Corridors et logistique

La recomposition des alliances maritimes : l’effet sur les ports

Upply publie une étude sur les conséquences des futures alliances maritimes pour les ports. Les ports français restent dans la course.

Une étude réalisée par Jérôme de Ricqlès, expert maritime de Upply et Anne Kerriou, responsable éditoriale de Upply et Hervé Deiss, Ports et Corridors, reprend les principaux changements à intervenir dans les alliances maritimes en février 2025.

Un grand chambardement

« Un grand chambardement se prépare dans le paysage moderne des alliances maritimes, qui n’avait pas connu de modification substantielle depuis 2017. Les trois alliances actuelles regroupent dix grands armements mondiaux. À compter de février 2025, le jeu sera distribué différemment. » Une redistribution des cartes qui entraîne une refonte des services sur les principales lignes est-ouest. Le choix des futures alliances modifie sensiblement les dessertes. Mærsk et MSC se séparent. Le premier rejoint une alliance avec Hapag Lloyd quand le second fait cavalier seul. Pour sa part, Ocean Alliance conserve ses membres. Enfin, The Alliance s’arrête pour créer la Premier Alliance.

Gemini axe sa stratégie sur le « hub and spoke »

Ainsi, Gemini, l’alliance entre Mærsk et Hapag Lloyd, axe sa stratégie sur le principe du « hub and spoke ». Les deux armements ont fait le choix de la desserte de certains ports dans chaque région. Une décision qui pèse pour Haropa Le Havre. En effet, désormais le port normand ne sera desservi que par des feeders. En Europe du Nord, les navires de Gemini escaleront principalement à Anvers, Rotterdam, Hambourg et Bremerhaven. Cependant, le port du Havre voit le nombre de services de MSC augmenter. Alors, si à la fin du décompte il conserve un nombre de services à peu près équivalent, tout va se jouer sur les volumes.

L’attentisme des opérateurs

L’annonce de ces changements a conduit les donneurs d’ordre à s’interroger sur les futurs circuits logistiques. Les accords signés avec un armateur pourront-ils tenir en février prochain ou faut-il attendre de voir ces nouvelles alliances à l’œuvre avant de prendre des décisions ? Du côté des opérateurs, la période est plutôt à l’attentisme. Un commissionnaire en transport nous a confié être attentif sans être inquiet. « Nous trouverons toujours des navires assurant les principales liaisons est-ouest. Mais nous devrons peut-être changer de fournisseur. »

La perte de connectivité des ports français

En France, l’organisation professionnelles TLF, qui représente les commissionnaires de transport, s’interroge sur la place des ports français. L’inquiétude vient principalement de la stratégie de Gemini. « Le modèle de hub and spoke proposé par l’alliance Gemini fait perdre en connectivité directe les ports français. Or, la connectivité maritime est un argument commercial majeur, puisqu’elle permet notamment des connexions rapides et sécurisés. » Cependant, dans le même temps, l’organisation professionnelle se réjouit de voir que « MSC renforce ses escales sur les ports du Havre et de Marseille-Fos. »

La vigilance de la Commission européenne

L’AUTF, l’organisation qui regroupe les chargeurs, déplore également « la réduction du nombre d’arrivées de lignes en desserte directe au détriment des ports français » dans le cadre du déploiement de l’alliance Gemini. Elle prend acte de cette évolution de marché, en espérant « une qualité et un niveau de services améliorés, notamment en matière de respect du transit time ou encore au regard des congestions portuaires, à des prix plus compétitifs ». L’organisation des chargeurs appelle par ailleurs la Commission européenne à rester vigilante sur le respect du droit de la concurrence européen car les alliances, qui ne peuvent plus se prévaloir du règlement d’exemption (CBER), doivent désormais apprécier par elles-mêmes leur conformité avec les dispositions applicables.

La NRF silencieuse

Et parmi les réactions, il est une voix qui reste silencieuse : la National Retail Federation. Cette organisation de la grande distribution aux États-Unis n’aborde pas le sujet. Or, cette association, qui regroupe 155 sociétés américaines, porte un intérêt particulier au monde maritime et portuaire. Elle a communiqué longuement lors du mouvement social des dockers de la côte Est.