Corridors et logistique

Vracs secs : les armements naviguent à vue

Avec une baisse de volumes transportés, le marché des vracs secs perd de sa teneur en 2023. Les résultats financiers des armements s’en trouvent impactés. Les prévisions pour 2024 s’annoncent meilleures.

L’année 2023 n’est pas à marquer d’une pierre blanche. Globalement, le niveau des taux de fret demeure inférieur aux prévisions menées en 2022. Cependant, notent les analystes, des marchandises comme le charbon, les minerais de fer et les céréales ont continué à se maintenir. « La détérioration du marché est liée à une reprise de l’économie chinoise plus lente que prévue et les incertitudes qui pèsent sur le marché », indique Mitsui OSK. Le redémarrage en novembre n’a pas gommé les diminutions des premiers trimestres.

Capesize : l’apport de la bauxite guinéenne

L’analyse par type de navire confirme cette tendance. Ainsi, les Capesize profitent en 2023 de la performance des trafics de minerais de fer et de charbon. De plus, la Chine a maintenu sa production d’acier au cours de l’année. Des éléments qui favorisent le marché de ces navires. Par ailleurs, le développement de la production de véhicules alimente la demande en aluminium de l’Empire du milieu. Ensuite, cette production d’automobile nécessite l’importation de bauxite pour la production d’aluminium. Ainsi, en 2023, les importations de bauxite augmentent pour dépasser le cap des 100 Mt. Dans ces conditions les navires Capesize ont tiré leur épingle du jeu. En fin d’année, la reprise des importations chinoises de bauxite depuis l’Afrique et de minerais depuis l’Amérique du Sud permet de relever les taux de fret.

Les Panamax profitent d’un rebond grâce aux céréales

Du côté des Panamax, les trafics de charbon et de céréales ont continué à croître. En effet, pour les céréales, les flux au départ du Brésil et d’Argentine au mois de mars ont apporté une dynamique à ce marché. Malheureusement, les récoltes plus aléatoires des pays de l’Atlantique nord entraînent une demande plus faible. Alors, dès le mois de mai, le marché des Panamax s’est affaissé. En fin d’année le marché se redresse. Les restrictions de passage du canal de Panama, d’une part, une demande de charbon et de céréales depuis la côte est des Amérique participent à un nouveau dynamisme.

Les Handysize perturbés par l’économie chinoise

Enfin, le marché des Supramax et Handysize est affecté par le redémarrage difficile de l’économie chinoise. Ces navires s’alimentent principalement par des produits alimentaires et des matériaux pour la construction. Néanmoins, grâce à une économie indienne en pleine croissance, ce type de navires réussi à franchir les premiers mois à des niveaux honorables. Cependant, la croissance s’est avérée moins importante qu’attendue. Comme les autres types de navires, les Supramax et les Handysize ont subi les effets des restrictions du canal de Panama.

Les chiffres d’affaires en baisse

Alors, dans ces conditions, les armements ont vécu des semaines parfois difficiles. Il a fallu se tourner vers de nouveaux marchés pour un taux d’utilisation conformes aux attentes. Il reste que les armements opérant dans les vracs secs réussissent à conserver une partie de leurs marges malgré le marché volatile de 2023. Néanmoins, les conditions de marché se répercutent sur les résultats financiers. Ainsi, tous les armements affichent une baisse de leur chiffre d’affaires. Une diminution qui s’étale entre 10% et 35%.

Des baisses de TCE surtout pour les petits navires

En effet, ces armements tirent leur revenu de l’affrètement de navires. Le Time Charter Equivalent (TCE) permet de comparer les évolutions. Le tableau montre les baisses que subissent les différents armateurs. La plus forte réduction revient à Genco Shipping dont le TCE perd 38% en un an. Pour la compagnie maritime cette contre-performance est à mettre au passif des navires opérant dans les « petits vracs » dont les taux de fret ont subi de fortes baisses. De plus, avec une demande en retrait, les affrètements se sont raréfiés au cours de l’année. Face à une offre plus importante, les chargeurs ont tiré les prix vers le bas.

