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Le GPM de Marseille-Fos se prépare à la montée en puissance de l’éolien flottant

Le port provençal veut être en capacité d’accueillir la production de 25 éoliennes flottantes par an. De gros investissements sont prévus dans les années à venir pour accueillir les industriels qui construiront les grands parcs de demain, en particulier en Méditerranée. Un article de Gaël Cogné de Mer et Marine

La Commission nationale du débat public (CNDP) a ouvert, mi-octobre et jusqu’au 23 décembre, une concertation préalable à la réalisation de DEOS, acronyme de « développement de l’éolien offshore ». Un grand projet d’aménagement d’infrastructures du Grand port maritime de Marseille (GPMM) chiffré à 550 M€. Il vise à accompagner le déploiement industriel de futurs parcs éoliens, à l’instar d’autres ports français, en étant en capacité, à terme, de produire 25 éoliennes flottantes par an, soit l’équivalent d’environ 450 MW. Un projet que Marseille-Fos espère voir aboutir dès la fin 2028.

Des parcs pilotes

Ce projet d’aménagement portuaire pour accueillir la filière de l’éolien a été conçu pour accompagner des technologies flottantes exclusivement. Une particularité qui tient à la configuration des fonds méditerranéens. Trop profonds, ils ne sont pas propices à l’éolien posé. Alors que la France a accusé un certain retard sur ses voisins d’Europe du Nord dans la construction des premiers parcs éoliens posés, elle est pleinement dans la course internationale pour le flottant, en particulier sur la façade méditerranéenne. Un parc pilote, Provence Grand Large (PGL, 25 MW), dont les flotteurs ont été assemblés chez Eiffage Metal à Fos-sur-Mer, y a déjà installé et devrait être prochainement mis en service. Deux autres parcs pilotes de 30 MW, Eoliennes Flottantes du golfe du Lion (EFGL) et Eolmed, suivront bientôt au large des côtes occitanes. Surtout, le sixième appel d’offres (AO6) pour deux parcs de 250 MW (avec des extensions de 500 MW chacun à l’avenir) a été lancé au printemps. On en connaîtra les lauréats d’ici la fin de l’année. Ces deux parcs devraient être mis en service en 2031. Ils seront les premiers champs d’éoliennes flottantes à échelle commerciale en Méditerranée.

Des atouts en main

Une avance sur laquelle le GPMM, premier port de la façade à avoir accompagné un projet pilote flottant (PGL), entend bien capitaliser. Profitant de grandes surfaces terrestres et maritimes disponibles, il veut accueillir l’intégralité des segments de marché du flottant sur un même site. D’autant que Marseille-Fos bénéficie de plusieurs atouts. « Nous avons de la place, à la fois à terre et en mer. La darse 2, pour donner un ordre de grandeur, fait 4 km de long et 600 mètres de large. On peut y croiser sans difficultés les plus grands navires porte-conteneurs au monde avec les plus grandes éoliennes qui seront déployées demain. Cette place permet de massifier tous les flux, de réunir sur un même site toutes les opérations », présente à Mer et Marine Benoit Rieul, chef du service Etudes Génie Civil au GPM de Marseille et chef de projet pour DEOS. Les développeurs peuvent ainsi dérisquer leurs opérations en massifiant : « Sur un même site, on peut fabriquer plusieurs dizaines de flotteurs successivement, et réaliser des économies d’échelle qui rendent le site plus compétitif ».

Ensuite, la configuration générale du site de Fos-sur-Mer est favorable avec des eaux peu agitées, sans avoir à construire des ouvrages de protection. Une condition nécessaire pour intégrer les éoliennes dans de bonnes conditions ou stocker les éoliennes à flot. Autre atout, « on bénéficie d’un écosystème industriel historique assez dense ». Pour preuve, Eiffage Métal réalise les flotteurs de deux parcs pilotes (PGL et EFGL). « Nous avons également de nombreux services portuaires qui sont déjà acculturés à la filière, comme le remorquage, la lamanage, la manutention portuaire, les dockers… Tout cet écosystème portuaire, sait à quoi s’attendre du fait que l’on a déployé la première ferme pilote flottante en Méditerranée ».

