Corridors et logistique

Vracs secs : le calme avant la tempête

Dans leurs derniers rapports hebdomadaires, les courtiers en affrètement constatent une augmentation des taux de fret sur le marché des vracs secs. Les sanctions européennes contre la Russie pèsent et la recherche de nouveaux marchés d’approvisionnement profitent au secteur.

Les analyses des courtiers en affrètement diffèrent. Il est difficile de se faire une idée de ce que seront les prochaines semaines sur le marché des vracs secs. En effet, à lire le rapport hebdomadaire de Fearnleys pour la semaine du 11 au 16 mars, les taux de fret des Capesizes sont stables « malgré des incertitudes dans le monde », souligne le courtier. Un Capesize se négocie aux environs de 18 900 $/j cette semaine contre 21 800 $/j la semaine passée. Les liaisons entre le Brésil et la Chine, opérant principale sur des minerais et du charbon, s’évaluent aux environs de 30$/t contre 30,5$/t la semaine précédente.

Une hausse de 63,7% pour les Capesizes

Une analyse que ne partage pas Intermodal, courtier grec, dans son rapport du 15 mars. « Le marché des vracs secs a connu une activité débordante dans les derniers jours », indique le rapport hebdomadaire. En effet, il constate une hausse de 63,7% à 22 195$/j. Il s’agit de la plus forte hausse du Baltic Dry Index au cours de la semaine. Les autres types de navires se sont inscrits dans la même veine avec des progressions sans pour autant atteindre le taux de croissance des Capesizes. Les Panamax ont vu leurs taux augmenter de 14,5% à 28 685 $/j et les Supramax ont suivi le mouvement avec une progression de 13,6% à 32 330$/j.

Allongement du temps de transport

Ces hausses des taux d’affrètement s’expliquent, notamment, par les sanctions imposées par l’Union européenne sur les produits russes. Le charbon russe est inscrit sur la liste noire de l’UE. Les pays vont alors s’approvisionner sur le marché australien. Pour les armateurs, cela signifie un allongement du temps de transport et donc une disponibilité en navire plus réduite. Une tendance qui se révèle aussi au départ d’Indonésie. Après l’interdiction d’exporter du charbon en janvier, Djakarta a décidé de revenir en force sur le marché international. Les opérateurs asiatiques, coupés du charbon russe, se tournent vers l’Indonésie.

Les inondations de la Hunter Valley

Les approvisionnements en charbon depuis l’Australie risquent d’être difficiles dans les prochains jours. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Hunter Valley, dans la région des New South Wales, ont entraîné la fermeture de nombreuses mines noyées. Il faudra attendre plusieurs semaines avant que les mineurs puissent évaluer et réparer les dégâts. Des inondations qui se reportent sur les infrastructures logistiques qui ont été endommagées selon les premiers rapports. Les mines situées en dehors de la Hunter Valley qui alimentent le port de Newcastle ont été touchées mais peuvent continuer à livrer.

Le charbon sud-africain revient en scène

Les sanctions européennes contre le charbon russe obligent les opérateurs à se tourner vers de nouveaux marchés d’approvisionnement. Le charbon sud-africain semble revenir en force sur le marché international après avoir été boudé pendant plusieurs années. Selon une dépêche de Bloomberg, les stocks au port de Richard’s Bay se réduisent. Les Européens se ruent sur ce marché pour diversifier leurs provenances.

Guinée : le gouvernement ordonne la cessation d’activité de Rio Tinto

Toujours en Afrique, le gouvernement de transition de la Guinée Conakry a décidé de suspendre les activités de Rio Tinto sur le site de Simandou. Dans le communiqué du conseil des ministres du 10 mars, il a « rappelé qu’il avait demandé la mise en œuvre de l’exploitation du gisement de Simandou en tenant compte des intérêts de la Guinée. Malheureusement, à ce jour, malgré sa requête qui date de décembre 2021, il n’y a pas eu de progrès. Il a donc instruit la cessation de toute activité sur le terrain en attendant les réponses aux questions posées aux divers acteurs et la clarification du mode opératoire dans lequel les intérêts de la Guinée seront préservés. » Une décision qui pourrait perturber la production de bauxite et les activités en sortie du port de Kamsar. La Guinée est en passe de devenir le premier fournisseur de bauxite en Chine.

L’Inde exportera 7 Mt de céréales en 2022

Ces poussées des taux de fret pour les vraquiers proviennent aussi de la recherche en Europe et en Afrique de nouvelles sources d’approvisionnement en céréales. L’Espagne s’est tournée vers l’Argentine pour l’achat de maïs. Auparavant, le maïs consommé par le bétail espagnol provenait majoritairement d’Ukraine. Une annonce qui relance les taux pour les Panamax sur le bassin Atlantique. De plus, l’Inde a annoncé mettre sur le marché international 500 000 t de blé. Sur cette campagne, l’Inde devrait exporter environ 7 Mt de blé. Un record dans son histoire. L’agence de presse Reuters indique que des négociants ont acheté du blé indien à 340$/t FOB. Le 15 mars, le prix du blé FOB à Rouen s’élève à 449$/t.

Ne jouez pas avec le feu

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie a déstabilisé durablement les cartes du monde maritime. Pour de nombreux gouvernements, il est temps d’anticiper ce que sera la fin de l’année. En Europe ce sont principalement sur l’énergie fossile que se focalise l’attention. En Afrique, les céréales et autre produits agroalimentaires pourraient venir à manquer rapidement. Outre la mise en place de politiques gouvernementales pour développer l’agriculture locale, tous les opérateurs regardent avec attention l’état des cultures dans le monde. Un courtier déclarait récemment : « Nous sommes assis sur un baril de poudre. Il suffirait d’un petit malin pour venir jouer avec des allumettes pour que tout s’embrase. »