SITL 2022 : les ports d’outre-mer disposent d’un potentiel à développer
L’approvisionnement des territoires d’outre-mer se fait majoritairement depuis la Métropole. Les services maritimes déployés vers ces destinations restent limités, pour certains ports. Un sujet qui prend toute sa dimension aujourd’hui avec la hausse des prix des produits.
La SITL a décidé en 2022 de consacrer une partie de son Maritime Day à la condition des ports d’outre-mer, des Antilles et de l’océan Indien. Avec un approvisionnement majoritairement réalisé depuis la Métropole, les territoires ultra-marins sont dépendants de la diversité des services maritimes qui les desserve.
Les ports, des acteurs économiques majeurs
Ce sujet a été au cœur de débat au sein du Sénat au cours de ces derniers mois. Vivette Lopez, sénatrice LR du Gard et secrétaire de la commission des outre-mer de la Haute chambre a rappelé que les ports « sont des interfaces incontournables concentrant 95% des échanges de marchandise les plaçant comme des acteurs économiques de poids. »
Réaliser d’importants travaux d’infrastructure
Face à l’importance de ces établissements, la commission sénatoriale a souligné que les ports ultramarins nécessitent d’importants travaux d’infrastructure. Elle conclue que ces ports doivent disposer de longueurs de quai plus importantes et d’équipements plus nombreux pour les opérations de manutention ». De plus, la sénatrice a appelé à ce que ces ports disposent de réserves foncières « pour constituer de véritables hubs régionaux ».
Créer de nouvelles réserves foncières
Dans son rapport, le Sénat propose quatre principales recommandations. La première vise à faire évoluer le port de Longoni, à Mayotte, en Grand port maritime. La deuxième concerne le port de la Guyane. Il s’agit d’étudier la possibilité de réaliser un port flottant extérieur au large de Degrad des Cannes. Le troisième point propose de développer les services de réparation navale dans ces ports et de créer des réserves foncières. Enfin, elle propose de renforcer la coopération entre le port de La Réunion et celui de Mayotte.
D’un schéma de lignes en cul-de-sac à un maillage plus large
Du côté des Antilles, les services maritimes depuis la Métropole ont connu des modifications ces dernières années. En 2019, les services maritimes sont passés d’un système dans lequel les îles étaient desservies en « cul-de-sac » pour être aujourd’hui intégrées dans des services plus maillés et plus étendus. « La conséquence directe pour nos ports sont des navires de plus grande taille avec plus de chargement et un schéma de fonctionnement différent », a indiqué Jean-Pierre Chalus, président du directoire du GPM de la Guadeloupe.
Des services jusqu’au Brésil
Aux services transatlantiques viennent se greffer des lignes intra-Caraïbes, réalisées notamment par le groupe CMA CGM et une autre ligne assurée par la coopération entre Ferrymar et CMA CGM. Encore, un service sur le Brésil fonctionne d’octobre à décembre en lien avec la production fruitière du Brésil. « Ces services sont diversifiées et semblent donner satisfaction au marché », indique Jean-Pierre Chalus.
La Réunion, au cœur de grandes routes maritimes
Cette connectivité est différente dans l’océan Indien. Le GPM de La Réunion se place sur les grandes routes maritimes, notamment sur celle entre l’Europe et l’Australie, d’une part, l’Asie et l’Afrique de l’est d’autre part et enfin les services entre l’Afrique de l’ouest, l’Afrique du sud et l’Asie. « Nous sommes desservis par les trois principaux armements mondiaux, Mærsk, MSC et CMA CGM qui a mis en place en 2015 un hub sur le port de La Réunion », a indiqué Éric Legrigeois, président du directoire du GPM de La Réunion.
S’approvisionner en local
Au niveau du territoire, des réflexions sont menées pour s’approvisionner avec les pays de la région comme l’Afrique du Sud. « Un sujet qui pose des questions sur l’application des normes européennes pour des produits qui proviennent de ces pays. »
Travailler son excellence pour se démarquer
Pour améliorer l’attractivité du port de l’océan Indien, le président du directoire rappelle que le port doit avant tout « travailler sur son excellence. Pour être attractif, il faut que nous soyons efficaces, ce qui nous a amené à lancer la commande de deux portiques. Nous devons compenser le surcoût de la manutention par des temps d’escale plus court. » De plus, le port a récupéré deux hectares de terre-plein supplémentaire. « C’est peu en regard des GPM de la Métropole mais pour nous cela représente 10% de plus pour notre terminal à conteneurs. »
Ports secondaires : un atout pour les Antilles
Disposer de terrains supplémentaires demeure un point important mais, derrière les principaux ports des territoires d’outre-mer se tiennent des ports secondaires qui sont tout aussi importants. Ainsi, Soreidom assure des lignes avec du vrac sec et des marchandises conventionnelles, comme du bois pour la construction, depuis La Pallice vers Basse Terre.
