Prospectives

Les terminaux pétroliers et gaziers Africains profitent-ils des sanctions et embargo à venir contre la Russie ?

Le contexte de conflit entre la Russie et l’Ukraine rebat les cartes. Les sanctions de l’Union européenne contre le gaz et le pétrole russes pourraient donner un nouvel élan au secteur africain. Une analyse réalisée par Paul Adrian, fondateur du site Adinergy.

Comment remplacer les 155 Md m3 (sur 400 Mm3 consommés) de gaz, les 800 M de barils de pétrole brut, les 430 M de barils de produits raffinés importés de Russie par l’Europe chaque année ? C’est le casse-tête obsédant des dirigeants européens depuis que la Russie a initié son « opération spéciale » en envahissant l’Ukraine.

Cette crise, qui jette une lumière crue sur la dépendance de l’Europe en matière énergétique, saurait elle profiter à l’Afrique, partenaire privilégié de son continent voisin ?

Des réserves plus grandes que la demande

En 2019 l’Union européenne a importé à peu près 108 M m3 de GNL d’Afrique ce qui représente une part déjà importante au regard des 155 M m3 russes. La question est donc : L’Afrique peut-elle augmenter ses exportations vers l’Europe et saisir cette opportunité pour renforcer ses parts de marché mondiales ? Khadi Camara, de la German-African Business Association estime que les pays producteurs africains ont plus de réserves que leur marché intérieur de la demande et sont donc prédestinés à l’export.

Pas de réévaluation de la production en Afrique

Si l’on en juge cependant par la récente position de l’OPEP refusant d’augmenter ses quotas, rien ne laisse penser que les membres africains de l’OPEP ont l’intention ou la possibilité de réévaluer leur production pour aider l’Europe à compenser la diminution voire l’arrêt des importations de pétrole et gaz russes.

L’Algérie ne compensera pas les pertes de la Russie

Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, l’Algérie, premier exportateur de gaz Africain vers l’Europe, a montré sa volonté d’augmenter ses volumes de gaz naturel et de GNL. Cette capacité supplémentaire ne peut venir que de volumes au-delà des engagements contractuels. À elle seule, cependant l’Algérie ne pourra pas combler la part russe dont l’Europe entend se passer, et l’Afrique sub-saharienne, motivée par des prix élevés devrait pouvoir contribuer à satisfaire la demande européenne.

Huit terminaux gaziers en Afrique

L’Afrique compte aujourd’hui huit terminaux d’exportation de GNL dont deux en Algérie et deux en Égypte. Il en reste donc quatre en Afrique sub-saharienne, dont un au Nigeria, un (flottant) au Cameroun et un en Angola. Alors pourquoi l’Afrique ne prendrait elle pas la place laissée libre par la Russie sur le marché du gaz naturel ?

Les flux actuels de navires citernes – pétroliers et gaziers – les tendances des flux actuels des navires citernes, pétroliers et méthaniers, ne semblent pas confirmer, encore, cette projection. Les routes sont clairement orientées d’Ouest en Est (Etats-Unis vers l’Europe) et d’Est en Ouest (Moyen-Orient-Europe). La plus grande concentration de navires citernes se situent actuellement dans le golfe du Mexique et le golfe persique. © Marine Traffic Vessel

La capacité des pays africains à augmenter leur production

Une des premières contraintes à surmonter semble être le manque actuel d’infrastructures et la capacité des pays exportateurs africains à augmenter leur production alors qu’ils ont des difficultés à honorer leur quota au sein de l’OPEP. De plus, l’instabilité politique dans certaines régions d’Afrique a ralenti le développement de projets gaziers majeurs, à l’image de l’arrêt des projets mozambicains sous la pression des groupes armés islamistes et encore de la situation de guerre permanente en Lybie (plus gros détenteurs de réserves d’or noir en Afrique).

Le financement des infrastructures

Il est à noter que si l’augmentation de la production gazière en Afrique va prendre du temps, le besoin pressant du monde occidental de s’affranchir du gaz russe devrait faciliter les financements vers le continent africain et la montée des cours rendre certains projets à nouveau rentables.

La guerre en Ukraine a fait basculer la géopolitique énergétique dans un nouveau monde dont les producteurs africains et leur chaine d’approvisionnement devraient tirer profit. Une étude de l’AIE estime que l’Afrique produira en 2040 plus de gaz que la Russie. Raison supplémentaire pour regarder de ce côté du monde.