Corridors et logistique

Le pilotage va beaucoup recruter dans la décennie à venir

Recrutement, évolution des trafics portuaires, accidentologie et décarbonation, Mer et Marine fait le point sur les dossiers du pilotage maritime français avec André Gaillard, nouveau président de la FFPM. Nous reprenons, ci-dessous, l’article de Caroline Britz de Mer et Marine.

« Il devrait y avoir entre 150 et 200 recrutements de pilotes maritimes en France dans les dix ans à venir. C’est un nombre conséquent et nous travaillons activement sur le sujet ». André Gaillard vient d’être élu à la tête de la Fédération française des pilotes maritimes (FFPM). Pilote de Marseille et de Nice, il a occupé jusqu’ici le poste de secrétaire général de la fédération, mission à laquelle Stéphane Pousset, pilote de Loire, vient de lui succéder. Il connait déjà bien les dossiers qui occupent l’organisation professionnelle, qui regroupe les 328 pilotes maritimes métropolitains et d’outre-mer.

Travailler à l’attractivité du métier

« Nous voulons faire encore mieux connaître notre métier et ses possibilités pour attirer des femmes et des hommes vers le pilotage. Nous travaillons bien sûr aux côtés de tous nos partenaires institutionnels maritimes pour les campagnes de recrutement pour les métiers de la marine marchande. Et aussi, bien sûr, sur les spécificités de notre métier. Ce que nous souhaitons c’est un recrutement large et combattre certains préjugés comme le fait qu’il faille être fille ou fils de pilote pour devenir pilote. C’est complètement faux évidemment. Nous comprenons aussi que le monde d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a 50 ans et que nous devons pouvoir offrir de la souplesse et de l’ouverture. Nous travaillons à l’attractivité de notre métier qui est passionnant et qui offre beaucoup de technicité et de défis aux marins qui voudraient nous rejoindre ». Les conditions d’entrée au pilotage, moins de 35 ans et 72 mois de navigation, sont fixées par la loi « mais chaque station a le droit d’y apporter une dérogation, certaines ont ainsi choisi de repousser l’âge ou de rajouter des critères de temps de navigation spécifiquement au long cours », détaille André Gaillard.

Adapter les ressources humaines aux conditions économiques du port

Les effectifs du pilotage sont malgré tout en érosion et ce, depuis plusieurs années. Un phénomène mécanique lié au trafic dans les ports et à sa nature, moins de navires mais des plus gros, et aussi un essoufflement des ports secondaires que la FFPM observe avec attention. « Nous voyons bien que certains ports ont un trafic qui recule, ce qui pose évidemment un souci de pérennité pour le pilotage. Nous avons récemment eu le cas du Tréport, qui a peu de trafic mais néanmoins besoin d’un pilote. Pour remplacer le pilote partant à la retraite, nous avons dû travailler à une solution spécifique avec le département et la CCI ». La FFPM a également dû trouver un système spécifique pour Saint-Pierre-et-Miquelon qui peine à garder un pilote permanent : ce sont désormais une alternance de pilotes de Seine, de Gironde et de Saint-Brieuc qui assurent le service. « Et cela fonctionne très bien ».

Rendre la passerelle synergique

Face à une marine marchande qui évolue, dans ses dimensions et dans ses usages, le pilotage doit s’adapter. « Nous travaillons beaucoup sur la formation et la prévention des risques. L’introduction du Bridge Resource Management, il y a quelques années, a vraiment permis l’arrivée d’une culture collaborative. Les méthodes et les mentalités ont beaucoup évolué. On est bien loin du temps où le pilote arrivait à une passerelle et donnait ses ordres à l’équipage. Désormais, le pilote travaille conjointement avec le commandant et l’équipage du navire servi. Quand il arrive à bord, il donne un plan de manœuvre détaillé et demande aux marins du navire de le critiquer et de l’amender. L’idée est de travailler à plusieurs, de rendre la passerelle synergique pour pouvoir travailler dans les meilleures conditions de confiance et de sécurité ».

Un bilan sécuritaire positif

Avec 100 000 manœuvres par an et moins de 30 incidents (sans gravité), le pilotage maritime français a un bilan sécuritaire très positif. « Mais ce qui nous importe, c’est de travailler en permanence à la prévention. Nous avons, au sein de la FFPM, une commission retex qui travaille spécifiquement sur l’accidentologie. Sur les incidents que nous constations chez nous et ailleurs, sur les near-missed. Nous menons des études pour développer des bonnes pratiques que nous essayons d’uniformiser à l’ensemble de nos stations. Récemment, nous avons ainsi beaucoup travaillé sur l’accidentologie lors du transfert du pilote à partir d’une base de données recensant tous les incidents et observations depuis 2001. A la suite de ce travail, nous avons identifié différentes bonnes pratiques comme celle d’éloigner immédiatement la pilotine une fois le pilote sur l’échelle, et réaliser un film de prévention. Nous avons la satisfaction de voir que ce dernier est désormais visionné non seulement par des collègues pilotes mais également par des armateurs qui s’en servent dans leurs propres formations ». Cette amélioration continue est symbolisée par la certification ISO 9001 désormais adoptée par la quasi-totalité des stations françaises.

Le CIRP, un programme unique au monde

« Nous avons également travaillé sur un programme CIRP, comme critical incidence response program, qui permet un soutien à la fois psychologique et entre pairs en cas d’incident. C’est une initiative unique au monde pour le moment dans le pilotage maritime et nous nous sommes inspirés du dispositif similaire existants pour les pilotes d’Air France en nous appuyant sur la structure très efficace du CRAPEM. Il y a déjà eu une vingtaine d’interventions et cela fonctionne très bien. Nous avons de nombreuses marques d’intérêts de nos collègues européens et internationaux ».

Intégrer la décarbonation

Autre sujet d’actualité, celui de la décarbonation qui concerne également le pilotage, même si ces embarcations ne sont pas soumises aux obligations internationales de type CII. « Nous voulons être volontaires sur le sujet et ne nous interdisons rien. Tout ce qui peut décarboner et être adapté à nos besoins nous intéresse. Au sein de la FFPM, nous avons une commission transition énergétique qui, en collaboration avec la commission matériel naval, travaille sur le sujet et étudie toutes les possibilités. L’électrique, comme cela se fait déjà à Sète, le GTL, comme à Nice et Marseille, le HVO en Seine, à Dunkerque ou Toulon et toutes les nouvelles solutions. Nous avons déjà équipé une partie de notre flotte de logiciels de mesures pour travailler sur l’optimisation de nos consommations et réduire nos émissions, avec notamment une réduction de vitesse ou encore un regroupement des transits de pilotes. Nous avançons doucement mais sûrement, rassemblons les bonnes idées et envisageons des mutualisations de commandes pour permettre d’avoir des navires innovants. Nous en parlons déjà avec les chantiers navals ».