Le charbon russe peine à conserver ses parts de marchés en Asie
Les trafics de charbon entre la Russie et les marchés asiatiques perdent de leur volume en ce début d’année. Pour l’Indonésie, premier exportateur mondial, ce recul constitue une ouverture pour de nouveaux débouchés.
Même si les économies mondiales se targuent de transition écologique, le charbon conserve une importance. Outre son pouvoir calorifique pour la production électrique, il entre aussi dans la production sidérurgique. Or, en Asie, les principaux importateurs de charbon semblent faire grise mine face au charbon russe.
Une baisse de 10,8% de trafic
En effet, selon The Coal Hub, les acheminements de charbon vers les ports russes de l’Extrême-Orient se réduisent. Ainsi, sur les deux premiers mois de l’année, le trafic a perdu 10,8% en un an à 30,5 Mt. Bien plus, continue le site, cette baisse concerne des minerais de haute qualité depuis la région de Kuzbass, d’une part. D’autre part, les expéditions d’anthracite depuis Novosibirsk reculent. Pour les ports russes d’Extrême-Orient, de mer Noire et de la Baltique, ces diminutions de trafic ont un impact direct.
Des coûts de passage portuaire élevés
Le charbon russe fait les frais de coûts de passage portuaire trop élevés. Effectivement, The Coal Hub souligne que les trafics vers le port de Taman, en mer Noire, ne sont pas au rendez-vous. Ce port, qui réalise en moyenne 25 Mt d’exportation de charbon par an, n’a aucun chargement de prévu pour le mois de mars. Les coûts élevés de la manutention grèvent la rentabilité du charbon à l’export.
Une baisse de 30 Mt des exportations mondiales
De plus, les sanctions des pays occidentaux contre les négociants en charbon russes SUEK et Mechel entraînent une réduction des exportations mondiales de charbon de 30 Mt en 2024, estime The Coal Hub. Par ailleurs, une taxe imposée par Moscow sur les exportations de charbon écorne la rentabilité sur les marchés internationaux. Dans ces conditions de marché, les exportateurs russes tablent sur une année 2024 en net retrait. Et même si demain, les marchés internationaux reviennent à acheter du charbon russe, les exportateurs devront faire front aux contraintes de la logistique ferroviaire. Le réseau national russe ne peut actuellement pas absorber une croissance trop importante de ses flux en raison de son état.
Le charbon russe destiné à la Chine et l’Inde
Cette situation est inédite dans le marché du charbon. Le minerai russe a longtemps approvisionné les industries européennes. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, le charbon russe a pris d’autres chemins. Il approvisionne majoritairement le marché indien et le marché chinois. Bien plus, explique une dépêche de l’agence de presse Reuters, les négociants russes ont accordé des rabais pour prendre des parts de marché sur le marché indien.
Le poids de l’Indonésie face à la Russie
Or, face à la Russie des pays comme l’Australie, l’Indonésie et l’Afrique du Sud jouent leur atout. En effet, l’Indonésie se classe au premier rang des exportateurs de charbon. Elle réalise 36,9% des expéditions maritimes dans le monde, selon les chiffres d’AXS Marine repris par le courtier Banchero Costa. En 2023, l’Indonésie a exporté 494,6 Mt. Des flux en progression de 10,8% sur cette année. L’Australie entre en seconde position avec 344,1 Mt, en augmentation de 4,6%. Pour sa part, en 2023, la Russie exporte 184,6 Mt. Un volume en baisse de 2,1%. Enfin, l’Afrique du Sud clos le quinté, derrière les États-Unis, avec 60,8 Mt. Un trafic stable en 2023.
La concurrence entre Russie et Indonésie
Par conséquent, la baisse de volume depuis la Russie peut avoir un effet bénéfique pour les marchés d’Indonésie et d’Australie. Le marché indonésien exporte vers la Chine et l’Inde environ 310 Mt par an. Cela représente 62% de ses sorties de charbon. Cependant, ces deux marchés, la Chine et l’Inde, représentent pour le charbon russe les principaux acheteurs depuis l’invasion de l’Ukraine. Pour sa part, l’Indonésie améliore sa pénétration de marché dans des pays comme le Vietnam et la Malaisie. Et ces pays sont des cibles commerciales pour les exportateurs russes.
Le réveil australien
Quant au marché chinois, il demeure une destination de choix pour le charbon russe. En 2023, la Russie a exporté 75,8 Mt. Un trafic en progression de 31,8%. La Chine est devenue un marché important pour le charbon russe. Néanmoins, les acheteurs chinois semblent privilégier les achats en Indonésie au premier trimestre 2024. Pour la Russie, ce changement logistique réduit considérablement ses exportations. Enfin, face à la Russie, l’Australie revient en force sur le marché chinois. Le boycott prononcé par le gouvernement chinois contre l’Australie est levé. En 2023, l’Australie entre à hauteur de 52,3 Mt, contre 0,2 Mt en 2022.
La logistique ne suit pas
Enfin, la Russie doit aussi faire face à des conditions logistiques compliquées. Le port de Taman, en mer Noire, oblige les armements à contracter des assurances aux taux parfois élevés en raison du conflit. Quant aux ports d’Extrême-Orient, ils doivent s’organiser avec un réseau ferroviaire aux capacités limitées. Par ailleurs, les exportateurs russes doivent faire front à une hausse des taux de fret de ces dernières semaines. Ajouté à cela les taxes supplémentaires du gouvernement sur les exportations, et le charbon russe perd de sa compétitivité sur le marché indien et chinois. En face, le charbon indonésien, avec sa meilleure qualité, réussi à s’imposer sur ces deux marchés.