Ports

Les manutentionnaires dans la tourmente géopolitique

Les manutentionnaires affichent une croissance de leur volume d’affaires et de leur trafic au premier semestre. Le second semestre s’avère plus compliqué.

Depuis l’été 2024, les yeux du monde de la conteneurisation se tournent vers les États-Unis. En premier lieu, pendant l’été 2024, les dockers de la côte Est menacent d’un mouvement social d’ampleur. Pour se prémunir contre une éventuelle pénurie pour les fêtes de fin d’année, les distributeurs ont fait le plein. Les mouvements n’auront pas lieu.

Des achats en masse au premier semestre

Ensuite, l’élection présidentielle porte Donald Trump à la Maison blanche. Au cours de sa campagne, le candidat a averti de taxes douanières à l’importation. Alors, quand il a pris ses fonctions, il a mis ses menaces à exécution en imposant des tarifs douaniers. Pour inciter les gouvernements à négocier, il accorde un délai jusqu’à l’été. Dans ce contexte, les opérateurs américains ont acheté en masse depuis la Chine, l’Europe et les autres pays pour se couvrir une nouvelle fois.

Des résultats financiers en hausse pour les manutentionnaires

Des conditions de marché qui se reflètent dans les chiffres des ports. Tant en Chine, qu’en Europe et aux États-Unis, les volumes traités affichent des hausses de volume. Pour les manutentionnaires, cette situation économique permet d’afficher des résultats en progression. Ainsi, les opérateurs présentant des résultats au premier semestre indiquent une hausse de leur chiffre d’affaires allant de 10% à plus de 22%, en comparaison au premier semestre 2024. Les chiffres que nous présentons ne prennent pas en compte les résultats des filiales des armements. Ainsi, la structure manutention de MSC, TIL et AGL, celle du groupe CMA CGM, CMA Terminals, ou encore celles d’Evergreen, de NYK n’apparaissent pas. Quant au groupe CK Hutchison Ports, il ne publie pas de résultats semestriels.

Le bilan des résultats semestriels des manutentionnairesLes coûts opérationnels progressent

Cette amélioration tient d’une part, à la hausse des volumes, et d’autre part, à l’augmentation tarifaire que les manutentionnaires ont pu faire passer. Du côté des revenus opérationnels (Ebitda), les progressions suivent le mouvement. Cependant, ces augmentations se réalisent dans une moindre mesure. Les coûts opérationnels progressent en raison du prix de l’énergie, expliquent les opérateurs.

L’affaire des ports de CK Hutchison

Au cours de ce premier semestre, le monde de la manutention portuaire de conteneurs a vécu un léger séisme. La volonté de Donald Trump de reprendre la main sur le canal de Panama pour réduire l’empreinte de la Chine secoue le secteur. Il souhaite que les ports à chaque extrémité du canal ne soit plus chinois. Pour répondre à cette demande mais aussi dans le cadre d’une stratégie de désengagement, le concessionnaire de ces ports, CK Hutchison Ports a annoncé la cession de sa division portuaire. Elle comprend les deux ports panaméens mais aussi des intérêts en Asie, en Europe et en Amérique du Nord.

Le rachat par BlackRock/TIL capote

Dès le mois d’avril, un fonds de pension américain BlackRock associé avec la filiale manutention du groupe suisse MSC, Terminal Investment Limited, a offert de racheter la division. Une décision qui heurte le gouvernement de Pékin qui ne veut pas perdre ses intérêts en Amérique Centrale. Alors, le gouvernement chinois a lancé une enquête. De son côté, le gouvernement panaméen a souhaité analyser la situation.

D’autres se mettent sur les rangs

Ainsi, au début de l’été, le rachat de CK Hutchison Ports par le consortium BlackRock/TIL s’éternise. Parce qu’aujourd’hui les nouvelles concessions portuaires ne sont pas nombreuses sur le marché, d’autres opérateurs se mettent sur les rangs de cette reprise. Les informations non confirmées parlent alors de CMA Terminals, filiale de l’armement français CMA CGM. D’autres donnent le groupe singapourien Port of Singapore Authority (PSA) en bonne place. Enfin, la filiale manutention de Cosco serait aussi intéressée.

Viser les marchés émergents

En effet, dans une conférence de presse, le directeur général de Cosco Ports, Wu Yu confirme la stratégie du groupe vers les pays émergents. Cosco Ports indique que, « même si les exportations chinoises vers les États-Unis diminuent, celles à destination des marchés émergents augmentent. Cosco cherche donc à saisir des opportunités d’acquisition en Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud, en Afrique et au Moyen-Orient », rapporte l’agence de presse Reuters dans une dépêche. Sans l’avouer directement, il s’agit d’une déclaration en faveur de la reprise de CK Hutchison Ports. De son côté, continue Reuters, CK Hutchison Ports « serait en négociation avec un investisseur stratégique majeur chinois ». Dans l’hypothèse où le conglomérat maritime d’État chinois reprendrait ces terminaux, cela irait à l’encontre des intentions politiques de l’administration américaine.

Une progression des volumes à 1,9%

Sans être assuré que cette cession survienne au cours du second semestre, la manutention portuaire va devoir composer avec le marché. Les prévisions pour l’ensemble de l’année 2025 affichent un optimisme mesuré. En effet, selon le cabinet de consultants britanniques Drewry, le volume mondial échangé en 2025 est attendu à 946 MEVP, soit 1,9% de plus qu’en 2024. Et pour 2026, la croissance ne dépassera pas 0,5%. Pour mémoire, en 2024, les échanges conteneurisés ont progressé de 7,2%. Les opérateurs de terminaux ne se risquent pas à des projections sur la fin de l’année. L’incertitude demeure, argumentent-ils. En outre, les décisions erratiques de Donald Trump peuvent à tout moment modifier les fondamentaux du marché.

Quand le canal de Suez reprendra

Enfin, un élément est à regarder avec attention. Depuis quelques semaines, Anvers et Rotterdam affichent des trafics à la limite de la congestion, rapportent des journaux locaux. Une situation qui pointe aussi sur le versant sud du continent. La question qui occupe les esprits est de peser les effets de la fin d’une crise de la mer Rouge. Les attaques des navires se calment depuis le mois de juin. Les armements analysent la situation au jour le jour. La décision de reprendre le cap sur le canal de Suez au lieu du cap de Bonne-Espérance peut aussi modifier le marché. En raccourcissant leur temps de transport, les ports pourraient se retrouver face à un afflux massif de boîtes.

L’effet des mesures de Donald Trump sur les trafics portuaires

Quant aux ports américains, ils semblent afficher les premiers effets de la politique de Donald Trump. En juin et juillet, la National Retail Federation (NRF) annonce une baisse de trafics tant sur la côte Ouest qu’à l’Est. Elle soutient qu’il s’agit des effets des tarifs douaniers. Or, les nouvelles taxes pour les produits européens et chinois sont entrées en vigueur en août. Alors, les prochaines semaines pourraient encore creuser l’écart par rapport à l’année dernière. « La porte d’un conteneur claquée trop fortement en Chine, et les ports européens et américains se vident ».