux qui permettent aux industriels de pouvoir exporter plus facilement », continue André Zakari.

S’inscrire dans la tendance du near-shoring

Cette industrialisation du pays est aussi liée à une tendance générale des acteurs économiques de vouloir rapprocher les lieux de fabrication des marchés de consommation, le near-shoring. La pandémie et le manque d’équipements dans le transport maritime ont démontré la dépendance des économies occidentales aux usines chinoises. Pour les intervenants à la table-ronde, il est indéniable que la Turquie veut jouer un rôle dans ces changements de paradigme industriels en attirant sur son sol des usines. Le pays veut aussi se placer comme une plate-forme pour traiter du groupage.

Un service roulier complémentaire du conteneur

Si le trafic conteneur connaît aujourd’hui un développement important, le roulier représente un outil au service des chargeurs « complémentaires à l’offre conteneurisée », précise Jimmy Marolles, directeur France de DFDS. L’armement danois a repris une ligne assurée par des navires rouliers entre le port de Yalova, dans la région d’Istanbul, vers Trieste. Les camions sont chargés à bord du navire et les chauffeurs rejoignent le navire par avion. Ce schéma logistique s’est développé sur la France. DFDS a mis en service une ligne vers le port de Sète.

Des services pour des opérateurs travaillant en just in time

« Cette solution logistique ne répond pas aux mêmes exigences que le conteneur. Nous travaillons plus pour des opérateurs qui souhaitent disposer de flux en just in time comme l’industrie automobile », indique le directeur de DFDS France. C’est dans ce sens que le service assuré par l’armement danois se positionne comme un complément des lignes conteneurisées régulières.