Corridors et logistique

Les commissionnaires face à la crise de la mer Rouge

Face aux surcharges imposées par les armateurs dans le cadre de la crise en mer Rouge, TLF Overseas réagit. L’organisation française représentant les commissionnaires ne conteste pas ces hausses. De plus, elle s’inquiète des conséquences sur la disponibilité des équipements et sur une probable congestion portuaire.

Depuis l’attaque du Galaxy Leader en mer Rouge, les armateurs évitent d’entrer dans la zone du détroit de Bab el Mandeb. En effet, les Houthis menacent de s’en prendre à tous les navires ayant des relations avec Israël. Alors, pour maintenir les flux, les armements déroutent leurs navires par le cap de Bonne-Espérance, au sud de l’Afrique. De ce fait les liaisons entre l’Asie et l’Europe se rallongent et, par voie de conséquence, les coûts d’exploitation des armateurs augmentent.

Des clauses contractuelles pour le déroutement

Dans ce contexte, les commissionnaires subissent ces surcharges comme les chargeurs. TLF Overseas, organisation regroupant les commissionnaires en transport, ne contestent pas ces surcharges. « Elles ne sont pas imputables aux armateurs mais sont issues de causes exogènes », nous confie Anne-Sophie Fribourg, présidente de la commission maritime de TLF Overseas. Des clauses insérées dans les contrats entre les armateurs et les commissionnaires autorisent le déroutement des navires pour des raisons de sécurité.

Davantage de lisibilité sur les surcharges

Pour Anne-Sophie Fribourg, ces surcharges se justifient avec la hausse des coûts liés au déroutement des navires. De plus, les armateurs respectent le préavis de 15 jours qui leur est imposé. « Nous souhaitons malgré tout que ces surcharges soient plus lisibles. » En effet, selon les compagnies maritimes, ces augmentations prennent parfois des appellations sans lien avec la situation en mer Rouge. Ainsi, les commissionnaires sont avisés d’Emergency and Contingency Surcharge ou encore de Peak Season Surcharge par certains armateurs.

Justifier les hausses tarifaires

« Nous souhaitons malgré tout que ces surcharges soient plus lisibles », déclare Anne-Sophie Fribourg, présidente de la commission maritime de TLF Overseas.

Alors, l’organisation des commissionnaires de transport demande une justification de ces augmentations tarifaires. « L’application de surcharges sur des routes comme le Transpacifique et le Transatlantique ne peut s’expliquer par les événements en mer Rouge. Il nous semble légitime de demander aux armateurs une justification de ces hausses tarifaires », souligne Anne-Sophie Fribourg. Pour les commissionnaires, la hausse des coûts explique l’augmentation tarifaire, mais uniquement sur les liaisons concernées par les événements de mer Rouge.

Le manque de disponibilité des conteneurs

Cependant, le déroutement de navires implique aussi une pénurie d’équipements sur tous les trades. Effectivement, l’allongement des rotations entre l’Asie et l’Europe touche la disponibilité de conteneurs. Avec des liaisons Europe-Asie rallongées d’environ 10 jours, le retour de conteneurs en Asie subi aussi des temps de transport retour plus longs. « Cette crise en mer Rouge a créé un déficit en conteneurs », explique la présidente de la commission maritime de TLF Overseas. De plus, elle s’ajoute aux restrictions du canal de Panama. Depuis plusieurs semaines, le nombre de navires en transit par ce canal est restreint. Alors, certains armateurs opérant des services entre l’Asie et la côte est des États-Unis ont fait le choix de se dérouter par la mer Rouge et le canal de Suez. Des décisions qui perturbent ainsi la disponibilité des conteneurs en raison du rallongement du temps de transport.

Trouver des solutions alternatives

Dans ce contexte, les commissionnaires doivent trouver des solutions. « Les équipes opérationnelles sont mobilisées sur chaque conteneur pour trouver des solutions alternatives », indique la déléguée aux affaires maritimes de TLF Overseas. Et ces solutions peuvent orienter les clients vers des modes comme le ferroviaire depuis la Chine vers l’Europe. Une autre alternative est de recourir au sea-air. Cette combinaison s’articule autour d’un transport maritime d’Asie vers le Moyen-Orient, notamment Dubaï, pour ensuite transporter par voie aérienne les marchandises.

Une solution plus onéreuse

Néanmoins, cette dernière solution demeure plus onéreuse. « Les chargeurs vont prioriser les marchandises urgentes pour cette alternative » indique François Daniel, délégué général de TLF Overseas. De plus, cette crise, avec les hausses tarifaires ont un impact sur la trésorerie des opérateurs. « Les petites entreprises de notre filière ont déjà été impactées par la crise du Covid qui en a fragilisé certaines. Avec ces augmentations, la trésorerie de ces entreprises est encore mise à rude épreuve », précise Louise Drouin-Detrez.

La probabilité d’une congestion portuaire

Dans les circonstances actuelles, les commissionnaires sont sollicités. Les chargeurs reportent ou annulent une partie de leurs commandes en raison du manque d’espaces à bord des navires. Parce qu’outre les problèmes de capacité liés à la crise en mer Rouge, les commissionnaires craignent une congestion dans les ports. En effet, le décalage d’arrivée des navires en Europe pourrait créer des perturbations comme cela fut le cas pendant la pandémie. « Une congestion qui aura aussi un impact sur les transporteurs terrestres », précise Anne-Sophie Fribourg.

Le risque d’une généralisation de ce conflit

Aujourd’hui, la situation complique les chaînes logistiques. Le conflit en Ukraine a eu des répercussions importantes sur les trafics maritimes. Alors, le risque d’une généralisation de la crise en mer Rouge préoccupe. Le commerce maritime fonctionne mais avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : la généralisation du conflit en mer Rouge aurait pour conséquence de créer des perturbations plus importantes.

Le révélateur des limites des alliances maritimes

Enfin, cette crise montre les limites des alliances entre armateurs. Certains armateurs déroutent leurs navires par le sud de l’Afrique quand d’autres continuent d’emprunter le canal de Suez. Ainsi, CMA CGM utilise cette voie maritime. Or, dans l’Ocean Alliance, à laquelle appartiennent Cosco et CMA CGM, Evergreen et OOCL ont décidé de dérouter leurs navires par le cap de Bonne-Espérance. « Deux choix qui impactent les services. Chaque armateur, au sein d’une même alliance, effectue des choix stratégiques quant au routing de ses navires. Une décision qui peut accroître le manque de visibilité pour les clients importateurs sur les arrivées navires. Cela complique la mission du commissionnaire de transport, qui consiste à optimiser systématiquement la supply chain de ses clients », confie Anne-Sophie Fribourg.