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Ports : en Europe, la crise s’installe confortablement

Les résultats des trafics portuaires à neuf mois confirment la tendance d’une baisse généralisée des trafics dans les principaux ports européens. En Chine, les trafics reprennent.

La tendance du premier semestre se confirme. Les trafics portuaires accusent une baisse en 2023. Un constat qui doit être nuancé. L’année 2022 a été celle de la reprise économique après la pandémie. Cette année reste malgré tout marquée par le retour d’une inflation importante en Europe.

Des trafics en berne

Alors, globalement, les résultats des ports sont toujours dans le rouge. Ainsi, les ports de Rotterdam, d’une part, et d’Anvers-Bruges d’autre part, enregistrent tous les deux une diminution de 6% de leur trafic. Sur la Seine, Haropa Port baisse de 7%. Au sud, le GPM de Marseille-Fos et Gênes ne publient pas de résultats sur le trafic cumulé au troisième trimestre. Au sud, le port de Barcelone s’inscrit dans la même tendance. Il perd 11,5% à 47,8 Mt.

Rotterdam conserve la pole position

Des pertes qui ne changent pas le classement. Le port de Rotterdam conserve sa position avec 329,8 Mt à fin septembre. Le port d’Anvers-Bruges se place sur la deuxième marche du podium avec 204,4 Mt. Enfin, Haropa Port clos le quarté de tête avec 60,1 Mt. Les chiffres du port de Hambourg ne sont pas disponibles à l’heure où nous mettons sous presse.

Les trafics de charbon pâti de la décarbonation

Dans ces différents ports, les pertes sont à mettre au passif des trafics de vracs solides. Ainsi, à Rotterdam, ces flux perdent 11,9% à 52,6 Mt. Une diminution que l’autorité portuaire attribue aux volumes de charbon qui se réduisent de 16,8% à 18 Mt. La demande plus faible en énergie et le recours à des énergies renouvelables comme le solaire et l’hydraulique obligent à amener à la mise en sommeil des centrales thermiques. Pour leur part, les trafics de vracs agroalimentaires progressent en raison d’importations massives depuis l’Amérique du Sud. Quant aux autres vracs, ils perdent du volume en raison de la baisse de la demande en matières premières.

Haropa Port résiste mieux

La même tendance se dessine à Anvers-Bruges. Le port accuse un repli de son principal flux de vrac, les engrais. Il perd 24,2%. Des signes positifs apparaissent, selon le port, avec une reprise d’activité depuis la fin de l’été. Quant au charbon, il continue sa décroissance tout comme les minerais de fer et les minerais non ferreux. Haropa Port résiste presque mieux avec une baisse de seulement 4,5% de ses vracs solides à 9,6 Mt. Les trafics céréaliers accusent le coup avec une baisse de 6,2% à 5,6 Mt. La concurrence avec les céréales de mer Noire joue à plein. Les blés russes et ukrainiens ont pesé sur la première moitié de l’année. Le début de campagne se réalise en faveur des céréales russe. Quant aux produits pour le BTP, ils suivent l’économie du secteur, en diminution.

Barcelone progresse sur les trafics de vracs solides

Dans le sud, la situation est plus contrastée. En effet, Barcelone voit son trafic de vracs solides gagner du terrain. Il totalise 3,6 Mt sur les trois premiers trimestres, en progression de 11,8%. Une hausse que le port catalan doit principalement à son trafic céréalier et de produits du BTP (ciment et clinker, notamment). Enfin, dans les ports de Ligurie (Gênes, Savone et Vado Ligure), les trafics de vracs secs perdent 17,2% sur les huit premiers mois de l’année.

Vracs liquides : une stabilité à Haropa Port

De leur côté, les vracs liquides enregistrent des pertes de volume dans des proportions moindres que les vracs solides. Ainsi, Haropa Port réussi presque à stabiliser ses trafics. Il perd 0,6% à 31,06 Mt sur les trois premiers trimestres. Une diminution qui tient à deux courants : le pétrole brut et les engrais liquides. D’un autre côté, les produits raffinés sont en nette progression avec une hausse de 8,7% à 12,1 Mt. Il en est de même pour les hydrocarbures gazeux qui gagnent 16,6% à 832 110 t. L’arrivée en septembre du FSRU Cape Ann va permettre aux ports de l’axe Seine d’afficher un courant de GNL dans les prochains mois.

Baisse des trafics de vracs liquides en Europe du Nord

Si Haropa Port se stabilise, le port de Rotterdam accuse, pour sa part, une diminution de 2,4% de ses flux de vracs liquides. Le principal courant responsable de cette baisse est le pétrole brut. Deux raisons expliquent cette tendance. D’une part, les travaux de maintenance des raffineries réduit la demande en brut. D’autre part, la baisse de la consommation en Europe a influencé les trafics du port comme hub logistique. En effet, Rotterdam sert de plate-forme de redistribution du brut en Europe. La baisse de la consommation a réduit ce rôle. Quant aux trafics de produits pétroliers, les sanctions contre la Russie pèsent sur les volumes du port néerlandais. Il sert de base logistique pour ces produits avec la Russie. Enfin, face à ces baisses, le port néerlandais affiche une progression de ses importations de GNL de 0,6% à 8,6 Mt. Des flux qui viennent remplacer les entrées en Europe du GNL russe par le gazoduc.

