Politique

COP 28 : l’Afrique refuse des aides pour sortir du pétrole et du gaz

La COP28 s’achève sur un résultat en demi-teinte. Le projet d’accord soumis à la signature prévoit une sortie des énergies fossiles en 2050, ou à une date proche. De son côté l’Afrique ne veut pas renoncer au pétrole, selon un courrier du président de l’African Energy Chamber.

La COP 28 s’achève sur un résultat en demi-teinte. Le projet d’accord proposé à la signature ne mentionne pas le retrait des énergies fossiles. En effet, le seul point que prévoit ce projet vise à une « réduction de la consommation et de la production d’énergies fossiles d’une manière ordonnée pour atteindre des émissions proches de zéro pour 2050, voire aux environs de cette date ». Les autres points concernent le développement des énergies renouvelables comme le solaire, l’éolien et le nucléaire. Il y est aussi fait mention d’arrêter les subventions pour les utilisations d’énergies fossiles qui « prévoient des consommations inutiles ».

L’échec des aides occidentales

Une position que le président de l’African Energy Chamber (AEC), N.J Ayuk défend pour le continent africain. Dans une lettre ouverte, il explique sa position. En effet, il refuse de voir le continent africain abreuver d’aides des pays occidentaux pour permettre une transition énergétique et donc un abandon des énergies fossiles. Il prend en exemple les différentes aides que l’Occident a tenté de mettre en place pour le continent. Il en a été ainsi de la lutte contre famine avec des concerts organisés par USA for Africa dans les années 80. Des « gestes nobles », indique N.J Auyk qui « sont loin d’apporter un réel changement socio-économique. En fait, certains affirment que l’injection d’aide monétaire en Afrique, à maintes reprises, a fait plus de mal que de bien. »

Accorder des aides pour ne plus produire

Appliquée aux questions de transition énergétique, ces « gestes » auront le même effet, selon le président de l’AEC. « Aujourd’hui, la communauté internationale parle de l’aide aux pays africains comme substitut à nos activités pétrolières et gazières. Les écologistes occidentaux soutiennent que l’Afrique devrait conserver toutes ses ressources pétrolières dans le sol pour éviter d’aggraver le changement climatique. En échange de ce sacrifice, les nations africaines recevraient une compensation et injecteraient cet argent dans d’autres domaines, comme le développement de leurs technologies énergétiques durables. Je l’ai déjà dit et je le répète : Quelle horrible idée ! ».

Des aides préjudiciables aux Africains

Et pour aller plus loin dans ce raisonnement, N.J Ayuk continue sur sa lancée. Il se dit « offensé » par ce système. Fournir une aide à l’Afrique signifie que les pays donateurs « s’accordent le droit à influencer les décisions nationales » des pays africains. « Je crains que les donateurs internationaux ne se sentent autorisés à dicter la politique de l’Afrique en ce qui concerne l’ampleur et la rapidité de notre transition énergétique. » N.J Ayuk considère que ces aides sont préjudiciables aux Africains.

Renoncer au pétrole c’est renoncer à des emplois

Effectivement, il estime que renoncer à l’industrie pétrolière et gazière signifie le renoncement aussi à des emplois et des opportunités commerciales. Alors, il appelle les pays africains à continuer d’exploiter les ressources pétrolières et gazières « pour s’aider elles-mêmes. Nous ne nous laisserons pas intimider, ni manipuler par l’aide, dans une voie qui n’est pas dans notre intérêt. » Il explique que cette stratégie va dans le sens de l’autonomisation des pays d’Afrique.

Un plaidoyer pour un mix énergétique

S’il rejette l’idée de mettre un terme à l’industrie pétrolière et gazière, il plaide en faveur d’un mix énergétique. En effet, il plaide pour la vente de ses ressources pétrolières tout en s’orientant vers le développement des énergies renouvelables. « La méthode du mix énergétique peut aider plus de gens plus rapidement. » Elle permet une approche pragmatique pour donner un accès à tous à l’énergie. Rappelons qu’une partie importante des populations africaines n’a pas accès à l’énergie.

Le rôle de l’Afrique dans l’économie mondiale gazière

Dans ce cadre, le gaz naturel constitue pour le président de l’AEC un vecteur de transformation des vies et des communautés africaines. Il présente des avantages comme l’éradication de la pauvreté énergétique jusqu’à la possibilité d’emplois pour les générations futures. De plus, le président de l’AEC souligne le rôle que peut jouer l’Afrique dans le contexte international actuel. De ce fait, « les nouvelles sources d’énergie peuvent être exportées vers les pays occidentaux pour remplacer l’énergie russe. Ensuite, au fur et à mesure que l’Europe passe à l’énergie durable, une plus grande partie du gaz naturel africain peut répondre aux besoins domestiques. »

D’abord l’énergie, ensuite la transition énergétique

Cette question de la transition énergétique vue par l’Afrique se pose en d’autres termes qu’en Occident. « Il est impossible, voire tout à fait inhumain, de discuter du changement climatique sans se pencher sur la pauvreté énergétique », souligne le président de l’AEC. Sa principale préoccupation est de « fournir de l’énergie aux populations africaines et nous préoccuper ensuite de la transition vers des alternatives respectueuses de l’environnement, comme nous l’avons fait partout ailleurs dans le monde. » Alors, en creux, N.J Ayuk semble vouloir renvoyer les questions de transition énergétiques à des préoccupations de pays riches.

Ne pas se priver de ressources financières

Cette position se comprend aisément. L’AEC regroupe les principales sociétés pétrolières et les pays pétroliers d’Afrique. En prenant cette position, proche de celle de l’Opep, il appuie un peu plus sur la nécessité d’une transition raisonnée. Le continent africain, tout comme l’Amérique du Sud, est doublement visée par cette transition. De nombreux pays produisent du pétrole, du gaz mais aussi du charbon. Or, pour ces pays l’exportation de ces ressources constituent des ressources financières importantes.

Des dommages collatéraux jusqu’à la logistique portuaire

En outre, l’abandon des énergies fossiles signifient de lourdes pertes pour toute l’économie maritime et portuaire des pays africains. Déjà, sur les dix premiers mois de l’année, les exportations de charbon vers l’Europe sont tombées à un niveau jamais atteint depuis 2002. L’Europe, notamment, voit sa production électrique se réaliser de plus en plus par des énergies renouvelables. Or, le charbon provient en partie d’Afrique du Sud ou encore de Colombie. Mettre un terme à l’usage de cette ressource créerait des dommages collatéraux importants à l’économie de ces pays, voire à des pans entiers de la logistique portuaire.