La Rochelle : le port pousse les murs pour répondre aux appétits de l’éolien en mer
Le GPM de La Rochelle effectue sa mue vers l’éolien. Un reportage de Gaël Cogné de Mer et Marine sur la préparation du port charentais pour devenir un hub dans ce secteur.
Comme de nombreux ports métropolitains, Le GPM de La Rochelle se transforme. Des engins de chantiers soulèvent la terre et déplacent des enrochements, alors que de nouveaux terre-pleins et quais renforcés apparaissent. Dans son bureau qui domine les quais, le président du directoire et directeur général du port, Michel Puyrazat (également devenu depuis le 1er septembre directeur par intérim du Grand Port Nantes-Saint-Nazaire) montre des vidéos et étale des plans.
Faire de la place
« Son » port est en train de changer. Il faut faire de la place, vite, et sans se tromper, pour adapter les infrastructures et accompagner le développement de l’éolien en mer, dont les technologies évoluent rapidement. « On se prépare pour demain », dit-il à Mer et Marine.
D’importants besoins
La filière de l’éolien en mer a décollé. Le parc de Saint-Nazaire a vu le jour, Saint-Brieuc et Fécamp sont pour demain et seront suivis par une dizaine de nouveaux parcs totalisant environ 7 GW. En février 2022, le président Emmanuel Macron a fixé le cap : 40 GW de capacité éolienne en mer d’ici 2050. Une circulaire adressée aux préfets le 7 juin dernier détaille les objectifs de déploiement par façade, avec 18 GW à attribuer d’ici à 2035 et 14 GW supplémentaires d’ici à 2050. Une âpre concertation avec des débats publics mutualisés s’ouvre cet automne. L’objectif est de déterminer une cartographie très précise des zones où seront implantés les futurs parcs éoliens en mer d’ici un an pour lancer les appels d’offres.
Trois parcs pilotes
Les capacités d’accueil pour l’éolien posé, qui nécessite des profondeurs d’eau modestes (moins de 60 mètres), seront atteintes. Les principaux sites adéquats sont connus et seront bientôt équipés. Mais ils ne suffiront pas. D’autant que, proches des côtes, ils posent des problèmes d’acceptabilité. L’avènement de l’éolien flottant approche donc, même si la technologie n’est pas encore totalement mature. Pour y parvenir, trois premiers parcs pilotes français sont en cours de réalisation en Méditerranée. Les premiers parcs commerciaux suivront en 2030 en Bretagne Sud et en Méditerranée.
Un hub éolien
À La Rochelle, on suit cette évolution rapide avec intérêt et la place portuaire se positionne. Il faut dire que l’éolien n’a rien de nouveau ici. Depuis une vingtaine d’années, le port accueille des éoliennes (jusqu’à 200 par an) qui ont équipé des parcs terrestres de la région. Groupe maritime Kuhn s’est fait une spécialité de la manutention de ces énormes colis lourds. Naturellement, le port, qui offre un plan d’eau, calme, facile d’accès et sans contrainte de tirant d’air a été sollicité pour servir de hub logistique pour le parc éolien de Saint-Nazaire. Il a permis de stocker pendant près de 18 mois les fondations des machines (80 monopieux et 80 pièces de transition) venues de l’usine belge Eiffage à Anvers, avant leur installation par Deme et son jack-up Innovation. Ces pièces mesurant jusqu’à 65 mètres de long et pesant jusqu’à 1000 tonnes ont été stockées sur un espace de 4 hectares.
La Rochelle idéalement située
Depuis la livraison du parc de Saint-Nazaire en 2022, les éoliennes offshores ont temporairement disparu du paysage rochelais. Ce n’est qu’un trou d’air pour l’éolien en mer dans le port charentais. La décision finale d’investissement du parc des îles d’Yeu et Noirmoutier a été prise au printemps. La construction en mer va bientôt commencer. Rien n’est encore signé, mais le GPM de La Rochelle paraît idéalement située pour y participer. D’autant que l’opérateur en charge de l’installation du même type de fondations (monopieux et pièces de transition) est à nouveau Deme. Viendra ensuite le parc au large de l’île d’Oléron (Sud Atlantique), avec une première zone d’1 GW programmée pour 2030 et une deuxième, équivalente, dans les années à venir, qui sera de l’éolien flottant.