Anvers-Bruges voit ses flux de GNL baisser

Quant à Anvers, il enregistre une baisse de 2,9% de son trafic de vracs liquides à 66,2 Mt. Une baisse liée à la diminution des importations de GNL qui perdent 6,7%, du naphta et d’essence. De plus, les trafics de produits chimiques souffrent. Ils se réduisent de 11,5%. Cette diminution est la combinaison entre la baisse des importations plus forte que les exportations. Pour l’autorité portuaire, le coût de l’énergie et du travail en Europe rend les produits fabriqués sur le continent plus cher que ses concurrents.

Liquides : au sud, les diminutions sont plus importantes

Dans le sud du continent, la tendance s’inscrit dans le même ordre d’idée mais dans une plus forte proportion. Ainsi, le port de Barcelone perd 15,7% de ses volumes de vracs liquides à 9,5 Mt. Le port catalan perd en raison de la diminution des flux de GNL et de combustibles. Pour leur part, les ports de Ligurie perdent 5,3% de leur trafic à 13,4 Mt. Une diminution qui tient principalement aux entrées de produits pétroliers.

La tourmente des trafics de conventionnelles

Enfin, s’agissant des marchandises générales, tous les ports naviguent dans la même tourmente pour ces trois premiers trimestres. Ils affichent tous une baisse de trafic. Ainsi, avec 24,8 Mt, Rotterdam voit ses flux de conventionnelles s’affaisser de 6%. Tant le roulier que les autres trafics de diverses reculent. Pour l’autorité portuaire, cette baisse tient tant à l’inflation qu’à des niveaux de stocks importants chez les distributeurs.

L’acier fait plier les conventionnelles d’Anvers-Bruges

Pour sa part le port d’Anvers-Bruges voit ses flux de conventionnels perdre 18,7% à 7,8 Mt. Le trafic d’acier, principal courant de cette catégorie enregistre une réduction de la demande en raison de l’inflation en Europe. Cependant, note la direction du port, les chiffres se rapprochent de leur niveau d’avant la pandémie. Quant au roulier, que le port traite à part, il reste stable à 16 Mt. Bien plus, le trafic de voitures neuves progresse de 12,6% à 2,67 millions d’unités. Encore, le trafic non accompagné vers l’Irlande augmente quand celui destiné au Royaume-Uni baisse.

Conteneurs : l’effet inflation joue à plein

Enfin, le trafic conteneurisé accuse le coup tant en volume qu’en nombre. Ainsi, tant à Anvers-Bruges que Rotterdam et Haropa Port, les volumes conteneurisés se réduisent. Les ports estiment que le climat économique incertain et le taux d’inflation élevé par rapport aux précédentes années ont pesé sur la consommation de biens d’équipements. Et pour aller plus loin, le port de Rotterdam rappelle qu’en Europe, depuis le début de l’année, les ménages consomment plus des services que des biens.

Des baisses de trafic en nombre et en tonnage

Dans ce contexte, la baisse des volumes conteneurisés est inéluctable. Ainsi, Haropa Port voit son trafic perdre 17% à 1,95 MEVP. En tonnage la baisse reste plus limitée avec une diminution de 16% à 18,08 Mt. Plus au nord, Anvers-Bruges voit ses volumes se contracter de 6,8% à 9,5 MEVP. En tonnage le port d’outre-Quiévrain affiche une diminution de 6,5% à 103,1 Mt. Des chiffres que l’autorité portuaire ne nie pas. Cependant, elle rappelle que le port gagne 1% de part de marché sur le premier semestre sur le range Le Havre-Hambourg à 30,6%.

Une baisse des pleins à Barcelone

Le port de Rotterdam s’inscrit dans la même veine avec une baisse de 7,2% à 10,2 MEVP. En tonnage ce trafic perd 8,1% à 98,1 Mt. En Méditerranée, le marché se décline dans la même tendance. Le port de Barcelone perd 10,8% à 2,4 MEVP. Pour le port catalan, les conteneurs pleins reculent plus vite que les vides qui gagnent en nombre d’unités. Avec 24,9 Mt, le trafic conteneurisé du port de Barcelone affiche une baisse de 15,4% en volume. Enfin, dans les ports de Ligurie, la diminution de trafic conteneurisé reste plus faible. Les trois ports de Gênes, Savone et Vado Ligure rétrogradent de 2,2% à 1,85 MEVP sur les huit premiers mois de l’année.

En Chine, le trafic reprend du souffle

L’Europe s’essouffle mais la Chine respire. Après une année 2022 marquée par les confinements, l’économie de l’Empire du milieu se redresse. Sur les neuf premiers mois de l’année, la totalité des ports chinois a traité 1 254 Mt, indique le ministère chinois des transports. Des volumes en progression de 8,5% par rapport à l’année passée. Le ministère ne détaille pas les différentes catégories de trafic. Seuls les conteneurs sont indiqués.

Conteneurs : un trafic de 230,7 MEVP en Chine

Ainsi, les ports chinois ont accueilli 230,7 MEVP sur les neuf premiers mois de l’année. Avec 36,2 MEVP, le port de Shanghai conserve sa première place devant Ningbo qui totalise 24,8 MEVP. Les 22 ports millionnaires en neuf mois affichent tous des hausses de trafic. Seuls les ports de Shenzhen, Haïkou et Shantou voient leur trafic conteneurisé se réduire. Cette progression de trafic en Chine ne signifie pas qu’elle se déclinera dans les prochains mois en Europe. Elle s’apparente plus à un rattrapage de l’économie locale en raison des confinements de 2022.