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Manutention : MSC vise le nord, la Chine loupe sa cible au sud

Le manutentionnaire allemand HHLA a reçu une offre d’une filiale de MSC pour 49,9% du capital. De son côté, après des négociations, le port de Tarente refuse l’entrée d’une société détenue à 33% par des intérêts chinois.

Le groupe MSC continue à étendre son réseau portuaire en Europe. Le 13 septembre, le groupe de manutention allemand HHLA indique que Port of Hamburg Beteiligungsgesellschaft SE a publié son intention de soumettre une offre publique d’achat. Cette société, indique HHLA, est une filiale indirecte à 100% de MSC. L’opération vise à donner 49,9% des parts de HHLA à MSC.

69% du capital à la ville de Hambourg

La structure capitalistique de HHLA se divise en des actions de classe A. Elles sont entre les mains de la ville de Hambourg à hauteur de 69%. Les 31% restants sont cotés en bourse. Ces actions concernent les activités logistiques du groupe. Le capital est aussi réparti dans des actions de classe S, entièrement entre les mains de la ville de Hambourg. Ces actions visent les activités immobilières du groupe. Les premières estimations tablent sur un prix d’environ 1,3 Md €, soit bien moins que l’opération avec le groupe Bolloré.

Reprendre 100% d’une filiale de la ville de Hambourg

L’offre publique d’achat de la filiale de MSC concerne uniquement les actions de classe A. La société a proposé de racheter une partie de ces actions. Il s’agit des actions détenues par une filiale de la ville de Hambourg, HGV Hamburger Gesellschaft für Vermögens und Beteiligungsmanagement mbH. Avec ce processus, la filiale de MSC disposera de 49,9% du capital de HHLA.

L’activité logistique visée

Cette opération doit encore être soumise au conseil de surveillance du manutentionnaire et à l’autorité fédérale allemande des transactions. La structure dans laquelle entre la filiale de MSC concerne la manutention portuaire. Il s’agit des opérations de manutention vers les modes terrestres, de la maintenance des conteneurs, des opérations multimodales de transport routier et ferroviaire, de la gestion des terminaux intérieurs et de toutes les opérations logistiques sur des marchandises diverses et les vracs.

La réaction attendue d’Hapag Lloyd

Cette acquisition ne semble pas faire l’unanimité. En effet, une dépêche de Reuters souligne que le groupe Khuene & Nagel ne laissera pas MSC seul sur les rangs. La dépêche indique que le commissionnaire attend une contre-proposition de Hapag Lloyd, dont il détient 30%. La dépêche indique qu’à ce jour Hapag Lloyd n’a pas réagi. Cependant, si Hapag Lloyd ou Khuene & Nagel entre dans la bataille, le gagnant sera HHLA qui verra l’offre s’enchérir. Il reste que d’autres sociétés peuvent entrer dans la danse à l’image du groupe CMA CGM, d’Evergreen ou de manutentionnaires comme DP World ou APM Terminals.

MSC s’étend aussi dans le sud

En prenant pied dans HHLA, le groupe MSC étend son réseau en Europe du Nord. Après Anvers, MSC sera présent à Hambourg au travers des terminaux de Altenwerder, Buchardkai et Tollerort. Ce dernier a déjà partiellement changé de mains cette année. HHLA a cédé 30% de ce terminal au chinois Cosco Ports. Outre les terminaux allemands, MSC s’ouvre la gestion du terminal à conteneurs d’Odessa. Les opérations de manutention de ce terminal sont suspendues en raison du conflit. Enfin, HHLA gère le terminal de Muuga, en Estonie, et à Trieste. L’acquisition par MSC de HHLA permettra à l’armement suisse de disposer de 100% des terminaux à conteneurs du port de Trieste. En effet, MSC gère le second terminal du port italien.

Tarente, en rempart contre la Chine

Alors qu’au nord de l’Europe MSC prend de nouvelles positions, les velléités des Chinois en Italie semblent compromises. Lors d’un déplacement en Italie, le gouvernement chinois s’est déclaré favorable à intégrer les ports de Gênes et de Trieste dans le réseau de la Belt and Road Initiative. Une déclaration qui date d’avant la pandémie. Depuis, des conteneurs sont passés dans les ports. Le nouveau gouvernement italien paraît plus réticent à l’entrée de sociétés chinoises dans le monde portuaire du pays.

Un refus pour non-modification de l’actionnariat

C’est dans ce contexte qu’est intervenue, en fin d’été, la décision de l’autorité portuaire de Tarente de rejeté la demande de gestion de la plateforme logistique du port par la société Progetto Internazionale 39. L’information, dévoilée par le Corriere di Taranto, est passée inaperçue pendant l’été. Selon le journal, le 9 août, l’autorité portuaire a refusé le projet de la société en raison d’un manque de capitalisation et de changement d’actionnaires. Un revirement de position après avoir accepté en mars la candidature de la société.

33% du capital dans les mains de Dragon Business Forum

Pour comprendre cette position, il faut décortiquer l’actionnariat de Progetto Internazionale 39. Cette structure est basée à Rome au sein du cabinet comptable de Tommaso Celletti. Ce dernier est l’unique administrateur de la société. Il détient 33% du capital de la société. Un autre tiers, est entre les mains de Alfredo Esposito. Enfin, 33% appartiennent à Gao Shuai et 1% à une association présidée par la même personne. Le reproche vient des relations que Gao Shuai a noué avec le gouvernement de Pékin. En effet, il est le fondateur du Dragon Business Forum dont l’objectif est de promouvoir les relations entre les entreprises italiennes et chinoises.

Gao Shuai, un faux-nez de Pékin ?

Alors, pour l’autorité portuaire de Tarente, les liens trop étroits entre Gao Shuai et Pékin plaident contre lui. Sans le dire clairement, l’autorité portuaire de Tarente soupçonne Gao Shuai d’être un « faux nez » de Pékin. Pourtant, cette personne réside en Italie depuis 15 ans, sans avoir été l’objet de poursuites ou de campagnes de dénigrement. Cette affaire fait référence aux oppositions que Cosco Ports a connu lors de son intention d’entrer dans le terminal de Tollerort, à Hambourg. Après des campagnes de promotion et de dénigrement, Cosco Ports a finalement pris 24,9% du terminal hambourgeois.