Des marchés à capter

D’après un dossier de présentation du port réalisé pour la concertation, le marché à capter est important. Le GPMM évalue entre 500 et 1250 le nombre d’éoliennes à installer en Méditerranée et au Portugal à horizon 2030-2035 et entre 1000 et 3000 à horizon 2050. A l’échelle de la façade méditerranéenne française, il est question de 175 à 250 éoliennes de 20 MW d’ici à 2030-2035 et 200 à 375 à horizon 2050. Or, pour le moment, peu de ports méditerranéens se sont positionnés fermement sur ce marché, à l’exception de Tarente, dans le sud de l’Italie, et en France de Port-la-Nouvelle, bien plus proche. Un port concurrent avec lequel le GPMM entend travailler en complémentarité, ne serait-ce que pour répondre aux ambitions françaises d’attribuer 3 à 4.5 GW de capacités à horizon 10 ans sur la façade méditerranéenne.

Pour satisfaire ces futurs marchés, la volonté du port est donc d’être en mesure de sortir 25 éoliennes flottantes (flotteurs et éoliennes) par an, auxquelles pourraient s’ajouter 25 flotteurs assemblés par Eiffage Metal, pour approvisionner les marchés français et des pays voisins. En effet, s’il est généralement considéré qu’une éolienne intégrée sur son flotteur ne peut guère être remorquée à plus de 300 km du port d’intégration, les flotteurs seuls peuvent être transportés sur de grandes distances (plusieurs milliers de kilomètres). Le port envisage donc de sortir 200 à 450 flotteurs à horizon 2030-2035 et 400 à 1200 flotteurs à horizon 2050, tandis que 150 à 200 éoliennes seraient intégrées à horizon 2030 à 2035 et 200 à 400 éoliennes à horizon 2050.

Anticiper les futurs usages

Alors que le posé est bien maîtrisé (trois parcs sont déjà pleinement en service en France), le flottant n’a pas encore atteint sa maturité. Il n’a pas encore fait l’objet de déploiements à l’échelle commerciale. Prévoir le port adapté est donc « un sujet délicat », remarque Benoit Rieul. « En réalité des ports dédiés au flottant avec vraiment une ambition industrielle pour massifier et réduire le coût de l’électron à la fin, il n’y en a pas beaucoup qui existent. Nombreux sont ceux qui y réfléchissent, mais peu existent dans le monde. Nous sommes sur une filière émergente où tout bouge et il faut arriver à s’adapter et à conserver un projet assez agile le plus longtemps possible ».

Mise en flottaison d’un flotteur d’éolienne

Pour affiner ce projet, Marseille-Fos a consulté tous les candidats à l’AO6 – sachant que l’un d’entre-eux construira le parc du Golfe de Fos (250 MW), juste au large -, mais aussi les divers acteurs de la filière, futurs sous-traitants des développeurs. « Nous avons lancé en avril dernier un appel à manifestation d’intérêt de sourcing pour essayer de confronter la vision que nous avons de la filière et du projet avec celle des industriels, notamment ceux que nous n’aurions pas identifiés en première intention. Nous avons eu des dossiers déposés, des échanges et des auditions avec tous ces acteurs, futurs utilisateurs des espaces, pour consolider le projet », complète Benoit Rieul.

Un grand terre-plein, un quai et un stockage en mer

A terre, Fos-sur-Mer disposera donc d’infrastructures permettant de construire des flotteurs, aussi bien en béton qu’en acier, de stocker et intégrer des éoliennes ou encore de gérer les ancrages (lignes et ancres). En mer, des aménagements sur le plan d’eau sont aussi prévus pour stocker les flotteurs mis à l’eau ou les éoliennes intégrées durant leur phase de tests et d’essais (commissioning).

Situé dans le bassin ouest, sur la darse 2, face aux terminaux à conteneurs, le futur terminal éolien occupera une surface d’environ 80 hectares à terre sur un terrain ayant servi dans les années 1970 à entreposer des matériaux de dragage des darses. Selon les chiffres présentés par le GPMM à Mer et Marine, le projet compte, à date, un hub d’intégration de 28 hectares, un site de fabrication de flotteurs ou « usine à flotteurs » de 38 hectares et 5 hectares pour les ancrages et lignes. Un grand terre-plein renforcé va donc être créé. Il sera bordé par un quai de forte capacité pouvant atteindre 1000 mètres linéaires. Il servira aussi bien pour les approvisionnements que pour l’intégration et la mise en flottaison.

Ces infrastructures devront pouvoir supporter de très lourdes charges pour le stockage de composants, pour la circulation des remorques ou encore pour porter la grue qui intègrera les éoliennes avec « des descentes de charges qu’on a en réalité nulle part ailleurs sur le port ».