Corridors et logistique

Roulier: les taux d’affrètement s’envolent

Une étude publiée au début du mois d’avril par Vessels Value montre la hausse spectaculaire du marché d’affrètement des navires rouliers. Des taux qui vont connaître un second souffle quand les règlementations de l’OMI entreront en vigueur.

Dans son analyse du marché des navires rouliers, Dan Nash, analyste chez VesselsValue, constate la croissance phénoménale des taux d’affrètement pour les navires rouliers. Pour expliquer cette tendance il donne des chiffres. En mars, le Lake Wanaka, roulier de 4902 CEU (Car Equivalent Unit) a été affrété à Volkswagen pour un an au taux de 50 000$/j. Quelques 12 semaines auparavant, le Lake Geneva, 6178 CEU a été affrété par Glovis au taux de 40 000 $/j pour six mois. « Nous pouvons nous attendre à des taux d’affrètement allant jusqu’à 75 000 $/j pour des navires post Panamax rapidement », indique l’analyste de VesselsValue.

Une hausse de 100$/m3

Cette situation ne profite pas uniquement aux propriétaires de navires. Les opérateurs commencent aussi à voir des bénéfices poindre après six années de vaches maigres. Selon Dan Nash, des opérateurs ont négocié des espaces au taux de 200$/m3, soit le double de ce qui se traitait le trimestre précédent. « Les navires débordent », a confié un opérateur à VesselsValue. Et Dan Nash d’appeler les constructeurs automobiles à se tourner vers leurs prestataires rapidement. « Les espaces à bord des navires sont devenus plus chers ».

Des stocks en baisse

Ces développements récents ne sont pas étonnants pour l’analyste de Vessels Value. Après la pandémie, la demande en voiture neuve a repris une courbe ascendante. Certes, en 2021, la production automobile a perdu de ses volumes en raison de la crise liée au manque de semi-conducteurs. Elle s’est établie à 76,5 millions d’unités mais des ventes à hauteur de 81 millions d’unités. Le stock automobile dans le monde s’est considérablement réduit pour atteindre un niveau plancher à 4,5 millions d’unités.

Une vitesse de croisière accélérée

Pour faire face à la demande en voitures, les navires de type PCTC (Pure Car and Truck Carrier) ont décidé d’accélérer leur vitesse. Les relevés fournis par le fabricant Volkswagen pour les navires de 4000 CEU montrent que les navires naviguent avec une vitesse moyenne de 15,9 nœuds. Le niveau le plus élevé sur la dernière décennie. « Les fabricants veulent réceptionner leurs véhicules au plus vite quitte à payer le prix de la vitesse », continue Dan Nash.

Véhicules d’occasion en hausse

Quant au marché des véhicules d’occasion, il a connu un essor considérable ces dernières années. Il profite de la crise liée aux semi-conducteurs qui a empêché les acheteurs de disposer de véhicules neufs dans un délai raisonnable. Selon les premières estimations, ce marché a connu une progression de 46% notamment sur les 10 principaux modèles vendus dans le monde.

Les prévisions de transport en hausse

Dans ce contexte, les armateurs suivent avec attention les prévisions de production pour estimer la demande future en PCTC. En effet, en moyenne, 18% de la production de véhicules neufs est expédiée par voie maritime. Et pour 2022, comme un rattrapage des années précédentes, ce seront environ 1,3 million de véhicules neufs supplémentaires qui emprunteront les services maritimes.

Après cinq années de démolition intense

La situation dans le monde du roulier tient aussi à cinq années compliquées pour le secteur. Depuis 2016, les commandes en navire sont en forte baisse. Ajouté à cela l’envoi à la démolition de nombreux navires, et c’est un marché qui souffre d’une offre réduite. L’année dernière, la tendance s’est inversée avec 53 commandes de navires confirmées, en hausse de 124 % par rapport à la moyenne historique. Plus de 90% étaient des navires de 7000 CEU propulsés au GNL. « Un chiffre encourageant mais qui intervient trop tard. Les chantiers navals ont fermé boutique. Ils sont complets jusqu’en 2025 », continue l’analyste de Vessels Value.

L’effet des règlementations EEXI et CII

Et cette baisse de la flotte va connaître des évolutions avec l’entrée en vigueur des règlementations EEXI (Energy Efficiency Index for Ships In Service) et CII (Carbon Intensity Index). Pour Volkswagen, 63% de la flotte des rouliers n’est pas compatible avec la règlementation EEXI qui entre en vigueur au 1er janvier 2023. À cela s’ajoute les inquiétudes des armateurs, continue l’analyste de Vessels Value, à propos du CII. « Les opérateurs pourraient être obligés de réduire leur vitesse, laissant les navires les plus écologiques tirer leur épingle du jeu ».

Le début du cyle

“Il est trop tôt pour voir des taux d’affrètement à six chiffres ? Probablement mais cela n’est pas impossible en raison de la réduction de l’offre imposée par les règlementations de l’OMI et de la forte croissance de la demande en voitures neuves. Et nous ne sommes qu’au début de ce cycle », conclu Dan Nash.