Upply : les tendances des négociations de la saison automne-hiver
Upply est revenu, lors d’un webinaire le 15 septembre, sur les éléments qui détermineront les appels d’offres de cette fin de l’année et du début de 2023. Tant les chargeurs que les transporteurs devront être attentifs à des éléments déterminants.
Le shipping tend à se calquer sur le timing de la mode. Après avoir eu la collection printemps-été 2022 avec des taux de fret élevés et un défaut de métronomisation des services, la collection automne-hiver se profile avec des modèles plus courts et plus enlevés.
Un revirement depuis l’été
Dans son introduction, Jérôme de Ricqlès, expert maritime chez Upply, est revenu sur la situation du transport maritime. Avec la baisse des taux de fret depuis l’Asie sur l’Europe, depuis l’été, le shipping pose une nouvelle équation. Les négociations contractuelles qui vont s’ouvrir en cette fin d’année pour l’année prochaine devront prendre en compte de nombreux paramètres tant du côté de la demande que de l’offre. Chaque partie devra prendre en compte ces éléments. Plus généralement, la situation a connu un revirement depuis l’été avec la baisse des volumes.
La baisse des volumes
Dans ces conditions, il apparaît qu’en 2023, les volumes seront équivalents à ceux de 2019. Les années de forte croissance des volumes comme nous l’avons connu en 2021 et 2022 sont finies. Cette perspective, Jérôme de Ricqlès la nuance. Ce retour à des volumes de 2019 signifie que la crise du Covid soit derrière nous, « ce qui n’est pas assuré à 100% ».
Inflation et nearshoring
Du côté de la demande, les chargeurs devraient entamer les négociations contractuelles avec des volumes plus faibles qu’en 2021 et 2022. Plusieurs éléments expliquent cette baisse. En premier lieu, l’inflation aura un impact avec une baisse de la consommation. Ensuite, « même si cela est minime puisque cela concerne à peu près 5% des volumes », le nearshoring (relocalisation) réduira la demande. Enfin, les trafics réalisés par voie ferroviaire dans le cadre des Routes de la Soie ne sont pas attendus à revenir vers le maritime.
La détérioration des relations entre chargeurs et transporteurs
Ensuite, depuis deux ans, les relations entre transporteurs et chargeurs se sont détériorées. Il reste que les négociations devront se dérouler au mieux. « Il faudra aussi porter une attention particulière à ne pas voir des chargeurs trop mécontents. » Cette attitude pourrait entraîner des difficultés à ouvrir des négociations saines avec les transporteurs.
Une stratégie de stocks nouvelle
De plus, les conditions du marché du transport maritime ont laissé des traces. Seuls les distributeurs qui ont pu créer des stocks importants ont pu passer la vague. Une exigence qui coûte chère. Or, revenir à une politique de stock plus réduite ne semble pas pouvoir se réaliser dans les prochains mois. En effet, les armateurs ne prévoient pas une restauration des services maritimes à court terme.
La politique chinoise face au Covid
Enfin, pour en finir avec le côté de la demande, la politique chinoise du zéro Covid pourrait encore perturber les chaînes logistiques. Si la Chine continue de produire, elle applique cette politique de façon stricte. Cet élément reste un déterminant important dans la négociation contractuelle, selon l’expert maritime de Upply.
Du liner au semi-liner
Du côté de l’offre, à savoir des transporteurs maritimes, l’expert de Upply les qualifie désormais de « semi-liners » plutôt que d’armements de lignes régulières. Un élément qu’il faudra prendre en compte dans les négociations contractuelles. La synchronisation des services maritimes s’est cassée avec la crise du Covid. Les transporteurs ne sont pas enclins à remettre en place des services hebdomadaires réguliers comme auparavant. « Cela entraînerait l’apport de trop de capacités sur le marché et affecterait les taux de fret ».
