Ukraine: Agritel craint des perturbations logistiques pour les céréales
Agritel, société d’analyse des marchés des matières premières, alerte sur les risques d’un blocage de la logistique portuaire en Ukraine si le conflit s’étend en raison de l’importance de ce pays sur de nombreux produits.
La situation évolue heure par heure sur les bords de la mer Noire. La reconnaissance par Moscou des deux républiques du Donbass a précipité les évènements. Localement, les premiers tirs ont résonné. L’Union européenne et les États-Unis ont commencé à jeter les bases des premières sanctions contre des personnalités russes et des sociétés. Un second train de mesures est prévu pour imposer un embargo sur plusieurs produits russes.
Les craintes d’un blocage logistique
« Or, la place de l’Ukraine sur le marché mondial des huiles et des céréales est très importante », indique Agritel, société d’analyse des marchés des matières premières. Elle souligne qu’« un blocage logistique des ports aurait de fortes répercussions haussières sur le marché. Des hausses qui seraient inédites en cas de conflit armé terrestre de grande ampleur. Les engrais et le gaz étant les leviers de la Russie, leurs cours pourraient rester élevés en Europe », continue Agritel.
Une campagne record en Ukraine
Replaçant cette crise dans le contexte économique actuel, Michel Portier, directeur d’Agritel rappelle que « l’Ukraine sort d’une campagne record en production de céréales comme de tournesol. Le pays se classe cette année comme le 7ème producteur de maïs et de blé et comme le premier producteur de tournesol. » Les deux républiques séparatistes du Donbass produisent environ 40% du blé ukrainien. En reconnaissant la sécession, le gouvernement de la Russie s’adjuge une partie du grenier ukrainien.
50% de parts de marché des huiles de tournesol
Une place de producteur importante mais aussi sur les marchés d’exportation. En effet, continue le directeur d’Agritel, l’Ukraine se positionne à la quatrième place mondiale pour les exportations de blé et de maïs. Alors, les craintes d’un conflit armé bloquant la logistique ukrainienne sont réelles. Si ces craintes devaient se concrétiser, le marché mondial se verrait couper d’une source importante de matières premières agricoles. Selon Agritel, à début février, l’Ukraine disposait encore de plus de 6,3 Mt de blé tendre à exporter, soit une quantité record pour cette période de l’année.
Du côté du maïs, le constat est encore plus lourd car le pays compte habituellement pour 25 à 30 % du commerce des quatre grands exportateurs sur cette même période. « C’est surtout sur l’huile de tournesol que pèse le plus grand danger. L’Ukraine capte près de 50 % des parts de marché sur les mois d’hiver ce qui met à risque toute la logistique chez les principaux importateurs » précise Michel Portier.
Les ports toujours actifs

À cette heure, les flux se poursuivent malgré une prime de risque de guerre élevée qui se fait sentir sur les taux de fret sur la mer Noire. Ils ont bondi depuis le début de la crise. Les ports ukrainiens d’Odessa, de Chornomorsk et Nikolaev ont fonctionné normalement le 23 février sans subir d’interruption. Les cartes de MarineTraffic.com montrent une activité intense en entrée et sortie de mer Noire. Le détroit du Bosphore enregistre un trafic important.
La Russie dispose de leviers d’action
Si l’Union européenne souhaite sanctionner la Russie pour ses prises de position politiques et demain peut-être militaires, « la Russie ne manque pas de levier d’actions pour tenter d’asphyxier l’économie européenne », note Agritel. Tout d’abord avec le gaz. L’Europe a importé 35 % de ses besoins en provenance de Russie en 2021. En cas d’escalade, le marché du gaz européen devrait rester sous tension comme ce fut le cas au cours des derniers mois. Dans le même temps, l’Europe est également friande du pétrole russe qui comptait en 2021 pour près du quart des importations. Dernier point de grande dépendance, les engrais sont importés à hauteur de 25 % en provenance de Russie sur le sol du Vieux Continent. « La tension sur les engrais pourrait donc croître à nouveau en cas de contre sanction russe à l’égard des importateurs européens », conclut Michel Portier.
La réaction des autres pays du monde
Il demeure une inconnue de taille : la position de la Chine dans ce conflit. Certains analystes politiques expliquent à grand renfort d’explication que Pékin ne soutiendra pas des séparatistes de peur de voir une contagion se répandre sur ses terres. D’un autre côté la Chine a besoin, pour maintenir sa croissance économique de pétrole et de gaz mais aussi de blé, d’orges et de maïs pour son alimentation. En imposant des sanctions, l’UE et les États-Unis pourraient rapprocher la Chine et la Russie. D’autre part, si l’appétit chinois en matière première est grandissant, quelle sera l’attitude des autres principaux pays importateurs de blé, notamment en Afrique. En refusant les sanctions de l’UE ils peuvent ouvrir leurs marchés aux céréales russes, au détriment des productions européennes.