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Port Réunion : en 2023, le port a souffert d’une économie au ralenti

Les trafics du GPM de La Réunion affichent une baisse de trafic de 8% à 5,2 Mt en 2023. La conjoncture économique pèse sur le bilan du port. La direction prévoit plusieurs travaux et attends son dock flottant.

La conjoncture économique à La Réunion se détériore. En 2023, l’activité économique ralentie même si des signes d’une reprise se font jour en fin d’année. À titre d’exemple, l’IEDOM indique que les paiements par CB reculent de 6,3% sur les neuf premiers mois de l’année. Le signe d’une consommation en berne sur l’île.

La baisse des vracs secs

Par conséquent, ces atermoiements économiques pèsent sur le bilan du GPM de La Réunion (Port Réunion) en 2023. Finalement, le port affiche une baisse de 8% de son trafic à 5,2 Mt. Une diminution tirée surtout par les vracs solides et les conteneurs. S’agissant des premiers, la baisse de 3% à 974 778 t trouve son origine dans une baisse conséquente d’exportations de sucre. En effet, les événements climatiques de l’année passée et la baisse de la surface cultivée entraîne une baisse de la production. De plus, avec un cours du sucre bas, les exportateurs réunionnais conservent leur production dans les silos.

Le charbon remplacé par les pellets de bois

L’autre flux à avoir impacté ces vracs se retrouve dans le charbon. Il perd 31% à 230 685 t. Destiné aux centrales thermiques de l’île, le charbon fait les frais de la transition énergétique. Il est remplacé par des pellets de bois en provenance d’Europe. Ces produits enregistrent une progression de 306% à 262 629 t. L’addition de ces deux flux, pellets de bois et charbon, sur les dernières années montre que la Réunion importe plus de produits énergétiques. Elle assure une transition depuis des énergies fossiles vers des énergies renouvelables.

La hausse des vracs liquides

Du côté des vracs liquides, le trafic indique une progression de 2% à 1,04 Mt. Si le gazole se maintien, l’essence progresse de 3,8% 126 090 t. Les Réunionnais profitent depuis deux ans de la fin des confinements pour se déplacer plus souvent. Ce chiffre indique aussi que la mutation de la voiture thermique à l’électrique démarre. Ensuite, il est à relever que le trafic de kérosène enregistre une progression de 3,8% à 207 954 t. La principale raison de cette hausse est liée à la volonté des Réunionnais de voyager plus intensément depuis la fin des confinements. « Les économies réalisées pendant le confinement sont utilisées pour partir à l’étranger. De plus, le tourisme reprend dans l’île », nous explique Gilles Ham Chou Chong, directeur général adjoint de Port Réunion. Enfin, le port a démarré un trafic de biomasse liquide, constituée principalement d’huile de colza en provenance du port de Sète. Les 143 622 t réceptionnées en 2023 alimentent les centrales thermiques de l’île.

Une progression des diverses

Quant aux marchandises diverses, elles progressent de 49% à 169 008 t. Des trafics composés de véhicules et de marchandises conventionnelles. Le nombre de véhicules reçu a augmenté de 4% à 34 070 unités en 2023. Du côté des conteneurs, la tendance est à la baisse. En effet, Port Réunion a réceptionné 3,01 Mt de trafic conteneurisé. Un flux en baisse de 14%. Cette baisse est liée à la diminution des trafics en transbordement. Avec un peu plus de 1 Mt, ce courant perd 21% sur l’année.

Conteneurs : les transbordements baissent

Les conteneurs exprimés en nombre suivent ce mouvement. Le port a traité 323 841 EVP en 2023, soit 13% de moins que l’année précédente. Si les pleins et les vides pour le marché domestique baissent légèrement, ceux pour le transbordement diminuent plus fortement. Le recul des pleins et des vides pour le marché domestique s’explique par la conjoncture économique. Les Réunionnais ne consomment plus autant préférant peut-être utiliser leur épargne à des services. Quant aux conteneurs en transbordement, ils affichent un recul de21% à 69 942 EVP. Pour Gilles Ham Chou Chong, la baisse tient à la conjoncture économique difficile dans toute la zone de l’océan Indien.

