La Cour des comptes recommande les 12 travaux du GPM de Nantes Saint-Nazaire
La Cour des comptes a publié un rapport sur l’évolution financière du GPM de Nantes Saint-Nazaire pour la période de 2017 à 2023. Elle propose 12 recommandations visant l’aspect social et économique du port.
Régulièrement, la Cour des comptes analyse la situation financière et économique des grands ports maritimes français. Elle a procédé ainsi sur l’état du GPM de Nantes Saint-Nazaire sur la période de 2017 à 2023. Elle constate des relations sociales tendues et une trajectoire économique à affiner.
Une gouvernance qui fonctionne bien
Les recommandations de la Cour des comptes concernent l’aspect social du port et son modèle économique. S’agissant du premier point, la Cour dresse un constat alarmant. « L’activité est fortement handicapée par son contexte social tendu qui se traduit par des défaillances dans la politique de ressources humaines et un dérapage des effectifs et des charges de personnel », indique le rapport. Une observation qui doit être nuancée au regard des institutions de gouvernance. En effet, elle considère que les organes fonctionnent normalement. Seule ombre au tableau, elle relève « un appui de la tutelle au président du directoire insuffisant. » Ainsi, le président du directoire, en poste depuis avril 2024, ne dispose pas de lettre de mission.
Un mois grève par an
Dans ce chapitre, la Cour insiste sur « la forte pression sociale ». « Les grèves y sont fréquentes et les conflits sociaux peuvent donner lieu à de la violence physique et verbale. » Dans le détail de cette situation, la juridiction financière évoque une « culture portuaire virile ». Outre ce climat général, la Cour rappelle que le port a enregistré 165 jours de grève sur la période d’analyse. En moyenne, ces mouvements représentent un mois de grève par an avec 38% de l’effectif disponible. Cependant, ces jours de grève sont portés sur des revendications nationales. Néanmoins, leur « déclinaison » dans le port ligérien est souvent accompagnée de « violence physique et verbale ».
La hausse de 51,9% des dépenses de personnel
Outre, cet aspect, la dimension sociale du constat de la Cour souligne des défaillances « majeures dans la gestion des ressources humaines ». La particularité du GPM de Nantes Saint-Nazaire réside dans l’augmentation de 51,9% des dépenses de personnel de 2017 à 2024. Une augmentation plus forte que celle constatée dans d’autres GPM. Ainsi, à Dunkerque, les frais de personnel n’ont progressé que de 19%. Dans le même temps, le chiffre d’affaires du port s’accroît de 31%. Cela abouti à « une dégradation de la rentabilité du port », note le rapport.
Des créations de postes décorrélées des besoins
La cause de cette hausse tient, en partie, à la création de postes qui résulte des tensions sociales. La Cour indique que ces nouveaux emplois sont « décorrélées des besoins du port. » Dans ce contexte, elle appelle à mettre en œuvre des mesures concrètes pour rééquilibrer les effectifs aux besoins. Ainsi, la première recommandation de la Cour vise à adopter, en conseil de surveillance, une feuille de route sur l’évolution des effectifs en prenant en considération les prochains départs à la retraite.
Une politique salariale généreuse
Par ailleurs, et toujours dans le chapitre social, la Cour relève une politique salariale « généreuse ». Dans le climat social tendu, la direction a utilisé ce levier pour éviter des conflits. La conséquence se répercute directement sur la rentabilité du port. De plus, l’insuffisance organisationnelle et managériale a eu pour effet d’augmenter les risques psychosociaux. Les actions décidées par la direction en 2021 n’ont pas eu l’impact escompté. « Le problème ne semble toujours pas résolu », souligne le rapport.
Le risque lié aux trafics illicites
Parallèlement au social, la Cour analyse la situation du port du point de vue de la sécurité et de la sûreté. Elle considère que l’architecture en place est à jour, même si des carences demeurent. Par ailleurs, l’autorité financière alerte sur les risques spécifiques. Elles doivent apporter des mesures correctives. Parmi ces risques, la Cour indique le blocage par des mouvements sociaux ou des mouvements écologiques ou encore le risque lié aux trafics illicites. Ces derniers évoluent en transférant une partie de leurs expéditions vers les ports de moindre importance. Alors, la Cour appelle aussi à l’amélioration des opérations douanières dans les terminaux.
Supprimer la supervision du domaine
Face au développement des trafics de stupéfiants, l’autorité portuaire a créé, en 2018, une équipe de supervision du domaine. Or, elle s’avère être en « doublon du gardiennage professionnel employé par le port. » Alors, la Cour recommande sa suppression. Et pour aller plus loin, le port doit renforcer la prévention contre le risque de corruption.
Des trafics portés par les énergies fossiles
L’analyse de la Cour comprend aussi un volet économique. Les trafics du GPM de Nantes Saint-Nazaire se composent majoritairement de filières fossiles : hydrocarbures, GNL et charbon. Or, ces courants sont appelés à se réduire conformément à la stratégie nationale de décarbonation de l’économie. À côté de ces trafics, les autres filières « peinent à capter tout le potentiel régional ». Les trafics céréaliers ne sont pas en adéquation avec les installations. Quant aux conteneurs, ils perdent 18% de 2017 à 2023.
