Décarbonation des navires : l’OMI a fixé les règles du jeu pour 2023
En 2023, de nouvelles normes s’appliqueront pour la décarbonation des navires. À six mois de cette échéance, l’OMI a fixé les derniers détails de ce cap à franchir. Nous reprenons ci-dessous un article de Caroline Britz de Mer et Marine.
Les échéances approchent. Dans six mois, de nouvelles mesures de décarbonation des navires vont entrer en vigueur à bord d’une très grande partie de la flotte de commerce mondiale : l’EEXI et le CII. Le dernier comité spécialisé MEPC de l’OMI en a fixé les derniers détails et les armateurs et opérateurs de navires connaissent désormais un peu mieux l’encadrement de ces mesures qui visent à accélérer la trajectoire de décarbonation des émissions du transport maritime.
L’Energy Efficiency Index for Ships In Service
Pour mémoire, l’EEXI (Energy Efficiency Index for Ships In Service) est l’indice énergétique des navires. Depuis 2013, on connaissait l’EEDI (Energy Efficiency Design Index) que l’on calcule pour tous les navires neufs. L’EEXI est, en quelque sorte, l’extension de son concept à l’ensemble de la flotte. L’idée sous-jacente de cette norme est de fixer un cadre objectif de performance de chaque type de navire. Pour cela, il faut d’abord établir le niveau d’émission de CO2 en s’appuyant sur la puissance moteur et auxiliaire installée, le type de combustible et son facteur de conversion en CO2.
Fixer le navire dans des standards de performance
Ce niveau d’émission est ensuite divisé par la capacité de transport, qui correspond au tonnage du navire et à sa vitesse (à 75% de la puissance moteur). L’EEXI va situer le navire dans des standards de performance. Et si les calculs établissent, pour des raisons variables (âge, puissance du moteur…), qu’il est au-dessus des émissions attendues pour sa catégorie, il appartient dès lors à son propriétaire de mettre en place des mesures correctives. L’EEXI va s’appliquer aux navires de charge, aux ropax équipés d’une propulsion conventionnelle, aux paquebots avec une propulsion non conventionnelle et à toute la flotte équipée d’une propulsion GNL. Le comité MEPC vient de fixer les derniers facteurs correctifs applicables en fonction du type de navire. L’EEXI devra être calculé une seule fois et inclus dans le SEEMP (Ship Energy Efficient Management Plan) du navire. (voir les résolutions MEPC 350 (78) sur les modalités de calculs, 351(78) sur l’inspection et la certification et 355 (76) sur les limitations de la puissance moteur).
Le Carbon Intensity Index
S’y ajoute le CII, le Carbon Intensity Index. Ce nouvel indice, qui devrait devenir un des éléments majeurs du SEEMP de chaque navire, va être mesuré chaque année grâce à une formule prenant en compte la consommation annuelle de combustible multipliée par un facteur de conversion CO2 du combustible, le tout divisé par la distance parcourue annuellement multipliée par la capacité du navire. Le résultat de cette fraction va être atténué par des facteurs de correction liés à la spécificité de la navigation, des conditions ou de certaines cargaisons. Ceux-ci seront notamment liés à des situations d’urgence ou de sauvetage, la navigation dans la glace, la nécessité de reliquéfaction sur les méthaniers ou encore la quantité de reefers (conteneurs réfrigérés) à bord. L’ensemble des facteurs correctifs seront revus au 1er janvier 2026 pour une mise à jour, sans doute plus stricte.
Disposer de navires de la classe C
Pour mémoire, le calcul annuel du CII amène le classement du navire dans une classe allant de A à E. Les règles prévoient que tous les navires doivent se trouver au minimum dans la classe C. S’il était constaté un classement D pour trois ans consécutifs et un seul classement E, le navire devra élaborer et pouvoir présenter un plan de réduction de ses émissions et une trajectoire lui permettant d’atteindre la classe C, sous peine de perdre ses possibilités d’escale et de navigation. (Voir les résolutions MEPC.352(78) pour le calcul, MEPC.353(78) pour les lignes directrices de référence, MEPC.338(76) pour les facteurs de réduction, MEPC.354(78) pour le classement, MEPC.355(78) pour les facteurs de correction)
Vers un objectif de 100% de décarbonation en 2050?
Ces deux outils ne sont en réalité que la première partie des mesures de décarbonation globale que l’OMI prépare pour atteindre l’objectif, pour le moment affiché, d’une diminution de 50% des émissions de CO2 (par rapport aux valeurs de 2008) par le shipping mondial d’ici 2050. Cet objectif pourrait bien évoluer rapidement puisque de plus en plus de membres de l’OMI demandent désormais un objectif de 100% de décarbonation en 2050. Le choix de cet objectif de 2050 devrait être défini en juillet 2023. En même temps que le deuxième étage de la fusée de l’encadrement règlementaire de l’OMI qui devrait prévoir un standard « well-to-wake » (bilan global de l’ensemble de la chaîne logistique du navire) ainsi qu’une taxe carbone mondiale. En 2023 devrait également être définies les lignes directrices autour du CII des combustibles, ce qui devrait permettre d’affiner les facteurs correctifs et les calculs notamment pour les nouveaux carburants de type bio-fuel.