Brésil : APM Terminals plaide pour des hubs de transbordement
Dans un Livre blanc, APM Terminals fait la promotion du principe de transbordement pour optimiser l’utilisation des ports brésiliens. Le document détaille les avantages et les conditions pour mettre en place un tel système.
APM Terminals avec les cabinets de conseil A&M Infra et Navarro Prado publient un livre blanc sur le besoin de consolidation dans les ports brésiliens. L’objectif est de promouvoir le concept de port de transbordement.
Orienter les réflexions sur la planification portuaire
Pour rappel, le Brésil a connu au cours des trente dernières années de nombreuses réformes portuaires. Des changements qui ont permis de faire entrer le privé dans les investissements pour gagner en productivité. Cependant, malgré toutes ces réformes le modèle actuellement déployé ne répond pas aux attentes. « La planification et la gestion des ports publics n’a pas été correctement traité », continue le Livre blanc. Le document vise à « enrichir et orienter les discussions pour apporter les améliorations nécessaires. »
Le transbordement pèse 19% des volumes
Ce Livre blanc dresse l’état du monde portuaire dans le pays. La conteneurisation s’est largement développée au début des années 2000. À cette époque, le gouvernement a concédé ses terminaux à des opérateurs privés. Lors de la décennie suivante, la part du trafic de transbordement a augmenté de façon exponentielle pour atteindre 19% des volumes totaux. « Cette progression du transbordement est intervenue depuis l’arrivée de navires de 300 m à 340 m sur la côte Est de l’Amérique du Sud. » De plus, les capacités nautiques de certains ports comme Vitoria ou les ports argentins et uruguayens sont desservis pas feeder.
Quelques ports concernés
Dans ces conditions, les opérations de transbordement se concentrent dans quelques ports. Ainsi, Santos voit sa part atteindre 30%. Il n’est pas le seul à jouer ce rôle. Les terminaux appartenant à des compagnies maritimes voient ce système se développer à l’image de Itapoa, concédé à Mærsk et Hamburg Süd, Portonave, concédé à TIL ou plus récemment Pécem à APMT et un terminal de Santos à CMA CGM. Cependant, les auteurs soulignent que ces changements vont s’accentuer dans les prochaines années.
Deux scénarios
Alors, la mise en place d’un ou plusieurs hubs peut se faire selon deux scénarios. Le premier vise à considérer les ports qui peuvent prétendre au rôle de hub. Pour lister ces ports, il faut identifier ceux qui disposent d’un trafic domestique suffisant. « Ce sont les lignes qui décident de faire de ces ports des hubs mais en considérant le trafic de l’hinterland suffisamment important. » Dans ces conditions, le Livre blanc estime que les ports de Santos, Paranagua, Itapoa et Itajai-Navegantes peuvent prétendre à jouer un rôle de hub national. Et dans cette liste, le port de Santos apparaît comme le meilleur candidat compte tenu de ses liaisons avec les autres régions du monde.
Étendre le hub and spoke au niveau local
Les auteurs vont plus loin. Ils considèrent que le système de « hub and spoke » peut aussi se développer sur un modèle régional et local. L’exemple de cette dynamique locale se réalise pour des services en provenance d’Amérique du Nord, du Golfe du Mexique, de la Méditerranée et de l’Europe du Nord à destination des ports du Nord du pays comme Salvador, Suape ou Pecém.
Évaluer les hubs selon les volumes
Le second scénario considère les candidats potentiels selon les trafics conteneurs réalisés et le potentiel de transbordement. Les auteurs ont alors procédé à des calculs de volumes supplémentaires dans les hubs selon les trafics réalisés en 2023. Alors, si un service depuis l’Asie et un depuis l’Europe du Nord se concentre dans un hub, le gain en volume atteindra 1 MEVP. Dans l’hypothèse où sept services, depuis toutes les régions, se concentreront dans un hub, le trafic supplémentaire est estimé à 3MEVP.
Le triplement du trafic de transbordement
De plus, l’étude prend en compte le cas des ports argentins et uruguayens. En effet, la desserte des ports du delta de Plate River se réalise avec des navires disposant d’un tirant d’eau plus faible. Alors, en misant sur le concept de hub à Santos pour la desserte de ces ports, le gain de trafic serait de 2 MEVP pour Santos. « Compte tenu des scénarios et des volumes attendus, l’application de cette stratégie représente un volume de 4,6 MEVP. À titre de comparaison, le trafic de transbordement au Brésil était d’environ 2,4 MEVP en 2023. » Les rédacteurs de l’étude tablent donc sur un triplement du trafic de transbordement à un terme rapproché. Bien plus, « cela signifierait que l’incidence moyenne du transbordement dans les ports brésiliens passerait de 18 % aujourd’hui à 30-40 %. »
Des lacunes dans l’environnement portuaire
Le contexte économique posé, le Livre blanc propose des actions pour permettre au secteur portuaire de s’organiser selon ce modèle. En effet, le modèle portuaire brésilien présente des manques. Les principales « lacunes » sont à mettre au passif de l’environnement portuaire. Elles peuvent être classées en trois catégories.
