Corridors et logistique

Commerce africain : la fin de l’accord de préférence avec les États-Unis

L’accord entre les États-Unis et les pays d’Afrique attend sa prolongation. La Cnuced s’inquiète des conséquences d’un non renouvellement.

En mai 2000, les États-Unis ont démarré un programme pour aider les pays d’Afrique sub-saharienne. L’African Growth and Opportunity Act (AGOA, loi sur la croissance et les opportunités en Afrique) détermine les 48 pays d’Afrique qui bénéficient de tarifs douaniers préférentiels. Depuis lors, cet accord fait l’objet de reconduction. Le 30 septembre, cet accord prend fin. L’administration américaine, en plein shut down, n’a pas encore renouvelé les conditions de cet accord. Une situation que la Cnuced juge compliquée pour les pays concernés.

Un accès réduit au marché américain

Cet accord a soutenu les exportations africaines vers les États-Unis. L’arrêt de ce programme a des répercussions pour les exportateurs africains de produits agricoles et de produits manufacturés légers. En effet, ils pourraient voir leur accès au marché américain se réduire, ce qui compromettrait leurs perspectives de diversification. Dans un pays comme le Lesotho, par exemple, environ un tiers des exportations sont liées à l’Agoa, principalement dans le secteur de l’habillement et des produits agricoles.

La double peine avec le Liberation Day

Or, la fin de cet accord vient s’ajouter aux mesures annoncées par Donald Trump lors du Liberation Day. Ainsi, la Cnuced rappelle que les droits de douane spécifiques à certains pays et secteurs, introduits par les États-Unis depuis avril 2025, ont fait passer les droits de douane pour les pays bénéficiaires de l’AGOA de moins de 0,5 % à 10 % en moyenne. L’expiration de l’AGOA affecterait de manière disproportionnée les exportations africaines de produits manufacturés légers vers les États-Unis. En raison de la variation des taux tarifaires et des exceptions pour les matières premières sensibles, les exportations africaines de produits agricoles et manufacturés seraient soumises à des droits de douane deux à trois fois plus élevés que ceux appliqués aux carburants et aux minéraux.

Les exportateurs de matières premières moins touchés

Les exportateurs de matières premières minières sont les moins touchés par les modifications tarifaires américaines sur les produits africains. Des pays comme la République démocratique du Congo, le Nigéria ou l’Angola, dont les exportations sont principalement constituées de combustibles et de minéraux, ne subiront qu’une augmentation minime des droits de douane. En effet, leurs principales exportations bénéficient déjà de droits NPF (Nation la plus favorisée) faibles ou d’exemptions de droits supplémentaires. Les économies plus diversifiées, comme l’Afrique du Sud, sont moins exposées à l’expiration de l’Agoa. Elles ont déjà connu des augmentations significatives des droits de douane cette année en raison des décisions de l’administration Trump en avril.

173 800 EVP exportés d’Afrique vers l’Amérique du Nord en 2024

La fin de cet accord aura un impact sur les échanges. En premier lieu, l’industrie portuaire pourrait subir les effets. Selon les chiffres de Container Trade Statistics (CTS), les exportations conteneurisées d’Afrique sub-saharienne vers l’Amérique du Nord progresse chaque année. En 2024, l’Afrique sub saharienne exporte 173 800 EVP vers l’Amérique du Nord. Un volume en progression de 3,6%. Cependant, il convient de noter que la part de l’Amérique du Nord dans les échanges conteneurisés africain demeurent faibles. Ils pèsent 5% du total, loin derrière l’Asie et l’Europe qui représentent, ensemble, 70% des flux exports.

Un impact sur l’industrialisation du continent

Outre l’effet sur le commerce, la Cnuced estime que la fin de cet accord impacte aussi l’industrialisation et la diversification des exportations du continent. Les secteurs comme l’habillement et l’agriculture subiront un effet disproportionné. De plus, ce non renouvellement impactera leur employabilité. Par ailleurs, les répercussions négatives se feront non seulement sur la diversification des exportations, mais aussi sur la réduction de la pauvreté et l’emploi des femmes. Le cas de Madagascar illustre les risques encourus. Il a vu son éligibilité à l’Agoa suspendue entre 2009 et 2015 à la suite d’un coup d’État.

Des tarifs douaniers qui pourraient atteindre 32% pour le Lesotho

En conséquence, le non renouvellement de l’Agoa signifie pour neuf pays africains de voir les tarifs douaniers américains s’élever à 15 % en moyenne. Des tarifs qui pourraient s’élever à 32% pour le Lesotho, 28% pour le Kenya ou encore 23% pour le Cap Vert. Bien, plus, continue la Cnuced, « cela signifie que les exportations africaines vers les États-Unis sont soumises à des droits de douane plus élevés que ceux de nombreux pays développés. Cela serait donc en contradiction avec l’engagement de soutenir l’intégration des pays en développement dans le marché mondial. »