La logistique en panne de stratégie selon l’École de guerre économique
Dans son rapport annuel, l’École de guerre économique se penche sur le secteur de la logistique. Les constats démontrent de la vulnérabilité du secteur et appellent à des investissements dans des infrastructures.
Hasard de calendrier, l’École de guerre économique a publié en juin son rapport sur l’état de la logistique en France. Ce rapport est le fruit d’un travail mené par les étudiants et les professeurs sur un thème. Le numéro de cette année veut appuyer sur les manques d’intérêt des autorités pour ce secteur.
La logistique, un enjeu majeur
« Ce dossier J’attaque ! conçu par la promotion SIE 27 de l’École de Guerre économique, est une mise en garde sur le chemin qui reste à parcourir afin de préparer la France à affronter les problèmes à venir », indique Christian Harbulot, directeur de l’EGE dans sa préface. Et il rappelle que la logistique, en temps de paix ou de guerre, demeure un enjeu majeur de court, moyen et long terme.
L’érosion de la qualité du réseau ferroviaire
Les rapporteurs mettent en avant plusieurs constats. En premier lieu, le transport routier disparaît en raison de la concurrence étrangère qui bénéficie de coûts avantageux. En second lieu, les ports français perdent du terrain face à leurs concurrents étrangers. Enfin, l’érosion du de la qualité du réseau ferroviaire qui a conduit à « une réduction de la capacité et de l’efficacité du transport de fret. » Face à ces constats, le rapport pose les enjeux de demain en France. Il appelle à une logistique résiliente pour maintenir les approvisionnements en biens essentiels. Ensuite, le renforcement des infrastructures doit soutenir la compétitivité et la croissance économique française. Enfin, il demande de garantir l’autonomie dans la gestion des ressources logistiques.
Les ports français : espèces en voie de disparition
Le document s’attarde sur la question portuaire. Il les qualifie « d’espèces en voie de disparition ». Il considère que le système de logistique portuaire se concentre sur le nord de l’Europe, de Hambourg au Havre. Cet espace « va jusqu’à concurrencer les ports méditerranéens pour connecter la ville de Lyon, pourtant historiquement liée au port de Marseille. » L’attractivité d’un port doit s’intégrer dans un réseau logistique plus large « englobant l’aérien, le routier et le ferroviaire. Le port n’est qu’un maillon de la chaîne logistique. Cette complémentarité répond à une volonté de rentabilisation globale, prenant en compte le coût du transport maritime et terrestre, la connectivité à un réseau logistique étendu, ainsi que l’infrastructure multimodale et la capacité de stockage. »
La dépendance croissante de la France auprès des ports étrangers
Dans ce contexte, le document reprend les chiffres publiés dans le rapport du sénateur Michel Vaspart, « « Réarmer » nos ports dans la compétition internationale ». Selon le texte sénatorial, 40% des flux conteneurs destinés à la France métropolitaine empruntent des ports européens non français. Ces trafics détournés sont reconnus par les places portuaires. Cependant, si une partie non négligeable passe par les ports d’Europe du Nord, Barcelone, Valence et Gênes profitent aussi du marché français. Alors, indique le rapport, « la dépendance de la France auprès des ports étrangers continue d’augmenter, tandis que ses voisins européens accaparent les marchés. »
Des propositions qui peinent à être entendues
Dans sa conclusion, ce document souligne que « le triple enjeu logistique du développement économique, de la souveraineté et de la résilience n’est pas suffisamment compris. Les professionnels du secteur, conscients des vulnérabilités, font des propositions concrètes qui peinent à être entendues. » Et il continue. « Sans un réveil logistique français, les champions internationaux s’empareront de l’ensemble du marché national. Dans un contexte de guerre économique permanente et d’une recrudescence des conflits militaires, l’élaboration d’une stratégie logistique globale est indispensable pour éviter les perturbations dans le fonctionnement du pays et ses conséquences pour la population. »
La glorification du système allemand
Si le document tente de poser des bases de réflexion sur l’absence d’une politique logistique claire des gouvernements précédents, il tend à glorifier le système allemand. Outre-Rhin, la logistique, notamment portuaire, est prise en compte. Cependant, une partie importante des flux allemands se traite à Anvers et Rotterdam. La part des flux conteneurisés allemands par les ports nationaux demeure difficile à être comptabilisée. De plus, les régions du sud du pays, comme la Bavière, sont desservies, en partie, par les ports de l’Adriatique. Alors, si la France souffre de ses ports, elle n’est pas la seule. En Europe, depuis l’ouverture du marché unique, les flux se répartissent en fonction des aléas de marché.