Corridors et logistique

Automobile : la crise de la capacité se confirme

Lors de son assemblée générale, European Car Group a dressé le bilan de la crise de capacité en Europe. La sous-capacité chronique est aggravée par un manque d’efficacité des moyens logistiques.

La crise de la capacité de moyens logistiques va continuer dans les prochaines années, ont averti les responsables du European Car Group, association des logisticiens automobiles, lors de leur assemblée générale du 12 mai. Le constat sur le manque de capacité demeure.

Le retour de la confiance entre logisticiens et constructeurs

Depuis la publication en décembre d’un livre blanc sur le manque de capacité, les responsables d’ECG reconnaissent une amélioration. « Elle interviendra sur le court terme », précisent-ils. En effet, depuis la première publication de ce rapport, ECG reconnaît que les choses changent. « La confiance entre les opérateurs et les constructeurs est revenue », affirment les responsables d’ECG.

Les maux profonds demeurent

Une situation qui s’améliore mais qui ne doit pas cacher les maux profonds de la profession. Ainsi, les transporteurs routiers commandent de nouveaux camions. Des investissements qui ne seront pas opérationnels rapidement. « Il faut environ 15 mois entre la date de commande et la réception de ces outils », souligne le président d’ECG, Wolfgang Göbel. Cependant, continue le président d’ECG, avec l’inflation, des sociétés ont annulé leurs commandes faute de trésorerie. D’autre part, le manque de chauffeurs reste criant.

Le manque de chauffeurs sera de 2 millions en 2026

Et ce manque de chauffeurs est estimé, en 2023 à environ 600 000 salariés. La situation va aller en s’aggravant.  En effet, elle est prévue de d’atteindre 2 millions de chauffeurs manquants d’ici trois ans, en 2026. « Au Royaume-Uni, pour faire face à cette pénurie de chauffeurs routiers, les opérateurs ont augmenté les salaires. Ils ont pu régler en partie le problème », a rappelé Mike Sturgeon, directeur général d’ECG.

L’affrètement direct des constructeurs automobiles

De gauche à droite: Bjorn Svenningsen, vice-président de ECG, Wolfgang Göbbel, président de ECG et Costantino Baldissara, directeur général Grimaldi Lines et ancien président de ECG.

L’autre pan de cette crise de la capacité dans le monde routier tient à l’attitude de certains constructeurs automobiles. Face au manque de moyens logistiques routiers, les constructeurs automobiles ont décidé d’intervenir directement en affrétant des camions. « Une stratégie qui a aggravé l’inefficacité de la logistique automobile », indiquent les responsables d’ECG.

Le recours à des chauffeurs de pays tiers

Pour faire face à ce manque de chauffeurs, les responsables d’ECG proposent d’accueillir des personnes depuis des pays tiers à l’Union européenne. « Nous avons rencontré les responsables de la DG Move qui se sont montrés attentifs à notre proposition. Malheureusement, de nouvelles règles européennes contrecarrent cet élan », continue Wolfgang Göbel. À titre d’exemple, il cite notamment le Paquet Mobilité.

Le Paquet Mobilité n’a pas amélioré la situation

Ainsi, dans cette r!glementation européenne, les modifications de règles sur le cabotage routier ont modifié les réseaux des logisticiens automobiles. Pour se conformer aux règles, les transporteurs réalisent des trajets en cabotage national en les séparant en deux voyages internationaux. « Le résultat est inquiétant : plus de kilomètres parcourus et un taux d’occupation des chauffeurs plus longs. Cela abouti à une plus grande inefficacité logistique », soulignent les responsables d’ECG.

Maritime : la résorption de la sous-capacité

Quant à la logistique maritime, les dirigeants d’ECG constatent une reprise de la confiance entre opérateurs et constructeurs automobiles. Selon Vessels Value, la sous-capacité endémique du roulier devrait se résorber dans les prochaines années. Les estimations tablent sur la réception de 12 navires en 2023. Dans le même temps, quatre navires devraient sortir de la flotte. De plus, en 2024 et 2025, ce sont 45 navires attendus avec une vingtaine de navires à quitter la flotte. Au final, indiquent les dernières estimations de Vessels Value, la flotte devrait progresser de 7% en capacité au cours de ces deux années.

Pas de places pour les conteneurs dans les terminaux rouliers

Aussi, la logistique maritime a souffert du transfert d’une partie des flux conteneurisés vers le roulier avec la hausse des taux de fret. Avec la fin des perturbations dans les chaînes logistiques conteneurisées, les opérateurs sont revenus à utiliser les porte-conteneurs. « Il n’y a pas de places pour les conteneurs dans les terminaux rouliers », a souligné Bjorn O. Gran Svenningsen, directeur commercial et marketing de UECC.

Ports : des attentes de 3 à 4 jours

De plus, outre la crise actuelle sur les moyens de transport routiers et maritimes, du côté portuaire, la saturation demeure. Et Costantino Baldissara, directeur de Grimaldi, s’inquiète : « Nous ne pouvons pas continuer avec des attentes devant les ports. Entre Hambourg et Anvers, nous devons parfois patienter trois à quatre jours avant d’accoster. À 15 000$/j, la facture monte vite. » De plus, certains terminaux ont été, ces derniers mois, jusqu’à limiter le nombre de voitures à décharger voire de refuser des escales en raison de la congestion.

En six semaines les terminaux ont été saturés

En effet, le manque d’espaces dans les terminaux portuaire perturbe les opérations logistiques tant maritimes que terrestres. Du côté maritime, les services, notamment en short sea, sont perturbés avec des escales annulées. Quant aux rotations routières, elles souffrent de ne pas pouvoir accéder aux terminaux. Et pourtant, « lorsque la crise s’est atténuée en milieu d’année 2022, les constructeurs automobiles ont prévenu qu’ils n’auront plus besoin d’autant d’espaces. En six semaines, les terminaux ont été saturés ».

Ferroviaire : des limites de capacité liés aux infrastructures

Enfin, le ferroviaire est aussi sous la loupe. Les soucis d’infrastructures limitent la capacité du rail à répondre aux attentes. Alors, les opérateurs se tournent vers le routier pour compenser ce manque. « Même si pendant l’hiver 2022/2023, la situation s’est améliorée avec une demande en baisse, le manque de wagons reste criant », indique le rapport sur la crise de la capacité.