Corridors et logistique

Gaz naturel liquéfié : le Canada vient redistribuer les flux dans le Pacifique

Dans son analyse hebdomadaire de marché, le courtier Intermodal revient sur le marché des méthaniers. La conjoncture joue en défaveur des armateurs.

Le marché pour les armateurs opérant dans le GNL traverse actuellement une période de vents contraires. La faiblesse de la conjoncture tient à un double effet. D’une part, la demande baisse. D’autre part, les négociants demandent des trajets plus courts. Deux facteurs qui débouchent, mathématiquement, à une offre excédentaire.

Le ratio entre carnet de commandes et la flotte à 46%

Outre ces éléments, l’augmentation de la flotte aggrave la situation. Le ratio entre le carnet de commandes et la flotte s’établit à 46%. Un contexte qui se répercute directement sur les taux de fret. La réponse apportée par les armateurs consiste à réduire la vitesse des navires, d’une part. D’autre part, ils envisagent d’envoyer à la démolition les navires les plus anciens ou de les reconvertire en FSRU.

Un déséquilibre structurel

Dans cet environnement difficile, la filière place ses espoirs dans une prochaine vague de projets GNL qui devraient commencer à fonctionner dans les années à venir. Ces projets devraient stimuler considérablement la production mondiale de GNL jusqu’en 2030. Néanmoins, le marché semble actuellement confronté à un déséquilibre structurel, car l’offre de navires continue de dépasser l’augmentation prévue de la capacité de liquéfaction.

Les retards de livraison des projets de GNL

Les retards dans les calendriers des nouveaux projets GNL contribuent à l’offre excédentaire à court terme. Sans la mise en opération de ces projets, la demande peine à retrouver des taux de fret plus élevés. Bien que l’augmentation de la capacité de liquéfaction ne soit pas un moteur direct de la demande de transport maritime, elle stimule indirectement le marché. En effet, elle créé de nouvelles chaînes d’approvisionnement par une baisse des prix grâce à l’augmentation de l’offre.

L’entrée dans la filière du Canada

Dans ce contexte, le Canada est prêt à faire une entrée en fanfare comme exportateur de GNL. Les premiers m3 sont attendus pour le mois de juillet depuis le site de Kitimat, située en Colombie-Britannique. Ce projet, qui représente l’investissement privé le plus important jamais réalisé au Canada, est une entreprise commune entre Shell, Petronas, Mitsubishi, PetroChina et KOGAS. Il constitue la première installation d’exportation de GNL au Canada. La capacité de production initiale est estimée à 14 Mt/an, avec la possibilité de doubler la capacité à l’avenir. À titre de comparaison, le Nigéria, qui devrait exporter environ 14,1 Mt/an de GNL en 2025, est actuellement le septième exportateur mondial.

Un terminal méthanier au Canada

Le terminal comprendra des unités de réception et de production de GNL, un terminal méthanier capable d’accueillir simultanément deux méthaniers, un quai pour les remorqueurs et des lignes de chargement de GNL. Les autres infrastructures comprennent des unités de traitement du GNL, des réservoirs de stockage, une gare de triage, une installation de traitement de l’eau et des torchères.

L’ouverture du Canada sur l’Asie

Le lancement du terminal LNG Canada pourrait marquer un tournant décisif pour les flux de GNL dans le Pacifique par voie maritime. En tant que nouveau centre d’exportation sur la côte ouest de l’Amérique du Nord, Kitimat renforcera la diversification de l’offre. Sa situation offre un accès direct à l’Asie, notamment vers les marchés comme le Japon, la Chine et la Corée du Sud.  Le voyage depuis Kitimat vers l’Asie se réalise en 11 jours. Les flux depuis le golfe du Mexique et le canal de Panama se font en 20 jours. Une baisse de la durée qui n’est pas négligeable sur les coûts d’exploitation des navires.

Une redistribution des flux dans le Pacifique

Avec une production prévue de 14 Mt/an, le projet entraînera une demande supplémentaire de navires. Selon Intermodal, ce projet imposera de 15 à 17 méthaniers pour une capacité de 174 000 m³. En outre, l’émergence de LNG Canada contribue à diversifier le paysage des exportations de GNL. Et pour le courtier, l’ouverture de ce terminal pourrait redistribuer les cartes des flux dans la région.

Concurrencer les États-Unis

Le projet GNL Canada et l’augmentation des exportations de pétrole brut à partir de Vancouver, un an après l’agrandissement de l’oléoduc Trans Mountain, redessinent le paysage des exportations canadiennes. Ces évolutions renforcent la position du Canada dans la filière. Si les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine persistent, la capacité d’exportation croissante pourraient faire du Canada un partenaire pour l’Empire du milieu et d’autres pays asiatiques. Cela permettrait au Canada de jouer un rôle de plus en plus influent dans la dynamique énergétique mondiale dans les années à venir.