Corridors et logistique

Pétrole : l’Afrique ne devrait pas décoller en 2022

L’African Energy Chamber a publié, au mois de mars, un rapport sur les capacités de production de pétrole en Afrique. La production des principaux pays pétroliers ne devrait pas connaître de bouleversements. Cependant, la menace des pays européens d’interdire les importations de pétrole et gaz russe peut être, pour l’Afrique, une occasion de revoir son secteur pétrolier et de diversifier son économie.

La crise militaire en Ukraine pèse lourdement sur les approvisionnements mondiaux en hydrocarbures. Pétrole et gaz russes représentent en moyenne 40% des importations nationales des pays de l’Union européenne. Les sanctions contre la Russie et les oligarques russes ne touchent pas encore les sorties de pétrole. Cependant, les États-Unis ont pris la décision de sanctionner le pétrole russe. En France, le pétrole russe représente 12,7% des importations. Cette dépendance aux hydrocarbures russes est de 42% pour l’Allemagne.

Se tourner vers d’autres pays producteurs

Dans ce contexte, des sanctions lourdes contre le gaz et le pétrole russes pourrait avoir des conséquences importantes pour l’économie et les citoyens européens. Les yeux se tournent alors vers les autres pays producteurs. Au Moyen-Orient, Arabie-Saoudite, Iran, Irak et Qatar disposent de réserves mais ne pourront compenser l’absence de la Russie. Du côté de l’Afrique, les pays producteurs comme le Nigéria, La Lybie, l’Algérie et l’Angola pèsent environ 80% de la production africaine d’hydrocarbures, selon le dernier rapport trimestriel de l’African Energy Chamber.

Afrique: une production de 6,35Mbpj

Dans son analyse de marché, l’African Energy Chamber estime que la production pétrolière africaine devrait croître de 315 000 bpj (barils par jour) en 2022 à 6,35 Mbpj. Le principal producteur de pétrole brut africain, à savoir le Nigéria, devrait voir sa production atteindre 1,46 Mbpj. Une progression que les analystes de l’African Energy Chamber estiment durer quelques mois. En effet, 65% de la production pétrolière nigérienne vient de champs offshores. Or, ceux-ci ont subi les effets de la pandémie avec une baisse des investissements. Les projets de Shell et ENI dans les eaux du Nigéria ne devraient pas produire dans les prochains mois.

Lybie: plus habituée à des scénarios pessimistes

Second pays producteur en Afrique, la Lybie a connu une année 2021 relativement stable. Début janvier, l’occupation par des forces militaires des puits de El Sharara et de El Feel, combinée avec la maintenance d’un pipe-line a sensiblement réduit les potentiels d’exportation. Pour l’African Energy Chamber, la production libyenne est estimée entre 1,15 Mbpj à 1,17 Mbpj sur la première moitié de l’année. En fin d’année, elle pourrait s’élever à 1,25Mbpj. L’AEC relativise ces données avec l’organisation des élections dans le pays. « Si les élections se déroulent sans encombre, la production pourrait atteindre dès la fin de l’année 1,3Mbpj. Néanmoins, la Libye nous a plus habitué à imaginer des scénarios pessimistes avec des conflits locaux », continue l’African Energy Chamber.

Algérie: un espoir d’amélioration avec la nouvelle loi sur le pétrole

En Algérie, la production pétrolière se réduit d’année en année. Elle est passée de 1,2 Mbpj en 2010 à 927 000 bpj en 2021. Pour les experts, la production algérienne devrait atteindre environ 1Mbpj en 2022 avec un espoir d’amélioration depuis l’adoption de la nouvelle loi sur les investissements étrangers dans le secteur. Quant à l’Angola, sa production reste marginale avec 1,12Mbpj en 2021. En 2022, le pays du sud-ouest du continent ne devrait pas produire plus de 1,1Mbpj. Enfin, en Égypte, la production pétrolière a enregistré une baisse importante au cours de la dernière décennie. Elle devrait produire environ 530 000 bpj en 2022, contre 540 000 bpj en 2021.

Un manque d’investissements

L’état de la production pétrolière en Afrique tient principalement aux difficultés que ces pays ont de rassembler les investisseurs. Le principal handicap du continent est de souffrir d’un manque d’investissements dans de nouvelles infrastructures. Alors, la hausse du prix des hydrocarbures en raison de la crise en Ukraine peut s’avérer être une opportunité pour les producteurs africains de pétrole et une occasion inespérée de nouveaux investissements dans ce secteur. « Les investissements réalisés dans cette filière ont surtout porté sur l’exploration et la production », indique Hendrik Malan, président du cabinet de consultant Frost & Sullivan, dans un entretien publié par l’African Energy Chamber.

Une utilisation à bon escient des bénéfices engrangés

En vendant leurs productions sur les marchés internationaux, les sociétés productrices en Afrique vont engranger des bénéfices. « La question demeure de savoir si ces bénéfices seront utilisés à bon escient en relocalisant le raffinage et en investissant plus dans des infrastructures locales pour stimuler la consommation locale. » Des revenus que le consultant espère aussi voir dans la diversification de l’économie. Dans son analyse, le président de Frost & Sullivan estime que la croissance de cette filière se fera d’abord pour les économies locales dans un but de réduire la pauvreté et d’accompagner la croissance économique.