Basse Terre : un hub pour Soreidom et Carribean Lines
« Ce port de Guadeloupe est utilisé comme un hub, explique Xavier de Moussac, directeur de Soreidom. Il permet de décharger les marchandises depuis La Rochelle pour être ensuite reprise vers la Guyane. Il dispose aussi d’une ligne en provenance des États-Unis pour les approvisionnements dans les Antilles. » Dans le même groupe que Soreidom, Carribean Lines assure des lignes avec des navires conventionnels twindecker gréés.
Des lignes directes sur Saint Laurent du Maroni
L’atout de cette ligne est de desservir les ports secondaires des îles antillaises. Les navires desservent Basse Terre en Guadeloupe, Le Robert en Martinique et Saint Laurent du Maroni en Guyane. « Avec le hub de Basse Terre, nous proposons un service direct sur Saint Laurent du Maroni depuis l’Europe », a expliqué Aimery de Laroullière, directeur de Carribean Lines.
Le manque d’équipements et les laissés à quai
Dans ce contexte de développement de lignes, le président du Syndicat des commissionnaires et transitaires de la Martinique, Jean-Claude Florentiny, se dit satisfait des lignes qui desservent actuellement les îles des Antilles. « Notre préoccupation actuelle se situe plus sur les niveaux tarifaires et sur les capacités allouées. » S’agissant de la capacité, le président du syndicat s’insurge contre le manque d’équipements. « Nous déplorons de nombreux laissés à quai actuellement en Europe », continue Jean-Claude Florentiny.
La hausse des tarifs de groupage
L’autre souci pour les chargeurs antillais se situe sur le groupage. Entre la Chine et les Antilles, par exemple, le conteneur en groupage devra subir un transbordement en France. Ce schéma logistique connaît ces dernières semaines des augmentations tarifaires. « Nous constatons une vraie grogne dans les îles par rapport à ces augmentations tarifaires ».
La digitalisation constitue la limite
En plus de la desserte depuis la Métropole se pose la question des liaisons entre les îles et les pays voisins. Dans l’océan Indien, la Commission de l’océan Indien, dont la France a assuré la présidence tournante il y a peu, a commandé des études pour identifier le potentiel des échanges entre les différents pays. Le point d’achoppement se pose sur la digitalisation.
Un frein aux échanges entre les pays
« Les consultants ont proposé de créer un grand guichet unique géré par eux. Pour leur part, chaque territoire souhaite plutôt conserver sa souveraineté en la matière et décider de ce qu’il déposera dans le pot commun pour faciliter les échanges », a expliqué Éric Legrigeois. Pour le président du directoire du GPM de La Réunion, « le diagnostic posé est réel. Il existe un frein au commerce entre les États de la région ».
Le cabotage inter-îles aux Antilles, un potentiel à développer
Aux Antilles, le développement du cabotage entre les îles passera difficilement par les GPM, selon Xavier de Moussac, en raison des coûts de manutention. « Nous disposons malgré tout d’un potentiel de développement important. Les Antilles représentent une population importante. Dans ces départements nous avons une grande richesse humaine et industrielle. En son temps, nous avions créé une ligne depuis Haïti jusqu’aux petites Antilles. Il a été arrêté. Nous avions besoin d’un soutien des régions qui n’est jamais venu », regrette Xavier de Moussac.
Une approche particulière pour développer le cabotage
Jean-Claude Florentiny appuie sur le sujet. Il a rappelé que des services existent aujourd’hui mais sans avoir un véritable calendrier ni des schedules de desserte des îles. « Pour cela, il faut que les îles françaises s’insèrent dans leur environnement et changent de vision. Les flux existent mais il faut avoir une approche particulière sur ce sujet. »