Juridique et social

Social : armateurs et syndicats unis contre le dumping social

Après le courrier du 5 octobre de Jean-Marc Roué, président du conseil de surveillance de Brittany Ferries au secrétaire d’État à la mer, Hervé Berville, armateurs et responsables syndicaux ont rencontré le membre du gouvernement le 27 octobre. Il a promis des actions.

Pour le président du conseil de surveillance de Brittany Ferries, Jean-Marc Roué, la question centrale se résume dans une interrogation écrite dans son courrier du 5 octobre : « Devons-nous attendre que ce dumping social et fiscal s’étende de Dunkerque à Brest pour réagir ? »

Des navires sous pavillon chypriote

Le dumping social dont parle Jean-Marc Roué est lié à l’affaire de P&O Ferries. En mars, l’armateur britannique a licencié 800 marins. Une annonce qui a choqué l’ensemble de la communauté maritime européenne. L’objectif ces départs massifs a été de faciliter le passage à un pavillon communautaire de complaisance, Chypre. L’arrivée d’Irish Ferries sur le Détroit du Pas-de-Calais avec des navires sous le même pavillon et employant des marins dans des conditions sociales bien en dessous des normes européennes a attisé la colère des opérateurs français.

Une réaction des armements, des syndicats et du gouvernement

Face à cette situation, les armements français opérant sur le Transmanche, les syndicats ont appelé le gouvernement à des réactions. Le 27 octobre, après une réunion entre armateurs et responsables syndicaux, Hervé Berville, secrétaire d’État à la mer, a indiqué que l’État allait prendre les mesures pour lutter contre le dumping social.

Renforcer les contrôles

« Nous allons renforcer les contrôles contre le dumping social », a assuré le secrétaire d’État après la réunion. Une mission d’inspection a été lancée dès la rentrée. Cette mission doit analyser la situation et proposer des mesures à prendre avant les fêtes de fin d’année. « Nous avons pris conscience de l’urgence à agir », a continué Hervé Berville. Avant d’envisager des mesures au niveau national et européen, le responsable gouvernemental a indiqué que les inspections de contrôle de l’État d’accueil seront renforcées.

Un projet de texte britannique

Ces inspections visent à contrôler les conditions sociales applicables à bord des navires qui escalent dans les ports français. Et pourtant, en Grande-Bretagne le gouvernement prépare un texte « volontariste », selon Jean-Marc Roué, pour réserver aux pavillons ou marins communautaires les liaisons entre la France et la Grande-Bretagne. L’arrivée de pavillons « Low Cost » sur le détroit du Pas de Calais doit trouver une solution.

Des pratiques légales

La mise en place de ces pavillons n’est pas illégale. Jean-Claude Charlo, directeur de DFDS France, a rappelé que « ces pavillons sont légaux et respectueux des règles de l’OMI, intellectuellement il faut s’interroger ». Pour le responsable de l’armement danois, la meilleure solution est surtout politique. « Le modèle déployé par ces compagnies maritimes met en péril l’avenir de nos compagnies ».

Des salaires inférieurs de 80%

La principale différence entre les deux modèles économiques des armements porte sur les salaires et les conditions de travail. Selon les deux armateurs présents, les salaires des pavillons « low cost » sont 80% moins chers que ceux de Brittany Ferries et DFDS. Ajouté à ces coûts faibles, l’emploi de marins dans les navires de ces pavillons est moitié moindre que pour le pavillon français. Enfin, ces personnels embarqués travaillent dans des périodes plus longues pouvant aller jusqu’à 17 semaines d’affilée. En France, les marins travaillent généralement sur des rotations de 15 jours à bord et 15 jours à terre. Autant d’éléments qui participent à la distorsion de concurrence.

Plus rien à perdre

Du côté syndical, la réaction a été positive de voir le gouvernement prendre conscience de l’urgence. Les syndicats présents, CFDT, CGT et CFE CGC sont unanimes. « L’État doit appliquer les règles et le droit dans nos eaux », ont rappelé les responsables des centrales syndicales. S’insurgeant contre les pratiques déloyales, les différents responsables syndicaux ont indiqué « ne plus rien avoir à perdre. Si rien n’est fait, nous prendrons les actions nécessaires. Il faut d’abord voir ce qu’il sortira des décisions prises par le secrétaire d’État avant d’engager d’autres actions. »

L’avenir du pavillon français en jeu

La mise sous pavillon chypriote des navires de P&O Ferries et Irish Ferries interroge sur l’avenir. Pour Jean-Claude Charlo, c’est l’ensemble du pavillon français et britannique qui seront en péril. Les deux armements Brittany Ferries et DFDS emploient plus de la moitié des marins français présents dans les navires inscrits au premier registre. Quant à l’avenir des compagnies, DFDS voit deux alternatives si aucune mesure ne porte ses fruits. Soit l’armement danois se retire du Détroit du Pas-de-Calais pour se centrer sur les autres liaisons, soit « nous appliquons les mêmes principes que nos concurrents », a continué Jean-Claude Charlo.

Décliner cette action en Méditerranée

Et Pierre Maupoint de Vaudeul, de la CFE CGC, a indiqué que le travail réalisé sur le Transmanche sera à décliner en Méditerranée avec les armements et les États concernés. Les tentatives d’armateurs italiens d’entrer sur le marché entre l’Europe et l’Algérie a suscité des craintes de voir les mêmes maux se décliner au sud.