Une baisse limitée des TCE pour les opérateurs de Capesize

Les autres armements limitent la baisse aux environs de 26%. Ils profitent notamment d’un marché pour les Capesize résilient en 2023. En fait, comme l’indique Golden Ocean Group, le marché des Capesize est « the place to be ». En effet, cette catégorie de navires a profité du rebond des exportations de minerais de fer du Brésil et du boom des exportations de bauxite depuis la Guinée.

Des perspectives encourageantes pour 2024

Alors que nous achevons le premier trimestre, les perspectives pour l’année s’affinent. Ainsi, dans son rapport sur le marché, le Bimco paraît optimiste. Avec une croissance mondiale à 2,9%, le marché s’illumine. La croissance de la production d’acier, en Chine et en Inde, est attendue aux environs de 3%. Dans le même ordre d’idée, les trafics de céréales, et notamment de maïs, doivent progresser de 3%. Seul le charbon doit subir les effets de la transition écologique. Bimco estime que cette année le charbon enregistrerait une baisse de 7%. Enfin, la bauxite doit continuer sur sa lancée, si la production automobile chinoise se maintien.

Les tensions géopolitiques ralentissent la croissance

Cependant, les tensions géopolitiques laissent planer des incertitudes. D’une part, les restrictions imposées par l’autorité du canal de Panama limitent le nombre de navires. D’autre part, les menaces des Houthis dans le détroit de Bab el Mandeb obligent les armements à dérouter leur navire par le cap de Bonne-Espérance. Des facteurs qui allongent le temps de transport, ce qui plaide en faveur des armateurs. Néanmoins, certains observateurs indiquent que ces différentes crises ralentissent la demande. Les chargeurs attendent avant de s’engager en mer.

La fin de l’effet El Niño

Il reste que l’effet d’El Niño sur le canal de Panama doit s’atténuer avec l’arrivée de la saison des pluies. La seconde moitié de l’année s’annonce plus importante pour le marché des vracs secs. Quant aux déroutements liés aux attaques des Houthis, ils restent avec un effet limité. Le trafic de vracs secs en mer Rouge représente 4% du canal de Suez. « L’augmentation en tonnes-miles en raison de ce déroutement représente 5% de croissance. Ainsi, en janvier, le nombre de navires transitant par le canal de Suez n’a perdu que 6% », indique le Bimco.

Une offre en hausse dans les prochains mois

Quant à l’offre, elle doit augmenter de 2,7% cette année. Néanmoins, précise le Bimco, la réduction de la vitesse des navires absorbe une partie de ces nouvelles entrées sur le marché. Quant au carnet de commande, il rassemble 86,8 Mtpl. Il progresse de 4,1% par rapport à l’année dernière et représente 8,7% de la flotte actuellement en service. En 2023, de nombreux armements ont passé commande auprès des chantiers. Ces navires ne sont pas attendus avant le second semestre 2025.

Résultats financiers des armements en 2023 (en 1000 $ sauf les TCE en $)

Armements Chiffre d’affaires Évolution Ebitda Évolution TCE* Évolution
Star Bulk 949 269 -33,9% 376 948 -50,7% 15 824 -37,9%
Golden Ocean Group 885 767 -20,4% 188 612 -56,6% 17 905 -26,2%
Lauritzen Bulkers 601 893 -35,3% 63 365 -59,6% NC NC
Genco Shipping 383 800 -28,5% 59 700 -73,7% 14 766 -38,0%
Safe Bulkers 284 400 -18,7% 156 200 -35,0% 16 579 -27,0%
Diana Shipping 262 098 -9,6% 85 712 -39,9% 16 713 -26,5%
* TCE: Time Charter Equivalent
Source: Rapports annuels des armements.