- L’infrastructure des chenaux d’accès aux ports : L’ajustement des chenaux d’accès doit être axé sur la desserte des types de navires. Il ne faut pas se contenter d’un tirant d’eau mais aussi intégrer dans le dragage la largeur, la pente, les points d’attente, les bassins de manœuvre, l’élimination des restrictions nocturnes. Or, note le Livre blanc, ces points sont laissés à l’appréciation des concessionnaires de terminaux. Or, leur approche n’est pas toujours en lien avec les besoins opérationnels d’une autorité portuaire.
Adapter la manutention portuaire
- L’exploitation des accès nautiques : en devenant un hub, un port voit sa fréquentation s’intensifier avec des navires de plus en plus grands. Or, si le chenal d’accès doit être immobilisé plusieurs heures pendant les manœuvres d’un navire, l’efficacité opérationnelle du terminal s’en trouve menacée. « Il faut donc procéder à des études de manœuvrabilité et fixer des règles d’accès pour concilier la sécurité et les opérations tout en limitant l’impact de l’arrivée d’un grand navire. »
- La manutention portuaire : les terminaux portuaires conteneurs devront s’adapter. Selon l’étude le déploiement de la stratégie de hub aura pour effet d’augmenter le nombre de mouvements dans ces ports. Alors, ils devront être équipés en conséquence avec des portiques de taille suffisante et efficace. De plus, les terminaux devront s’équiper de plus de postes à quai. Cela pour recevoir simultanément les navires mères et les feeders. « À titre d’exemple, l’accostage d’un navire de 366 m (service en étoile Asie/Europe), d’un navire de 300 m (service point à point pour une autre voie commerciale) et de deux navires de 210 m (cabotage/feeder) nécessiterait un quai d’une longueur d’environ 1 200 mètres – un seul terminal au Brésil dispose actuellement de cette infrastructure. »
La nécessité d’une flotte de feeders conteneurisés
Outre ces différents aspects, le système de hub fonctionne à condition de disposer d’une flotte de caboteurs conteneurs suffisante. Actuellement, le marché du cabotage conteneurisé au Brésil représente environ 1,2 MEVP. Or, la flotte de caboteurs locale comprend 29 navires pour une capacité de 90 000 EVP. Pour assurer une desserte des ports brésiliens par caboteurs, la flotte doit atteindre environ 50 navires, soit une vingtaine de navires supplémentaires. Par ailleurs, les services de cabotage devront faire l’objet d’une réorganisation pour éviter des délais trop longs vers les ports régionaux. Dès lors qu’une majeure partie des armements conteneurs assurant les lignes de feeder appartiennent à des groupes internationaux, ils s’intégreront dans la stratégie de leur groupe.
La baisse des coûts logistiques
L’étude met en évidence plusieurs atouts à inscrire dans une stratégie de hubs au Brésil. En premier lieu, le concept doit apporter une baisse des coûts de transport. Pour le démontrer, les auteurs prennent un navire de 9000 EVP entre l’Asie et la côte Est de l’Amérique latine. Il escale à Santos, Itapoa, Paranagua, Buenos Aires et Montevideo. L’économie est estimée à 408$/EVP avec la solution du hub.
Une économie minimum de 357$/EVP
Dans l’hypothèse où le navire n’escale pas dans les ports de Buenos Aires et de Montevideo, en raison du tirant d’eau trop faible, l’économie est évaluée à 390$/EVP. Cette baisse d’économie s’explique par le coût plus important du feeder entre Santos les ports du delta de Plate River. Enfin, en utilisant un navire de 13 000 EVP avec une seule escale à Santos, et le déploiement d’un service de feedering, l’économie serait de 357 $/EVP, soit 600 M$ par an en 2030 selon les prévisions de trafic attendues.
La fiabilité des opérations
Le deuxième avantage de ce système se retrouve dans la fiabilité des opérations. Aujourd’hui, un conteneur en transbordement patiente entre 5 à 7 jours dans le terminal. Pour une plus grande économie, les rédacteurs du Livre blanc préconisent de réduire ce temps. « Ce type de gain d’efficacité se réalise avec des opérateurs intégrés verticalement », plaide le document. Et nous pourrions rajouter, « comme le fait le groupe AP Moller ». Il ressort que les auteurs estiment un temps d’attente divisé par deux dans cette hypothèse.
Une centralisation pour éviter la congestion
De plus, ce système évite les retards et les congestions. En effet, actuellement, de nombreuses escales sont annulées ou retardées en raison des conditions météorologiques ou opérationnelles. Le système de transbordement centralise l’escale dans un seul port. Il réduit donc les risques par rapport à une desserte de tous les ports du pays. Certes, le temps de transport vers un port secondaire augmente. Cependant, la réduction des risques assure une fiabilité plus grande du service.
Des risques qui ne sont pas des obstacles
Les avantages de l’intégration du système de transbordement au Brésil doit prendre en compte deux risques majeurs qui « ne sont pas considérés comme des obstacles ». Le premier doit prendre en compte une concentration accrue de l’industrie portuaire dans le pays. Cela pourrait conduire à des prix plus élevés et l’absence de réduction de coûts des chaînes logistiques. Le second est de voir des « ports perdants » émerger. Face à un volume trop faible, des ports pourraient être retirés des dessertes et être limités à des « solutions logistiques sous-optimales ».