Chancay : le Tanger Med de la côte Ouest d’Amérique du Sud
L’ouverture du hub portuaire de Chancay au Pérou suscite des interrogations sur l’organisation des chaînes logistiques dans la région.
Quand le port de Chancay est inauguré en novembre, Cosco Ports jette un pavé dans la mare de la logistique portuaire en Amérique du Sud. Le continent a connu jusqu’à présent une situation stable centrée sur des hubs portuaires nationaux. Chaque pays dispose d’un port principal avec des liaisons sur les ports de moindre importance. De plus, chaque pays protège son cabotage en le réservant aux navires sous pavillon national.
Cosco place Chancay comme hub
Alors, l’ouverture du port de Chancay remet en cause toute cette organisation sur la côte Ouest du continent. En effet, ce port doit permettre d’irriguer toute la côte occidentale du continent. Cosco Ports, concessionnaire de ce port, ambitionne d’en faire un véritable hub portuaire de la région. Sans que la comparaison se fasse ouvertement, le manutentionnaire veut faire de ce port un Tanger Med sud-américain.
Un port centré sur Cosco
Cependant, la différence notable entre Tanger Med et Chancay vient principalement des concessions. Les terminaux du port africain sont attribués à plusieurs groupes. Le terminal à conteneurs de Chancay est concédé au groupe Cosco Ports. De plus, le groupe chinois a aussi la charge du terminal roulier. Autre différence, Tanger Med dispose d’une zone logistique et industrielle. En Amérique du Sud, hormis les terminaux, le port ne dispose pas de zones logistiques.
Chancay principalement tourné vers la Chine
L’ambition de Cosco Ports vise à devenir le hub principal de la côte Ouest du continent. Mais, le port de Chancay est avant tout tourné vers la Chine. Il sert comme porte d’entrée pour les marchandises chinoises en Amérique latine occidentale. Il est bâti sur ce principe. Le terminal conteneurs est prévu pour les navires de Cosco. Le terminal roulier doit permettre d’importer les véhicules chinois. Quant au terminal de vracs solides, il servira surtout à la société Volcan qui exporte des minerais vers la Chine. Ainsi, Chancay est avant tout tourné vers la Chine.
Un hub portuaire multi fonctions
Cette ambition du port vers la Chine est une étape dans la stratégie du Pérou de devenir la « locomotive sud-américaine de la logistique portuaire ». Dans une étude publiée par l’association péruvienne de l’industrie automobile, le nouveau port doit donner une nouvelle impulsion à cette filière. D’une part, la capacité du terminal conteneur permettra l’acheminement de pièces pour cette industrie. D’autre part, il sera un atout pour l’importation de véhicules. « Un élément important pour le Pérou dépendant en grande partie des importations de véhicules », souligne l’association. En outre, l’amélioration de la capacité du port est perçue comme une opportunité pour améliorer l’efficacité logistique de cette industrie. « Il peut faire du Pérou le centre de distribution régional de cette industrie », continue l’Association péruvienne de l’industrie automobile.
Une analogie avec Tanger Med
Et cette dimension de port multi fonction, entre conteneurs et automobile, rappelle la stratégie développée par la société Tanger Med SA. Elle vise à structurer son trafic autour de la conteneurisation et de l’automobile. Pour se faire, elle a créé une zone industrielle et logistique accolée au port. Ainsi, Stellantis et Renault ont installé des usines à proximité de Tanger Med pour exporter une partie de leur production vers l’Europe et le reste du monde.
Les craintes du Chili
Enfin, l’ambition du Pérou de devenir le hub portuaire et logistique de la côte ouest de l’Amérique du Sud se retrouve aussi dans les craintes des pays voisins. Ainsi, au Chili, les professionnels de la logistique s’inquiètent du rayonnement du port. Dans une tribune publiée par El Diario Financiero, le président de la Chambre maritime et portuaire du Chili, Daniel Fernandez, s’inquiète de la situation pour son pays. Il craint de voir une désaffection des investisseurs internationaux pour les projets portuaires chiliens. « Nous devons nous concentrer sur la réduction de nos coûts logistiques, plaide le président. La capacité portuaire chilienne a suffisamment de marge de manœuvre pour répondre à la demande au cours de la prochaine décennie. »
Chancay a aspiré l’intérêt des investisseurs internationaux
Au Chili deux projets portuaires majeurs sont en cours : le développement de Valparaiso et le Port extérieur de San Antonio. Or, ces deux ouvrages sont en négociation. Ainsi, le projet de San Antonio est dans les cartons depuis 2013. Il doit permettre l’entrée des navires par tous les temps. Cependant, il peine à trouver des investisseurs et une légitimité dans la logistique portuaire de la région. Selon certains, le projet de Chancay a aspiré des investissements étrangers vers le Pérou plutôt que le Chili. Il en est de même pour le projet de Valparaiso. Ainsi, outre les flux logistiques, Chancay semble aussi concentrer l’intérêt des investisseurs.