Conteneurs : transporter plus pour gagner moins
Les résultats financiers du troisième trimestre des principaux armements opérant dans la conteneurisation montrent une baisse de la rentabilité de l’activité. Dans le même temps, les volumes progressent.
Les résultats financiers des armements au troisième trimestre dévoilent le paradoxe armatorial. D’un côté, les données financières avec des baisses quasi généralisées. De l’autre, les volumes transportés avec des augmentations. En somme, les armateurs transportent plus pour une rentabilité en baisse.
Une hausse de 4,7% des trafics conteneurs
En effet, les chiffres publiés par Container Trade Statistics pour le mois de septembre s’avèrent positifs. « Sur les trois trimestres de 2025, les volumes conteneurisés sont en hausse de 4,7% comparativement à 2024. Une performance après une année 2024 en progression », indique CTS. Les vicissitudes du commerce international, liées aux décisions de l’administration de Donald Trump, ont modifié les flux. Ainsi, les trafics prévus pour l’Amérique du Nord ont été redistribués sur les routes secondaires, continue CTS. « Un nouveau paradigme qui permet à l’Extrême Orient de conserver sa place de moteur. » Et cette situation se répercute dans les analyses menées par les rapports trimestriels des armements. Ainsi, la Chine conserve sa place centrale dans ce marché, indique Mærsk. Les importations croissent en Europe, en Afrique et en Asie centrale quand elles perdent du volume notamment sur le Transpacifique.
Une baisse du chiffre d’affaires
Dans ce contexte, plusieurs armements affichent une baisse de leur chiffre d’affaires malgré la hausse des volumes transportés. Les armements expliquent cela par la baisse des taux de fret. Ainsi, Hapag Lloyd annonce une baisse de 5% du taux de fret moyen à 1 397$/EVP. Cependant, cette diminution est gommée par la croissance du volume transporté. Une baisse confirmée par le rapport de Cosco qui dévoile une baisse de 11,2% à 1 310 $/EVP. Elle est de 12,4% à 1 140 $/EVP pour les lignes de OOCL. La situation est identique chez ONE. La baisse des taux de fret depuis le début de l’année impacte les revenus du groupe. Quant au groupe Mærsk, il affiche une baisse moyenne de 31% à 2 344 $/FEU (conteneur 40’) sur toutes les routes.
La rentabilité souffre
Avec une baisse des taux de fret et une hausse des volumes, la rentabilité des armements souffre. Ainsi, l’augmentation du nombre de conteneurs transportés conduit à une hausse des coûts d’exploitation, explique le groupe Mærsk. Alors, même si le coût des soutes diminue depuis le début de l’année, le volume de carburant nécessaire pour transporter ces volumes efface les gains du coût. Alors, au conteneur transporté, le coût des soutes augmente de 2,2%. De son côté, Hapag Lloyd attribue cette baisse de rentabilité à la mise en place du réseau avec Mærsk dans le cadre de leur alliance Gemini. D’autre part, la congestion portuaire intervenue au cours de ces neuf mois impacte les coûts opérationnels des armateurs. Malgré ces différentes évolutions, les perspectives pour la fin de l’année demeure encore positive. Au total, sur les 12 mois de 2025, les observateurs attendent une progression de 4% des volumes transportés. Pour les armements, cette perspective rassure.
L’ajournement des taxes réciproques entre la Chine et les États-Unis
Jérôme de Ricqlès, expert maritime chez Upply, observe une « détente sur la tension du marché avec l’annonce de l’ajournement de un an des taxes réciproques aux navires chinois aux États-Unis et aux navires américains en Chine. » D’ailleurs, les mesures chinoises ont eu pour effet de créer de la congestion dans les ports de l’Empire du milieu. « Les autorités chinoises ont fait du cas par cas. Une situation difficilement tenable sur le long terme. D’ailleurs, il est apparu qu’un navire affrété de Cosco tombait sous le coup de ces taxes. Une situation pour le moins ubuesque vu de Chine », continue l’expert maritime.
Une hausse des taux de fret qui n’est pas durable
Bien, plus, la situation se détend d’autant plus que le CMA CGM Benjamin Franklin a emprunté le canal de Suez. Certes, ce navire a éteint son AIS, mais il a franchi le détroit de Bab el Mandeb sans escorte. « La détente Sino-américaine couplée à un retour via Suez de plus en plus évident dans un terme court, à savoir courant début d’année, voilà le double effet qui explique que la remontée des taux de fret ne peut être durable à ce stade. » Il reste que la situation demeure fragile. À la première attaque Houthie, ou Somalienne, ce fragile équilibre pourrait être remis en question. « Le consensus actuel reste d’une fragilité extrême », conclu Jérôme de Ricqlès.

