Corridors et logistique

Brittany Ferries bat le fer tant qu’il est chaud

Face au Brexit, aux préoccupations environnementales et à la taille grandissante des navires sur le Transmanche, Brittany Ferries a présenté le 13 février un projet de ferroutage avec Ports de Normandie.

Ports de Normandie et Brittany Ferries décident de répondre aux enjeux environnementaux et de Brexit en conjuguant leurs projets de développement entrepreneurial et territorial avec un projet ambitieux de ferroutage qui reliera la frontière espagnole à la Grande Bretagne et l’Irlande. Hervé Morin, président de Ports de Normandie et président de la Région Normandie et Jean-Marc Roué, président du conseil de surveillance de Brittany Ferries et d’Armateurs de France, en présence de Marc Lefèvre, président du département de la Manche, de Jean-Louis Valentin, président de la Communauté d’agglomération du Cotentin et de Benoit Arrivé, maire de Cherbourg en Cotentin et vice-président de la Communauté d’agglomération du Cotentin, ont présenté ce projet, premier des grands projets intermodaux du corridor Atlantique mais également moteur d’élargissement de l’hinterland du port de Cherbourg.

Le Transmanche en forte croissance

Le marché du Transmanche affiche une croissance continue (+ 25 % en 10 ans) et plus de 5 millions de passages sont attendus d’ici 2025. Au-delà de cette croissance structurelle, le marché du fret-ferry évolue et de nouveaux défis émergent avec la nécessaire prise en considération du Brexit, de l’évolution de la taille des navires, des changements à venir en termes de mobilité et des problématiques environnementales, dont Brittany Ferries en a fait un engagement fort en optant pour le GNL. L’ensemble de ces facteurs conduit tendanciellement à un usage plus intégré du transport routier favorisant la progression des flux de remorques non accompagnées au sein de chaînes multimodales massifiées.
Le développement de ce premier service Intermodal répond à plusieurs objectifs stratégiques pour Brittany Ferries :
• Renforcer sa productivité: réduction du nombre de tracteurs routiers transportés (optimisation du poids et du volume embarqué) au profit de la remorque en augmentant la part des trafics de véhicules non-accompagnés dans la globalité des activités maritimes fret ;
• Anticiper les contraintes règlementaires en matière de réduction des émissions liées au transport en offrant un service à haute performance environnementale aux logisticiens et aux transporteurs ;
• Consolider sa position sur les lignes longues entre l’Espagne et les Iles anglo-celtiques et diversifier son offre maritime vers le ferroviaire.

Relier l’Espagne à la Normandie en ferroviaire

C’est sur ces considérations que Brittany Ferries a entamé une réflexion sur un arc de ferroutage reliant la frontière espagnole à un port du Transmanche. Ce projet ferroviaire fait partie d’une stratégie plus vaste intégrant également le renouvellement de sa flotte, dont Ouistreham et Cherbourg devraient bénéficier dès 2020.Le projet proposé par Brittany Ferries s’appuie sur la technologie Lohr, qui rend compatible le gabarit des remorques avec les tunnels ferroviaires, une contrainte majeure sur le réseau ferroviaire du corridor Atlantique. Cette technique autorise le chargement de remorques non préhensibles, soit l’essentiel du parc européen de remorques. Elle met en œuvre un système logistique performant qui simplifie, accélère et sécurise les manœuvres de chargement, et rend possible les connections avec d’autres terminaux français et européens (Sète, Marseille, Italie…) Ce projet implique pour Brittany Ferries d’investir dans la construction d’un terminal ferroviaire à Mouguerre (Agglomération de Bayonne) et d’exploiter deux sillons quotidiens de 950 km sur l’itinéraire ferroviaire Mouguerre-Cherbourg, avec une capacité de 42 remorques par sens (un trajet A/R par jour soit 84 remorques).

84 remorques par jour

Les autorités de la Région Normandie et Ports de Normandie ont été sensibilisées à ce projet et en ont rapidement vu la convergence avec leur projet de territorial. Un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) a été lancé afin de désigner l’opérateur ferroviaire d’un terminal multimodal sur le port de Cherbourg, le seul terminal transmanche aisément connectable au réseau ferroviaire à l’Ouest du Détroit. Brittany Ferries a répondu à cet AMI en proposant un service ferroviaire entre Cherbourg et Bayonne. La construction du terminal de Cherbourg – pilotée et financée par Ports de Normandie – devrait débuter en septembre après une phase de concertation publique qui se tiendra en avril 2020. Sa mise en service et celle de la ligne de ferroutage est prévue en avril 2021.Après la période de montée en charge, ce sont environ 20 000 remorques qui pourront être acheminées chaque année depuis/vers le Port de Cherbourg, soit l’équivalent du volume Angleterre actuellement traité sur Cherbourg.

Un investissement de 7M€

Pour Ports de Normandie, ce projet représente un investissement de 7M€ financé par la Région Normandie, le Département de la Manche et la Communauté d’agglomération du Cotentin. L’Europe soutient également ce projet à hauteur de 1,4 M€ (inclus aux 7 M€).« Brittany Ferries, après avoir pris la mer, va prendre le rail ! Le projet Intermodal s’inscrit dans une vraie réflexion de marketing territorial et de vision stratégique. Ce nouveau projet prend forme. Le Brexit est consommé, le besoin de renforcer les échanges Nord-Sud s’impose. Relier l’Espagne au Royaume-Uni et l’île d’Irlande en associant la route, le rail et le transport maritime s’inscrit dans la transition énergétique et responsable de notre entreprise. Ouistreham est et restera le port numéro un du fret transmanche pour Brittany Ferries. L’objectif est bien de capter des flux supplémentaires. La question des circulations de navettes fait l’objet de concertations constructives entre Brittany Ferries, SNCF Réseau et la DGITM1depuis 2 ans. Les décisions de SNCF Réseau et de la DGITM seront formalisées à l’issue d’un prochain comité de pilotage le 28 février 2020 », a déclaré Jean-Marc Roué. « En élargissant l’hinterland du Port de Cherbourg, ce projet vise tout à la fois à poursuivre le développement de ce port aux qualités nautiques rares, sans compromettre le trafic transmanche sur Dieppe et Ouistreham, mais en offrant une alternative complémentaire et respectueuse de l’environnement », a continué Hervé Morin.