Corridors et logistique

Le verdissement de la logistique routière entre court et long terme

L’association des logisticiens automobiles, ECG, analyse la stratégie européenne de verdissement des flottes de camions. Entre les carburants alternatifs comme le HVO et les véhicules électriques, le choix tient plus à des exigences de terme.

L’Europe souhaite atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour se faire, les différents secteurs industriels et des services se mettent en ordre de marche. Les logisticiens automobiles européens, regroupés dans European Car Group, s’inquiètent. « Cela signifie que nous devons supprimer les émissions des camions, des trains, des navires et des aires de stockage. » Au final, c’est toute la logistique routière qui doit être repensée.

La réduction de 90% des émissions en 2050

Or, la ligne de départ de cette politique n’est pas claire. Le 13 mai, l’Union européenne a posé les bases des objectifs, notamment pour les camions. Le calendrier prévoit, pour les camions de plus de 16 t, une réduction de 15% en 2025, de 43% en 2030, de 64% en 2035 et de 90% en 2040 par rapport aux émissions de 2019. Les camions de plus de 7,4 t suivront le même calendrier avec l’échéance de 2025 en moins. Et pour contraindre les opérateurs à respecter ces objectifs, les amendes prévues sont particulièrement élevées. Des surcoûts que les opérateurs de logistique routière peuvent difficilement répercuter sur leurs clients.

Un camion électrique trois fois plus cher

Compte tenu de ce calendrier, les logisticiens doivent désormais adapter leur flotte en conséquence. Dans un entretien avec les responsables de ECG, Dr. Hussein Basma de l’ICCT (International Council for Clean Transportation, Conseil international pour un transport durable) rappelle que le coût d’un camion électrique est aujourd’hui trois fois plus élevé qu’un véhicule thermique. Les logisticiens automobiles investissent peu dans des camions électriques. Jack Austin, responsable de BCA, site de ventes aux enchères de véhicules, confirme que le groupe ne dispose pas de ce type de véhicules dans son portefeuille actuellement.

Environ 25 hubs de recharge pour camions en Europe

Par ailleurs, l’achat de ce type de camions est aussi conditionné par la disponibilité de prises de recharge sur le réseau européen. « L’Europe impose des objectifs pour des stations disposant de carburants alternatifs. S’agissant des bornes de recharge, il en existe environ deux douzaines pour les camions en Europe », soulignent les responsables de ECG. « Nous estimons à environ 50 000 bornes de recharge publiques nécessaires en Europe pour 2030. Et parmi celles-ci, il faudra avoir des bornes de 35 000 MW pour atteindre les objectifs fixés par l’UE », indique Thomas Fabian, directeur commercial de l’association européenne des constructeurs automobiles. Et il constate qu’actuellement, les bornes pour les camions de plus de 7,4 t sont au nombre de 25.

Les constructeurs s’impliquent

De leur côté, les constructeurs de camions agissent. Ainsi, Milence, une co-entreprise entre Daimler, Traton et Volvo, assure vouloir installer 1700 bornes de recharge d’ici à 2027. Cependant, à ce jour, la société a ouvert trois stations de recharge représentant 32 prises. Et Milence construit huit hubs pour une cinquantaine de prises dont l’ouverture sont prévus pour le dernier trimestre. « Nous parviendrons à construire 1700 postes de rechargement », assure Roel Vissers, responsable de Milence. Dans le même état d’esprit, Scania a créé une structure pour installer des postes de recharge, Erinion. Elle doit mettre en service 40 000 bornes d’ici à 2030.

Le choix du HVO

Face à ces difficultés de marché, une autre alternative existe selon ECG. Elle consiste à utiliser les camions actuels avec des carburants alternatifs comme le HVO (hydrotreated vegetable oil). Cette solution permet une réduction de 90% des émissions de CO2. Le groupe BCA a fait ce choix pour sa flotte de camions. « Notre motivation tient principalement à ce que nous n’avons pas eu à faire des modifications sur les camions, explique Jack Austin. De plus, la flexibilité de ce carburant nous permet de nous adapter à toutes les alternatives puisque nous ne modifions pas les véhicules ».

Le HVO plus cher que le diesel

Un choix que Ceva a opéré pour sa flotte en Irlande et au Royaume-Uni. 30% des camions sont passés à ce carburant. En France, la filiale du groupe CMA CGM, dispose de 14 unités déployées pour la logistique de Toyota Motor France. Cependant, ce carburant est cher, explique Catherine Hughes, directrice du pôle environnement de Ceva Europe du Nord. « C’est un inconvénient majeur à un déploiement à plus grande échelle dans notre flotte. De nombreux clients ne peuvent pas se permettre de payer un surcoût par rapport au diesel ».

Choix de court terme et de long terme

Pour les responsables d’ECG, le HVO doit être perçu comme une alternative à court terme. En effet, selon l’Agence internationale de l’énergie « la disponibilité de matières premières durables pour la production de biocarburants nuira à sa croissance. » Ainsi, le HVO connaît aujourd’hui un essor rapide pour la logistique routière en raison de sa disponibilité et de sa capacité à être utilisé. Sur un plus long terme, analyse les experts d’ECG, le HVO cède la place aux véhicules électriques. Une analyse partagée par Alexander Hödlmayr, président d’Hödimayr, logisticien automobile allemande. Il confirme que « les camions électriques ne seront pas disponibles pour notre domaine d’application avant 2027. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons commencer à remplacer progressivement nos 600 camions diesel actuels. D’ici 2040, 90 % de nos camions devraient être équipés de systèmes de propulsion alternatifs. »