Mer Rouge : chargeurs et commissionnaires s’alarment des surcharges
Les attaques des Houthis continuent en mer Rouge. Après les porte-conteneurs et les pétroliers, c’est au tour des vraquiers de subir une attaque. Dans ces conditions, les armateurs imposent des surcharges. Pour les chargeurs et les commissionnaires, les compagnies maritimes profitent de la situation.
Les attaques des Houthis contre les navires naviguant à proximité du détroit de Bab el Mandeb continuent. Le 15 janvier, un missile a touché un vraquier de Eagle Bulk Shipping, rapporte le centre de commandement américain. Un communiqué de l’armement indique qu’un « projectile non identifié » a touché le Eagle Gibraltar. Aucun membre d’équipage n’a été blessé. Une cale du navire a subi des dommages sans que cela n’empêche le navire de continuer sa route. Il transporte des produits métallurgiques.
Déjà 21 attaques
Alors, les attaques des Houthis ont touché 21 navires, selon le décompte réalisé par S&P Global au 12 janvier. De plus quatre autres incidents sont soupçonnés provenir soit des houthis soit de l’Iran. Une escalade qui amène le gouvernement chinois à demander la fin de ces attaques pour assurer la liberté de navigation. Déjà, plusieurs États occidentaux se sont alarmés de la situation. Déjà, le 7 janvier, l’armement Cosco annonce dérouter ses navires de la mer Rouge pour rejoindre l’Europe par le cap de Bonne-Espérance. Une décision qui suit celle de nombreux autres armateurs comme Mærsk, Hapag Lloyd et Evergreen.
L’implication de la Chine en mer Rouge
En effet, la Chine est largement impliquée dans la région. Cosco et Hutchison Ports investissent lourdement en Égypte dans les ports de Ain Sokhna et Alexandrie. Les investisseurs chinois ont aussi engagé des fonds dans des installations le long du canal de Suez. Les attaques des Houthis présentent donc un risque pour ces investisseurs. Cela explique la position du gouvernement de Pékin de demander la fin des attaques contre les navires.
Surcharges : une approche étonnante pour l’AUTF
Par conséquent, la recrudescence d’incidents amène les armateurs à imposer des surcharges. Depuis le 15 janvier, plusieurs armements ont augmenté les taux de fret entre l’Asie et l’Europe. Une situation que l’association française des chargeurs, l’AUTF, dénonce. « L’approche adoptée par les compagnies maritimes apparaît pour le moins étonnante », indique l’AUTF. L’organisation française constate une simultanéité des annonces de ces surcharges, la similarité des montants, un manque de transparence sur ces montants et un refus de négociation.
Le rejet de bookings incompréhensible
De plus, les chargeurs qui négocient directement avec les armateurs se voient refuser des chargements dans le cadre de leur contrat négocié annuellement. « Ce rejet de bookings alors que les contrats ont été signés est incompréhensible. En effet, la capacité existe sur le marché spot et nous est refusé pour les contrats longs termes », nous confie un responsable de l’AUTF. Ces pratiques, continue l’AUTF, « démontrent une fois de plus la position dominante dont elles (les compagnies maritimes, ndlr) jouissent sur le marché et dont elles avaient largement profité lors de la crise covid ».
Des surcharges disproportionnées
Alors, pour les chargeurs, l’application de ces surcharges est « disproportionnée, difficilement explicable dans un contexte de baisse des volumes et d’augmentation de la capacité. » Bien plus, la discipline des transporteurs doit faire l’objet d’une attention particulière de la part des autorités de la concurrence, continue l’AUTF.
Retarder les appels d’offres
Dans ces conditions, l’AUTF préconise de retarder les appels d’offres ‘autant que faire se peut ». Autre solution, l’organisation recommande d’inclure dans les contrats des clauses de révision à une échéance de 3 ou 6 mois. Par ailleurs, elle appelle les armements à respecter leurs engagements contractuels. « Les compagnies maritimes restent rentables même avec des taux de fret plus réduit comme nous l’avons constaté en fin d’année dernière. Ces surcharges ne se justifient pas, notamment sur des lignes qui ne sont pas impactées par le déroutement. Alors, nous appelons les compagnies à pratiquer des taux de fret raisonnables et à respecter leurs engagements contractuels », nous a confié un responsable de l’AUTF. Et pour finir, l’AUTF demande aux autorités européennes et françaises « d’œuvrer pour une régulation plus importante de ce secteur ».
Clecat : des surcharges qui ne se justifient pas toujours
Cette analyse de la situation est partagée par l’organisation européenne des commissionnaires, le Clecat. En effet, l’organisation européenne « reconnaît la situation exceptionnelle à laquelle sont confrontés les transporteurs maritimes. Nous considérons que tout doit être fait pour assurer la sécurité des marins, des navires et de leur cargaison », indique un communiqué du Clecat. Cependant, pour les transitaires européens, les surcharges ne se justifient pas tout le temps. Ainsi, l’organisation européenne « appelle les transporteurs maritimes à faire preuve de prudence dans l’imposition de surcharges et de hausses des taux de fret. Elles doivent couvrir que les coûts supplémentaires encourus par la situation exceptionnelle. De plus, elles ne doivent être appliquées que sur les itinéraires maritimes affectés. »
Utiliser l’aérien en remplacement du maritime
Dans ce contexte de crise, Xeneta, consultant spécialisé dans le maritime, publie un document pour conseiller ses clients. Elle propose quatre recommandations. La première vise à prévenir le responsable financier et tous les intervenants dans la société que les coûts liés au fret vont augmenter. La deuxième appelle à utiliser le fret aérien en remplacement du maritime « pour minimiser les perturbations logistiques de la société ». La troisième recommandation repose sur l’utilisation de taux de fret spot au cours du premier semestre plutôt que des contrats à long terme. Enfin, Xeneta recommande d’utiliser les données du marché pour gérer au plus près la situation.