La corrélation entre baisse de trafics et rentabilité financière
La baisse des trafics impacte donc la rentabilité financière du port. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le résultat d’exploitation passe de 14,7% en 2017 à 3,2% en 2024. Une diminution liée « en particulier par les charges de personnels ». Dans le même temps, le chiffre d’affaires progresse de 34%. Les droits de port et les recettes domaniales et de concession s’améliorent mais « les autres sources de chiffre d’affaires demeurent volatiles », note la Cour. Or, ces augmentations ne permettent pas de couvrir la hausse des charges de personnel, les services extérieurs comme le dragage et des autres charges d’exploitation.
Revoir la convention du terminal à conteneurs
Dans ses conclusions, le rapport soulève plusieurs points sur lesquels le port doit intervenir. Il recommande notamment la reprise en mains du terminal à conteneurs. « L’opérateur ne remplit pas ses obligations. » Alors, la Cour suggère de renégocier la convention de terminal. La nouvelle convention doit intégrer des obligations d’investissement et des volumes. De plus, elle recommande d’améliorer les dispositifs d’achats et des marchés publics. Enfin, elle note un niveau insuffisant des systèmes informatiques.
La rentabilité de l’éolien à revoir
Dernier point abordé par ce rapport, la nouvelle trajectoire économique du port est ambitieuse mais risquée. Le projet stratégique 2021-2026 oriente la stratégie du port vers l’éolien. Il prend en compte la baisse des trafics liés aux énergies fossiles. Ainsi, dans son dernier projet stratégique le GPM s’oriente pour devenir un hub dans l’éolien. Une ligne qui nécessite des investissements lourds. Déjà, de 2012 à 2023, le port a investi 100 M€, financé par le port à hauteur de 40 M€. Le chiffre d’affaires de ce secteur s’élève à 30 M€. Alors, la rentabilité est encore faible.
Le projet Éole ne convainc pas la Cour
Et le GPM de Nantes Saint-Nazaire veut aller plus loin avec le projet Éole. Cependant, il nécessite environ 235 M€. Pour la Cour, la rentabilité de ce projet est incertaine. Le modèle économique de cette filière reste à définir. De plus, les risques sont importants. Certes, le port prévoit de dédier les quais affectés à cette filière à d’autres utilisations. Une position que la Cour ne suit pas. « Les usages hors éolien en mer nécessitent d’être davantage précisés. Ils doivent être susceptibles de conforter la viabilité économique du quai. »
Adapter la rentabilité économique du projet Éole
Des critiques analysées avec soin par le président du directoire actuel et le ministère. Pour chacune des recommandations, Jean-Rémy Villageois, président du directoire du GPM de Nantes Saint-Nazaire, rappelle les actions entreprises. Globalement, elles convergent avec les recommandations de la Cour. Ainsi, s’agissant du terminal à conteneurs, il indique que le GPM a engagé des discussions avec TGO afin de faire évoluer la convention de terminal. « Il veillera notamment à ce que la renégociation conduise à l’intégration de nouveaux objectifs et de leurs conditions d’application pour l’opérateur en place. »
Le rééquilibrage du modèle économique
Concernant le volet social, le port entreprend un rééquilibrage de son modèle économique. « Cette démarche ne se circonscrit pas à la problématique des effectifs et des rémunérations. Elle s’inscrit dans la perspective de la conclusion du rapport de la Cour et intégrera les observations qui y sont formulées », indique Jean-Rémy Villageois. Enfin, sur le projet Éole, le GPM « poursuit les études (…) dans l’objectif de retenir un modèle économique qui permettra d’assurer la rentabilité financière du projet. »
Les 12 recommandations de la Cour des comptes:
- Adopter en conseil de surveillance, une feuille de route de l’évolution des effectifs, afin d’adapter les effectifs des services du GPMNSN aux besoins réels de l’activité et en tenant compte des prévisions de départs en retraite au cours des 10 prochaines années ;
- Revoir les conditions d’indemnisation des comptes épargne temps afin d’en limiter la charge financière correspondante ;
- Assortir la nouvelle délimitation des installations portuaires roulier et conteneurs (IP 420 et 419) de toutes les garanties en matière de sûreté de la part de l’exploitant privé (engagements, contrôles, suivi et sanctions éventuelles).
- Supprimer le pôle Supervision du domaine ;
- Mettre en œuvre un dispositif de prévention de la corruption s’inspirant des mesures et procédures prévues au II de l’article 17 de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;
- Prioriser les investissements au vu de leur utilité économique et en précisant leur mode de financement prévisionnel ;
- Renégocier la convention de terminal de TGO pour y intégrer des obligations d’investissement et des cibles de volumes assorties de pénalités ;
- Remettre à plat les processus opérationnels d’achat et de marchés publics avant l’acquisition du module interfacé avec le progiciel de gestion intégré (PGI) ;
- Élaborer et adopter un plan d’adaptation du port et de sa zone industrialo-portuaire aux conséquences du réchauffement climatique ;
- Clarifier le devenir des sites situés en centre-ville de la métropole nantaise ;
- S’assurer de la rentabilité financière du projet Éole pour le GPMNSN ;
- Organiser la coordination entre les ports de la façade atlantique pour clarifier leur rôle respectif dans le développement de l’éolien en mer.