L’impact de la crise de la mer Rouge

Néanmoins, la situation sur le trafic conteneurisé évolue. La situation actuelle avec le déroutement de navires en raison des attaques des Houthis depuis la mer Rouge vers le sud de l’Afrique modifie les chaînes logistiques maritimes. Pour La Réunion, ces modifications ont eu un impact lourd. « Les centrales d’achat des groupes de la grande distribution ont été prises de cours en raison de la soudaineté de cette crise. Ainsi, elles ont décidé de suspendre des expéditions de produits frais de la Métropole vers notre île », continue le directeur général adjoint.

Du maritime à l’aérien

Alors, pour faire face à la demande, une partie de ces trafics empruntent désormais l’aérien. Cependant, note Gilles Ham Chou Chong, les taux de fret ne sont pas les mêmes, ce qui se ressent dans le panier de la ménagère. De plus, la hausse de ces prix entraîne une augmentation de l’inflation sur l’île. À tout malheur, quelque chose est bon. Face à cette crise, plusieurs armements regardent avec attention les quais de La Réunion. En effet, les ports de Maurice et de Durban sont actuellement congestionnés. La solution de Port Réunion s’avère donc intéressante pour de nouveaux opérateurs. « Nous réalisons, en 2023, un trafic de 69 942 EVP. Notre capacité maximale pour le transbordement est estimée à 100 000 EVP. Or, nous souhaitons trouver un équilibre entre les flux pour le marché local et le transbordement. Nous aurons aussi besoin d’espaces. » Déjà, en janvier, ce trafic a doublé à 10 000 EVP.

La reconfiguration des terminaux

Alors, pour une gestion optimale de l’espace du port, la direction s’engage dans une réflexion sur l’avenir. La première démarche vise à la reconfiguration des terre-pleins au port est. L’objectif vise à gagner de la place sur le terminal. Par ailleurs, le port reconstruit la partie du terminal à conteneurs dédiée aux reefers. Le port a installé une passerelle pour le branchement de ces boîtes. Cela a aussi permis de stocker sur deux hauteurs les conteneurs et donc de passer d’une capacité de 280 conteneurs à 500.

L’acquisition d’un dock flottant

L’autre investissement du port concerne le dock flottant. Le port l’a acheté au Nigéria. Il est prévu d’arriver en fin d’année. Il doit encore subir des modifications. « Nous répondons à une demande pour des navires de pêche, comme les palangriers, et les unités de la Marine nationale. Ce dock est dimensionné pour recevoir des navires comme l’Astrolabe, plus importante unité de la Marine nationale à La Réunion. »

Relancer la filière de l’économie bleue

En outre, en diversifiant son activité, le port répond à la volonté du Conseil régional de relancer la filière sur l’économie bleue. L’autorité locale souhaite donner à toute la filière maritime un nouvel élan par des écoles mais aussi des capacités d’embauche.

La zone arrière : une année consacrée aux aspects juridiques

Enfin, dans le cadre de son expansion foncière, le port travaille toujours sur la zone arrière. Cet espace, situé de l’autre côté de la route permet une extension des terrains portuaires. « Nous travaillons actuellement sur la finalisation d’actes juridiques. Cette étape doit s’étaler sur toute l’année », nous confie le directeur général adjoint. Les travaux de réhabilitation sont prévus pour 2025. Il servira notamment pour l’entreposage de conteneurs vides.

Demain, une expansion du port sur la mer

Cet espace reste la dernière extension possible du port. Dans sa réflexion sur son projet stratégique, Port Réunion doit regarder vers la mer pour ses prochains agrandissements. Cependant, la direction du port tempère. « Nous disposons de suffisamment d’espaces pour voir notre trafic progresser pour les prochaines années. » Il reste qu’en 2050, voire 2060, le port devra disposer de nouveaux espaces. « Nous avons commencé à réfléchir pour se projeter à cette échéance. Il faut prévoir de nombreuses études avant de se lancer dans un tel projet », confie Gilles Ham Chou Chong.