Extensions
Pour accueillir des éoliennes de plus en plus grandes, le port de La Rochelle doit s’adapter. Or, « ce qu’il ne faut pas, c’est arrêter les autres activités », pointe Michel Puyrazat. Donc, « il faut de la surface complémentaire », avec des quais capables de soutenir des composants d’éoliennes de plus en plus lourds et volumineux, pour offrir des conditions attractives. Le port a par conséquent regardé vers le Nord, au-delà des quais lourds de l’anse Saint-Marc 1 (aménagé en 2011) et 2 (2015).
Un troisième terminal en cours de construction
Un troisième terminal est en cours de construction pour l’accueil de colis lourds avec un quai de 250 mètres de long ainsi qu’un terre-plein de 6 hectares. Une digue d’enclôture a été construite, le casier est en cours de remblaiement, avant la pose de la structure de chaussée et la réalisation du revêtement. En même temps, des fondations sont posées pour le quai, avant construction du plancher et revêtement.
Une zone de 35 hectares sur La Repentie
En arrière, une vaste zone de 35 hectares est en cours d’aménagement sur la zone de La Repentie. Pour créer une « transparence » et la connecter avec les terminaux portuaires, une partie du viaduc de type Eiffel a été démantelée. Soit 420 mètres de partie terrestre. Les conduites qui desservent les dépôts depuis le môle d’escale ont été enfouies et protégées par une dalle d’une portance de 20 tonnes par m2 pour y faire transiter demain de lourdes pièces.
Un volet du projet Port Horizon 2025
Ces aménagements sont conduits dans le cadre du projet Port Horizon 2025, qui comporte un important volet destiné à faciliter les flux de colis lourds. Présenté dès janvier 2018, ce projet, comportant aussi le dragage de 550 000 m3 de sédiments et le déroctage de 700 000 m3 de roches sédimentaires, n’a été véritablement lancé qu’en 2023, en raison d’un recours portant notamment sur l’autorisation environnementale accordée en 2020. Finalement, il devrait être terminé à horizon 2027-2028.
Travailler avec d’autres ports
Mais la place pourrait tout de même venir à manquer pour suivre la cadence de grands parcs éoliens flottants. « Il faudrait 40 à 50 hectares si on veut que cela aille vite », estime le directeur du port. « L’enjeu du flottant est beaucoup plus important en matière de surface disponible que pour l’éolien posé. On parle d’un besoin trois à quatre fois supérieur », explique Michel Puyrazat. De plus, cette activité réclame des quais avec une forte résistance. Les quatre ports de Nouvelle Aquitaine (les Grands ports maritimes de La Rochelle et Bordeaux, ainsi que les ports de Bayonne et de Rochefort-Tonnay-Charente) ont donc répondu conjointement à un appel à manifestation d’intérêt de l’État. « Nous avons travaillé sur un schéma logistique pour montrer que les ports peuvent se mettre en musique ». Cette proposition vise à mutualiser les ressources.
La Rochelle et Bordeaux sur l’assemblage des flotteurs
Les deux GPM de La Rochelle et de Bordeaux se partageraient l’assemblage des flotteurs avec la mise à l’eau pour l’un et l’édification à quai des éoliennes pour l’autre. Bayonne, avec Tarnos et la société Laminoirs des Landes, s’occuperait des mâts en acier, et Rochefort des ancrages. Dans cette proposition, il s’agit à la fois de voir loin sur les années à venir (5 à 10 ans) et sur une vaste zone à couvrir. Avec les éoliennes flottantes assemblées en Nouvelle-Aquitaine, « on peut imaginer qu’on aille très loin, vers l’Irlande, la façade Sud de l’Angleterre », estime Michel Puyrazat.
Des bases de maintenance dans les ports de proximité
Et puis les ports pourraient aussi servir de zone de stockage et de manutention pour les parcs, estime-t-il. Les bases d’opérations et maintenance sont de petits ports proches des parcs. « Mais pour les grands éléments, il faudra des backoffices », prévoit le directeur du port de La Rochelle. Là encore, « le nerf de la guerre, c’est la surface disponible à proximité du bord à quai. Et ce, dans un contexte où arrive le zéro artificialisation nette dès 2030 ».