CMA CGM : dix navires de 24 000 EVP sous pavillon RIF
Le 4 novembre, Rodolphe Saadé annonce l’inscription de dix navires actuellement en commande sous pavillon RIF. Nous reprenons, ci-après, l’article de Vincent Groizeleau de Mer et Marine.
Le groupe marseillais a décidé d’augmenter d’un tiers le nombre de ses porte-conteneurs immatriculés au Registre International Français (RIF). Ils passeront de 30 à 40 navires après l’entrée en flotte, en 2026 et 2028, de 10 nouveaux géants de plus de 24 000 EVP commandés dans des chantiers chinois. Le premier, récemment mis à l’eau, a été très symboliquement nommé CMA CGM Notre Dame, en hommage à la célèbre cathédrale parisienne.
Un accroissement net de la flotte sous pavillon RIF
Numéro 3 mondial du transport maritime conteneurisé, CMA CGM, qui aligne aujourd’hui une flotte de plus de 650 navires en propriété ou affrétés, a décidé d’augmenter la part de ses unités exploitées sous pavillon français. L’armateur a ainsi annoncé l’immatriculation au RIF de 10 nouveaux porte-conteneurs géants, les plus grands de sa flotte, en cours de construction en Chine. Il ne s’agit pas, comme cela a été souvent le cas par le passé, d’un jeu de chaises musicales visant à dépavillonner d’anciens navires immatriculés en France au profit d’unités neuves, mais bien d’un accroissement net de la flotte exploitée sous pavillon national. Elle passera ainsi de 30 unités actuellement à 40 en 2028. Cela, avec la mise en service de cette nouvelle classe de navires d’une capacité d’un peu plus de 24 000 EVP (équivalent vingt pieds, taille standard du conteneur), soit les plus gros porte-conteneurs commandés jusqu’ici par CMA CGM.
Des navires fonctionnant au GNL
Il s’agit d’une nouvelle évolution de deux précédentes séries, celle des neuf unités de la classe Jacques Saadé (23 112 EVP) livrées en 2020 et 2021, puis les quatre Seine (23 876 EVP), dont les deux premiers exemplaires ont rejoint la flotte de CMA CGM cette année, les deux autres allant les rejoindre en 2026. Des porte-conteneurs dont les moteurs fonctionnent au gaz naturel liquéfié (GNL), stocké dans une cuve à membrane de 18 600 m3 du type Mark III du groupe français GTT. La propulsion principale repose sur un moteur deux-temps WinGD X92DF, à injection de gaz et pilotage électronique, permettant une utilisation dual-fuel GNL / carburant à faible teneur en soufre. Ces navires de plus de 200 000 tpl, classés par le Bureau Veritas, ont été réalisés par Hudong-Zhonghua Shipbuilding et Jiangnan Shipyard, deux chantiers du groupe CSSC situés à Shanghai.
Le CMA CGM Notre Dame, premier de la série
D’un gabarit similaire, avec une longueur de 400 mètres pour une largeur de plus de 61 mètres, les 10 nouveaux mastodontes, également dotés d’une propulsion GNL, seront un peu plus volumineux, avec une capacité portée à 24 212 EVP, dont environ 2200 conteneurs réfrigérés (reefer). Le premier de cette série a été mis à l’eau fin octobre dans le chantier Jiangsu Yangzi Xinfu du groupe chinois Yangzijiang Shipbuilding (YZJ). Il a été nommé CMA CGM Notre Dame, en hommage à la mythique et mondialement connue cathédrale de Paris. Il doit entrer en service en juin 2026.
Des navires opérés entre l’Asie et l’Europe
Dans la lignée des précédentes séries de 23 000 EVP, les neuf autres porte-conteneurs de la classe Notre Dame, qui seront réceptionnés par l’armateur d’ici la fin 2028, porteront les noms de lieux célèbres de la capitale française et de ses environs : Panthéon, Orsay, Luxembourg, Pont Neuf, Versailles, Austerlitz, Nation, Cluny et Longchamp. Ces navires seront exploités sur la principale ligne de CMA CGM entre l’Asie et l’Europe du Nord, le service French Asia Line (FAL 1). Ils feront notamment escale dans les ports français du Havre et de Dunkerque. Leur immatriculation au RIF va entrainer le recrutement par CMA CGM de plus de 130 nouveaux officiers français, sachant que l’armateur compte déjà 1200 marins français dans ses effectifs (hors équipages de la compagnie de ferries La Méridionale, qui compte quatre navires au premier registre du pavillon national).
Des navires mobilisables au titre de la flotte stratégique nationale
« L’immatriculation au RIF n’est pas seulement « administrative » : elle engendre un ancrage opérationnel, humain et économique », souligne CMA CGM. « Ces navires permettront au groupe de recruter au moins 135 marins français de la marine marchande, formés notamment à l’Ecole Nationale Supérieure Maritime, et de conforter l’empreinte de CMA CGM dans l’attractivité du secteur de l’économie bleue avec des retombées économiques et des emplois indirects », dit encore l’armateur, qui rappelle que la filière maritime nationale « est indispensable pour garantir l’approvisionnement stratégique de la France ». Et d’insister sur le fait que « battre pavillon français signifie qu’un navire est immatriculé en France, soumis au droit national et placé sous le contrôle de l’État. Cela implique des équipages comprenant des marins français, formés et encadrés selon les standards les plus élevés, le respect des règles sociales, fiscales et environnementales françaises et européennes, ainsi qu’un suivi régulier par l’administration maritime pour garantir la sécurité et la conformité du navire. En cas de crise, ces navires peuvent être mobilisés au titre de la flotte stratégique nationale ».
Une francisation essentielle dans le contexte géopolitique
Cette dernière dimension, dans le contexte géostratégique très instable que l’on connait actuellement, est extrêmement importante et des travaux sont d’ailleurs en cours entre l’État et les armateurs pour remettre à jour l’emploi éventuel de cette fameuse flotte stratégique qui, en cas de besoin, viendrait compléter les moyens navals dont l’État dispose en propre, à commencer par ceux de la Marine nationale. Cela passe par les cargos et porte-conteneurs, les pétroliers, méthaniers et chimiquiers pour les approvisionnements en matières premières, produits manufacturés, pièces détachées et biens de consommation, mais aussi les ferries pour le transport de personnel militaire ou l’évacuation de ressortissants, ou encore des navires câbliers pour réparer en urgence des infrastructures sous-marines de télécommunications qui auraient été endommagées ou sabotées.