La régularité des escales n’est pas pour demain
Certes, depuis quelques semaines, les chiffres publiés par Sea intelligence attestent d’une amélioration de la régularité des services maritimes. Ce constat reste encore éloigné des standards que le transport maritime pouvait offrir avant la pandémie. Alors, face à ce manque de régularité, la restauration des chaînes logistiques sera compliquée même avec des outils informatiques puissants.
La disponibilité des conteneurs pourrait faire défaut
La disponibilité des conteneurs devrait être un élément déterminant dans les négociations. Dès lors que les bénéfices des armateurs se réduiront avec la baisse des volumes et/ou des taux de fret, explique Jérôme de Ricqlès, les armateurs seront moins enclins à transférer les conteneurs vides vers les lieux de production à leur charge. Il pourrait bien y avoir une pénurie de boîtes disponibles dès les prochains mois.
La congestion portuaire s’enlise
Malgré la baisse des volumes de l’été, la congestion portuaire perdure. Elle ne pourra être résorbée qu’avec le retour à la régularité des services maritimes. Cette congestion va jouer dans les négociations contractuelles. Les surestaries dans les principaux terminaux continuent d’augmenter. Cette congestion va s’accentuer au début de l’année prochaine avec le manque criant de chauffeurs routiers qui aura pour effet d’allonger le temps de stockage dans les terminaux à conteneurs.
Des grèves là où on ne l’attend pas
Outre la congestion portuaire, les ports sont confrontés à une vague de contestation. Ce qui n’était plus dans les esprits depuis la pandémie semble revenir. Or, les mouvements sociaux dans les ports se sont manifestés à Hambourg et Felixstowe. Des ports dans lesquels de tels mouvements ne sont pas habituels, souligne Jérôme de Ricqlès.
La digitalisation comme élément de discussion
D’autres paramètres seront à prendre en compte dans ces négociations. Il s’agira de s’acclimater à la tendance que les armements tentent d’imposer d’une digitalisation des opérations. Un sujet qui permet d’avoir une maîtrise des chaînes logistiques. Cette digitalisation demeure aussi un élément important dans les négociations entre chargeurs et transporteurs pour avancer ensemble dans la même direction.
Le verdissement entre parenthèses
Quant au verdissement des chaînes logistiques, il semblerait que le sujet passe en retrait par rapport aux autres éléments. La crise énergétique liée au conflit entre la Russie et l’Ukraine amène la réouverture de centrales thermiques au charbon. Dans ce contexte, les politiques gouvernementales sont moins sévères face au verdissement. « Il est plus acceptable cette année d’être moins regardant sur le verdissement de la chaîne logistique », indique Jérôme de Ricqlès.
Les reefers subissent un coup de chaud
Pour les chargeurs qui travaillent sur les flux sous température dirigée, Jérôme de Ricqlès s’inquiète de voir le manque important de conteneurs disponibles pour ce marché. Le marché penche en faveur de l’offre avec une demande importante. Un état de fait qui pourrait durer sur les premiers mois de 2023 et impacter les négociations avec les armateurs. La sécurisation de la disponibilité de conteneurs reefers doit être un élément important pour les appels d’offres à venir.
Les évolutions de l’administration Biden
Enfin, parmi les sujets plus généraux à prendre en compte au cours des prochaines négociations l’expert maritime de Upply cite notamment l’inflation, l’incertitude liée au conflit entre la Russie et l’Ukraine, les prix de l’énergie, la parité entre l’€uro et le $ ainsi que les évolutions règlementaires. Aux États-Unis, l’administration de Joe Biden s’est résolument tournée contre les armateurs. Au travers du ministère de la justice et de la FMC (Federal Maritime Commission), les armateurs sous suivis de près. Les positions de la FMC contre l’armement MSC après une plainte d’un chargeur ont amené les armateurs à craindre les autorités administratives américaines. De telles positions pourraient déteindre sur la Commission européenne, prévient l’expert maritime.