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Mouvements sociaux : du Havre au Cap en passant par Felixstowe, les grèves perturbent les chaînes logistiques

Après l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Afrique du Sud connaissent des mouvements sociaux touchant directement l’activité portuaire. En France, les mouvements sociaux dans les raffineries et aux États-Unis, la menace de grève dans les chemins de fer perturbent les chaînes logistiques.

Qu’il s’agisse des salariés des raffineries en France, des dockers de Felixstowe, de Hambourg, de Durban et du Cap et encore des salariés du ferroviaire aux États-Unis, les revendications portent toujours sur le même thème : la hausse des salaires. Face à une inflation importante, les hausses proposées lors des négociations annuelles ne sont pas en adéquation avec l’inflation, s’insurgent les syndicats. « Contre la vie chère et pour un travail justement rémunéré », des mouvements de grève perlent dans de nombreuses filières de la logistique mondiale.

Raffineries : une échelle salariale du Smic à 5,8 M€

En France, les salariés des raffineries de TotalEnergies et Exxon ont cessé le travail depuis plusieurs semaines. Un mouvement social lié aux revendications salariales. Dans un communiqué de presse, la CGT rappelle que le salaire minimum perçu par le plus faible échelon s’élève au Smic. Face au 5,8 M€ perçus par le Pdg de TotalEnergies, de que réclament les salariés des raffineries « comme tant d’autres salariés de ce pays, c’est une plus juste répartition des revenus issus du travail, de leur travail », indique un communiqué de la centrale syndicale.

Une grève qui touche la logistique

Des mouvements qui perturbent la distribution de carburant en France et notamment, dans les Hauts de France, en Ile de France et en Provence Alpes-Côte d’Azur. Ces perturbations ont des effets dans tous les secteurs de l’économie française. S’agissant des opérateurs logistiques, le manque de carburant restreint les acheminements de marchandises par voie routière. Un mal ? Pas forcément. En créant une pénurie de carburants, les grévistes réduisent la circulation de véhicules et donc les émissions de CO2. À croire que les grévistes sont soutenus par les écologistes. D’autre part, ces pénuries obligent les voyageurs et les opérateurs logistiques à préférer des modes de transport moins consommateur de carburant.

L’alternative ferroviaire ? Pas forcément

Quant à l’utilisation plus intensive du mode ferroviaire (le fluvial est aussi tributaire de l’approvisionnement en carburant), la situation est encore trop récente pour voir un basculement de la logistique de la route vers ce mode. Encore faudrait-il que SNCF Réseau et Fret SNCF puisse y répondre, nous a confié un responsable d’une coopérative agricole.

Hambourg : deux décennies de paix sociale

Ce mouvement social en France a un effet indirect sur les chaînes logistiques mais n’a rien de comparable à ce qui se déroule dans des ports d’Europe du Nord. En effet, début juillet, le port de Hambourg a connu des mouvements sociaux qui ont bloqué l’activité pendant plusieurs shifts. La particularité de ce mouvement tient à ce que le port allemand n’a pas connu de mouvements sociaux pendant plus de deux décennies.

Felixstowe : plusieurs arrêts de travail depuis août

De plus, en Grande-Bretagne, le port de Felixstowe est confronté à un mouvement social du 11 au 17 octobre. Les ouvriers portuaires réclament des hausses de salaires de 12,3% quand la direction du terminal à conteneurs, Hutchison Ports, ne leur accorde qu’entre 7,3% et 8%, indique un article de CNBC. Depuis le mois d’août, les dockers du port de l’est de l’Angleterre ont mené plusieurs arrêts de travail pour appuyer leurs revendications entre le mois d’août et le mois d’octobre, avec une suspension pendant les cérémonies liées au décès de la Reine.

Afrique du Sud : des propositions insultantes

Les ports européens ne sont pas les seuls touchés. En Afrique du Sud, Untu (United Nation Transport Union) le principal syndicat de Transnet, société d’État en charge de la gestion des ports du pays, a démarré un mouvement social le 6 octobre. Les revendications des ouvriers dockers porte, ici aussi, sur les salaires. Les négociations devaient démarrer en février mais elles ont été repoussées par la direction au 1er juin, soit deux mois après la date prévue d’entrée en vigueur des augmentations, indique le syndicat. La direction propose une hausse des salaires de 1%, « sans considérations des revendications des syndicats ». Après le constat d’un blocage des négociations, la direction est revenue avec une proposition à 1,5% que le syndicat Untu a considéré comme « insultant ». La situation s’est tendue pour aboutir à un blocage, notamment des terminaux à conteneurs et du terminal roulier du port de Durban.

Un mouvement qui touche les autres ports sud-africains

Ce mouvement à Durban s’étend aussi sur d’autres ports gérés par Transnet. Ainsi, des arrêts de travail surviennent dans le port du Cap. L’effet sera important pour l’exportation des fruits comme les pommes, les poires et les nectarines dont la saison d’exportation commence. Ensuite, la filière minière craint de voir sa logistique sérieusement perturbée. Déjà, avant de subir ces mouvements sociaux, le conseil sud-africain des minerais a annoncé des pertes liées aux contre-performances des ports nationaux. Ces mouvements aggraveront le déficit prévu.

Menace de grève dans le ferroviaire aux États-Unis

Enfin, outre-Atlantique, une menace pèse lourdement sur les chemins de fer. Un des syndicats en charge de la maintenance ferroviaire a voté contre la proposition d’accord, rapporte CNN. Les syndicats de conducteurs de trains ne se sont pas prononcés sur l’accord. Sans un retour rapide à la table des négociations, le réseau ferroviaire américain pourrait être perturbé voire arrêté. Même un vote en faveur de l’accord des syndicats des cheminots pourrait bloquer la situation. La maintenance du réseau ne serait pas assurée.

Les négociations avec les dockers toujours en cours

Cette menace sur le réseau ferroviaire ne doit pas faire oublier les négociations actuelles pour les ports de la côte ouest américaine. En septembre, un terminal charbonnier dans le port de Vancouver a été fermé en raison d’un mouvement de grève des dockers affiliés à l’ILWU (International Warehouse and Longshore Union). Les négociations sont toujours en cours entre manutentionnaires et ouvriers dockers des ports étasuniens et canadiens.

Les temps d’attente et d’escale s’allongent

Dans son rapport trimestriel sur les ports, le consultant britannique Drewry constate une augmentation du temps d’attente en rade dans les ports touchés par les mouvements sociaux en Europe. Ainsi, lors de la grève de juillet au port de Hambourg, les navires ont attendu jusqu’à quatre jours en rade. Or, continue Drewry, ces perturbations produisent encore des effets malgré l’accord trouvé avec les syndicats. « Le taux d’occupation des terminaux demeure élevé, ce qui impacte la productivité et augmente la durée des escales des navires ».

Des effets jusqu’à la fin de l’année

Quant au port de Felixstowe, en Angleterre, les mouvements de grève à répétition bouleversent l’organisation du terminal à conteneurs. Selon Drewry, les effets de ces mouvements sociaux s’étendront jusqu’au dernier trimestre de l’année.