Le projet portuaire d’Anaklia : le serpent de mer géorgien
Le projet de nouveau port à Anaklia, en Géorgie, a refait surface dans la seconde moitié du mois de décembre après l’annonce par le gouvernement d’une prise de participation de plus de 50%. Pour Anaklia Development Consortium, la réalité est bien différente.
Il s’agit d’un véritable serpent de mer en Géorgie. Le projet de créer un nouveau port dans la commune d’Anaklia a refait surface au mois de décembre quand le premier ministre a annoncé, le 12 décembre, que le gouvernement prendra une participation de 51% dans la société en charge de la construction de ce futur port.
L’effet collatéral du conflit entre l’Ukraine et la Russie
La décision du gouvernement est avant tout motivée par la situation géopolitique en mer Noire. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a modifié les tracés des Routes de la Soie depuis la Chine jusqu’en Europe. L’utilisation des voies par la Russie et la Biélorussie, pour atteindre la Pologne, sont délaissées. Les opérateurs logistiques préfèrent désormais utiliser la « route du sud » qui passe par le Kazakhstan, la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan et la Géorgie.
Anaklia, un autre grand port géorgien
Or, la Géorgie ne dispose à ce jour que d’un grand port à Poti, dont le terminal à conteneurs a été concédé à APM Terminals. Pour le gouvernement, le temps est venu de surfer sur cette nouvelle vague et de relancer le projet du port d’Anaklia.
Une prise de participation de 51% par le gouvernement
L’annonce, le 12 décembre, de prendre une participation de 51% dans le consortium pour le développement de ce port par le premier Ministre géorgien, Irakli Garibashvili, vient donc à point nommé. De plus, le chef du gouvernement a annoncé le lancement d’un appel d’offres dans les prochaines semaines pour trouver des investisseurs étrangers.
ADC n’a pas atteint ses objectifs
En effet, en décidant d’impliquer le gouvernement, Irakli Garibashvili, s’en prend directement au consortium créé pour ce projet portuaire, ADC (Anaklia Development Consortium). Il reproche à ce groupement de n’avoir pas atteint ses objectifs. Effectivement, depuis cinq ans, ce consortium n’a pas avancé dans le projet malgré les promesses des investisseurs étrangers de participer à hauteur de 25 M$ dans le futur port d’Anaklia.
Un recours devant un tribunal arbitral de Genève
« Depuis cinq ans que des fonds ont été soi-disant collectés, le consortium n’a pas commencé les travaux. Il a volé le pays. Il demande 1,5 Md$ en arbitrage auprès de la Chambre de commerce internationale de Genève. Le projet est abandonné et le site présente un visage de désolation. Cela est inacceptable. Nous devons urgemment trouver un partenaire international et investir dans ce port », a déclaré le premier ministre.
Les travaux démarreront en 2023
Dans un entretien avec Inter Press News, le ministre de l’Économie et du développement durable de Géorgie, Levan Davitashvili, a expliqué que le gouvernement dispose des fonds nécessaires pour la construction de ce port. « Nous sommes engagés dans des négociations à différents niveaux avec des partenaires internationaux sur ce projet. Nous travaillons avec deux consultants, un Britannique et un Néerlandais, pour finaliser l’appel d’offres et nous préparons une nouvelle législation sur les partenariats public-privé. Dès le mois de janvier nous sélectionnerons les partenaires qui ont montré un intérêt pour ce projet. » De plus, le ministre a assuré que les travaux sur le site démarreront dès la première moitié de cette année.
Pas d’investisseur étranger si le gouvernement est majoritaire
Des propos du gouvernement que le consortium réfute. En premier lieu, indique ADC, « en prenant plus de la moitié du capital du consortium pour chercher un investisseur étranger est absurde. » Pour le consortium, aucun investisseur étranger ne participera à un groupement dans lequel le gouvernement géorgien dispose de la majorité des parts. « Le gouvernement géorgien a démontré son manque de fiabilité comme partenaire dans de nombreux autres projets ».
La procédure arbitrale va décourager les probables investisseurs
Ensuite, ADC rappelle que le gouvernement n’a pas su trouver un opérateur portuaire qui entrerait dans ce projet en sachant qu’une procédure arbitrale est engagée. De plus, ADC doute que le gouvernement investira 300 M$ dans le développement de ce port quand il a refusé de se porter garantie à hauteur de 50M$. Par ailleurs, le consortium accuse le gouvernement de n’avoir rien fait. Les travaux promis sur le site et dans la région d’Anaklia pour soutenir ce projet n’ont toujours pas démarré.
Entre Anaklia et Poti, les Pandora Papers planent
En outre, la rivalité entre le projet d’Anaklia et celui de l’extension du port de Poti, concédé au groupe APM Terminals, participe activement aux retards. En effet, le consortium rappelle que le dirigeant du parti actuellement au pouvoir, Bidzina Ivanishvilli, a été pointé du doigt lors des révélations des Pandora Papers. Ce responsable politique détiendrait des comptes offshores qui ont investi dans la zone industrielle et logistique du port de Poti. « Le premier ministre est partagé entre encourager le développement du projet portuaire d’Analklia sans contrecarrer les intérêts des dirigeants de son parti dans le développement du port de Poti », continue ADC.