Ports

Le paysage portuaire français en panne de trafics

Les ports français accusent un repli d’environ 5% de leur trafic total en 2023. Une baisse liée à la conjoncture économique mais aussi à la métamorphose de la structure des flux. Du côté des conteneurs, la diminution est plus conséquente avec une perte de 13,5% des volumes.

Les résultats des trafics des ports français ne sont pas tous disponibles. Certains ports, à l’image de Ports de Normandie, n’ont pas encore publié leurs résultats. Alors, à périmètre constant, la baisse de trafic des ports français s’élève à 3,2% à 303 Mt.

Une baisse dans la moyenne européenne

Ainsi, la perte de volumes dans les ports français demeure en ligne avec les tendances économiques. En effet, en 2023, l’inflation a pesé sur les échanges internationaux. Globalement les principaux ports européens affichent des baisses de trafic d’environ 5% en moyenne. Alors avec 3,2%, la France reste dans la moyenne, voire un peu mieux.

Calais/Boulogne dépasse le GPM de Dunkerque

Le tiercé de tête des ports français évolue. Ainsi, le GPM de Dunkerque cède sa troisième place au profit du port de Calais/Boulogne. En affichant une progression de 17%, l’ensemble portuaire des Hauts de France dépasse de plus de 700 000 t, son voisin de Dunkerque. Ce dernier subi les effets de la conjoncture combinés à la fermeture temporaire de sites industriels. Cette progression du port de Calais/Boulogne tient à la bonne performance du trafic Transmanche. L’activité commerce de ces deux ports affiche, pour sa part, une légère diminution de 0,9%.

Une hausse des ports régionaux

Les principaux GPM français s’inscrivent en baisse. Victimes de la conjoncture, ils voient leurs volumes fondre. Du côté des hausses, des établissements plus modestes gagnent des parts de marché. Ainsi, le port de Sète continue sa progression grâce à une bonne tenue des trafics de clinker, du roulier et des bio-carburants, notamment. Il en est de même des ports de Brest, Bayonne et Toulon.

Les Hauts de France en pole position

Par ailleurs, en réalisant une analyse par région, les Hauts de France gardent leur première place. Les deux ports totalisent un trafic de 88,7 Mt, en hausse de 2%. Une position confortée par les bons résultats du port de Calais/Boulogne. Cependant, cette pole position pourrait être changée en fonction des résultats de Ports de Normandie. En effet, la Normandie s’affiche régulièrement en haut de la liste avec un trafic avoisinant les 90 Mt. À l’heure où nous publions ces résultats l’ensemble portuaire normand (Caen, Cherbourg, Dieppe) n’a pas encore publié ses résultats.

Paca perd et l’Occitanie progresse

Pour sa part, Paca (intégrant le GPM de Marseille-Fos, les ports de la rade de Toulon et ceux de Corse) recule de 6,6% à 75,8 Mt. D’une part, le GPM de Marseille-Fos tire les trafics portuaires de cette région vers le bas quand Toulon reprend des couleurs. Quant à l’Aquitaine, les bons résultats du port de Bayonne ne permettent pas de compenser les baisses de trafic des GPM de Bordeaux et de La Rochelle.Pour sa part, les ports de Bretagne recule. En effet, avec 6,6 Mt, le trafic accuse le coup malgré les bonnes performances du port de Brest. Enfin, en Occitanie, le trafic portuaire progresse de 1,9% à 6,9 Mt. Le port de Sète permet à cette région de garder le cap alors que Port la Nouvelle recule.

Outre-Mer : la Martinique en hausse

S’agissant des ports ultramarins, nous ne disposons actuellement que des résultats de trafic des ports antillais de Guadeloupe et de Martinique. Le premier accuse un repli de 9% à 3,5 Mt. Quant à la Martinique, son port voit ses trafics progresser de 10,1% grâce à la bonne tenue des trafics d’hydrocarbures et de marchandises diverses. Les autres ports ultramarins (Guyane, La Réunion, Nouvelle-Calédonie et Papeete) n’ont pas encore publié leurs résultats.

Conteneurs : en baisse de 13,4%

Enfin, s’agissant du trafic conteneurisé, les ports français sont moins à la fête. D’une année sur l’autre, les trafics continuent de s’amenuiser en métropole. En 2023, les principaux ports français impliqués dans cette filière totalisent environ 4,8 MEVP. Un trafic en baisse de 13,4%. Et dans ce secteur, tous les ports sont logés à la même enseigne. Les évolutions varient entre 1,1% pour le GPM de Nantes Saint-Nazaire à Haropa Port qui affiche une diminution de 16,1%. Quant au GPM de Marseille-Fos, il perd 11% en 2023 à 1,3 MEVP. Même Dunkerque, habitué à voir ses trafics conteneurs progresser ces dernières années, effectue un palier. Il diminue de 10,1% à 670 000 EVP. Seuls deux ports gagnent des trafics conteneurisés en France. Il s’agit, en premier lieu, du port de Brest qui progresse de 1,4% à 28 382 EVP. En second lieu, les ports de la rade de Toulon explosent passant de 54 EVP à 1026 EVP. Quant aux deux ports antillais, leur trafic conteneurs s’affaibli. Le projet de hub des Antilles doit permettre de relancer cette activité dans les prochaines années.

La métamorphose du paysage portuaire

Ces différents classements sont le reflet d’une économie portuaire française en pleine métamorphose. En effet, si la baisse enregistrée en 2023 tient en grande partie aux évolutions de la consommation en France et dans les territoires ultramarins, ils sont aussi le reflet d’un changement. Les trafics liés à l’énergie commencent leur mutation. Les hydrocarbures fossiles font place à des bio-carburants Quant au charbon, il s’amenuise d’années en années. Certes, si le mouvement en est encore à ses balbutiements, il n’en demeure pas moins inscrit dans le long terme. De plus, les trafics en relation avec la construction des futurs champs éoliens offshore s’organisent. Les quais s’adaptent, les éléments entrent et sortent des ports créant de nouveaux flux. Des volumes qui s’étalent sur plusieurs années selon les intentions du gouvernement. En Manche, en Atlantique et en Méditerranée, ces trafics sont voués à croître dans les prochaines années.

L’équation entre réindustrialisation et conquête de trafics

Cependant, des critiques naissent. Les responsables syndicaux de la CGT des ouvriers dockers de Fos accusent les autorités portuaires de préférer analyser leurs résultats d’un point de vue financier plutôt que des trafics. Or, un port est avant tout le lieu de transit entre terre et mer. La réindustrialisation des ports, voulue par le gouvernement, la mise en œuvre de la transition écologique ne doivent pas faire oublier la « conquête des trafics », indique la FNPD CGT de Fos. Une position que certains défendent. Ils réclament la réindustrialisation tout en demandant que ces nouvelles industries soient des pourvoyeuses de trafics. Une équation qu’il faudra résoudre sur le long terme.