Politique

Ambition France Transports: des besoins en investissements et en financeurs

Après 10 semaines de débat, la conférence Ambition France Transports a remis son rapport au ministre des Transports. Des conclusions que les organisations ne partagent pas.

Le 5 mai, le premier Ministre, François Bayrou et le ministre chargé des Transports, Philippe Tabarot, ont lancé la conférence Ambition France Transports. Après 10 semaines d’auditions et de débats, le président de la conférence, Dominique Bussereau, a remis au ministre des Transports son rapport. L’objectif de cette conférence vise à « mener une réflexion stratégique sur les besoins d’investissements dans les transports à moyen terme, leur priorisation et les leviers mobilisables pour les financer. »

Quatre orientations majeures dégagées par la Conférence

Cette conférence a mis en avant quatre priorités. Il s’agit de :

– La nécessité d’une programmation claire et lisible des investissements dans les transports,

– La priorité à donner à la modernisation et à la régénération des réseaux existants pour améliorer la sécurité et la performance des transports,

– L’importance de la participation financière des usagers, dans un contexte où les besoins de financement augmentent et où la participation des usagers en France reste parmi les plus faibles d’Europe,

– La remobilisation des financements privés pour accompagner les projets d’infrastructures de transport.

Quatre ateliers pour une analyse holistique

Ces propositions couvrent l’ensemble des transports, de voyageurs et du fret. La conférence s’est attelée à répartir le travail entre quatre ateliers. Le premier concerne le modèle économique des Autorités régulatrices des mobilités et des Services express régionaux métropolitains. Le deuxième se consacre à l’avenir des infrastructures routières. Le troisième analyse la situation des infrastructures et services ferroviaires de voyageurs. Enfin, le quatrième vise le report modal et transport de marchandises. Nous nous attacherons à observer les recommandations de ce dernier atelier.

Le besoin en investissements

Le fret a fait l’objet d’une étude séparée. Les différentes auditions ont débouché sur plusieurs recommandations. En premier lieu, le rapport final constate le besoin en investissements. « Ces besoins portent sur la régénération mais aussi le développement des infrastructures linéaires, mais aussi des plateformes et ports intérieurs permettant notamment l’usage de modes massifiés ou encore des infrastructures de recharge accompagnant le verdissement du transport routier et fluvial. » Concernant les infrastructures fluviales, Ambition France Transports souligne le manque d’investissements. Selon un rapport de la Cour des comptes de février, « le besoin d’investissement pour la régénération et la modernisation du réseau fluvial entre 180 et 400 M€ par an sur la période 2024-2032 ». Un chiffre que VNF estime plutôt à 500 M€. Par ailleurs, le projet de canal Seine-Nord mérite 1Md€ jusqu’en 2031. Au total, ce projet réclame une enveloppe de 800 M€ de plus par an qu’actuellement budgété.

Ambition France Transports estime le besoin pour le ferroviaire à 4,5 Md€

Du côté ferroviaire, les besoins sont tout aussi importants. Le rapport Ambition France Transports estime les besoins en investissement à hauteur de 4,5 Md€. Une somme qui se répartie entre les besoins en régénération des installations existantes, la modernisation du réseau et l’augmentation de la capacité des terminaux de transport combiné. Avec une enveloppe de 200 M€ en 2024, le besoin en investissement additionnel est évalué à 300 M€.

Investir dans les infrastructures nodales

Enfin, le transport routier n’est pas oublié. Les besoins en investissement sont estimés à 23,2 Md€ sur huit ans. Une somme à laquelle il faut y ajouter 27,3 Md€ sur la prochaine décennie pour le réseau national concédé et 7,9 Md€ pour le réseau non concédé. Outre ces différents investissements, le rapport identifie des financements pour les infrastructures nodales, à savoir les plates-formes multimodales intérieures. Le plan Ulysse, sur le fret ferroviaire table sur 1,1 Md€ dans les terminaux de transport combiné.

Un travail de planification stratégique des infrastructures

Outre des investissements financiers, il engage à un travail de planification stratégique de ces infrastructures. Il viserait à identifier les zones à fort enjeu et besoin logistique, en prenant en compte en particulier leur impact environnemental et économique sur l’organisation des chaînes logistiques.

Une loi cadre pour la fin de l’année

Pour éviter que ce rapport ne tombe aux oubliettes, le ministre des Transports a annoncé une loi cadre pour l’automne. Elle comportera deux volets. Le premier sera déposé au Parlement en décembre. Il appelle les parlementaires à s’associer au travail de rédaction. Le second sera un volet pragmatique. Il sera présenté ultérieurement. Il sera élaboré sur la base du travail de re-priorisation des projets. Un travail confié au Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Il définira les projets d’investissement et leur financement. Cette programmation pluriannuelle permettra de redéfinir la trajectoire d’investissements pour les années à venir.

Le « concours Lépine de la taxe »

Cependant, ce rapport ne fait pas l’unanimité parmi les organisations professionnelles. Ainsi, TLF, l’OTRE et la FNTR qualifient ce rapport de « concours Lépine de la taxe ». Selon les trois organisations, il « est contraire aux engagements du ministre ». Le document imagine de nouvelles pistes fiscales, dénoncent les organisations. Par ailleurs, ces taxes sont en contradiction avec les conclusions issues de l’atelier. Les conclusions de ces réunions soulignent l’importance d’une chaîne logistique performante. Et les organisations professionnelles de rappeler que des propositions ont fait le consensus. Il s’agit de mieux intégrer le foncier logistique dans le cadre du ZAN (Zéro artificialisation nette), aider l’installation d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et soutenir concrètement le report modal. « Malheureusement, ces propositions ne sont pas reprises dans le rapport général. »

L’Alliance 4F plus mesurée

Dans sa réaction, l’Alliance 4F est plus nuancée. Elle salue le travail qui a permis de valider cinq dispositifs portés par le secteur du fret ferroviaire. Il s’agit de la réaffirmation du programme « Ulysse Fret », l’adoption d’une loi cadre qu’on espérait pluriannuelle, l’ouverture à des dispositifs de cofinancement public/privé, la mobilisation des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) dédiés au fret ferroviaire et le privilège des implantations des chargeurs et logisticiens dans des zones mobilisant les modes massifiés, engagés dans la décarbonation.

Après l’ambition, l’action

Alors, l’Alliance 4F souhaite que le Projet de loi de finance 2026 intervienne en cohérence et en soutien avec cette dynamique. « Alors, après l’Ambition, place à l’Action. » L’organisation ferroviaire considère ce document comme « fondamental. Il affirme clairement le rôle stratégique du fret ferroviaire dans la politique nationale des transports de marchandises. De plus, il un signal fort envoyé à nos entreprises, à nos partenaires industriels et aux investisseurs », souligne Raphaël Doutrebente, président de l’Alliance 4F et Président d’Europorte.

Pour lire le rapport d’Ambition France Transports.