Politique

Piraterie : une étude sur la situation dans le delta du Niger

L’Office des Nations Unies contre les drogues et le crime a publié le 24 septembre, une étude sur la piraterie dans le delta du Niger. Les actes commis dans la région font ressortir des intentions plus criminelles que politiques ou religieuses.

D’est en ouest, l’Afrique n’arrête pas d’être montrée du doigt dans les questions de piraterie. Après avoir au milieu des années 2010 un nombre croissant d’actes de piraterie dans la Corne de l’Afrique, c’est désormais la région du delta du Niger qui inquiète les autorités internationales.

Du vol

Le rapport de l’UNODC à télécharger.

de cargaison au kidnapping

Dans son étude sur la piraterie en Afrique de l’Ouest, l’UNODC (Office des Nations Unies contre le crime et la drogue) établit différents types de piraterie dans la région. Le rapport montre l’évolution de la piraterie depuis le vol de cargaison vers des actes destinés à réclamer des rançons après kidnapping.

De la piraterie politique aux actes mafieux

Au début du siècle, la piraterie maritime de la région était motivée par des intérêts politiques. Le groupe Mend (Mouvement pour l’auto-détermination du Niger) a sévi dans la région pour permettre aux populations locales de pouvoir tirer revenu du développement de l’économie pétrolière. Cette piraterie d’actions précises a évolué vers des actes, que certains qualifient de mafieux, contre les équipages pour des rançons.

Des interventions sans effet

Les différents actes de piraterie que la région du delta du Niger a connue n’ont pas diminué malgré les différentes interventions dans les eaux nationales et internationales. Cette criminalité est passée du vol de navires avec leur cargaison vers le kidnapping. En moyenne, ce sont 18 membres d’équipage qui sont pris en otage à chaque acte.

Trois types de piraterie

Le rapport distingue trois types de piraterie dans cette région. Les premiers opèrent dans les eaux internationales, à savoir au-delà de la limite des 12 miles nautiques. « Ils sont devenus de plus en plus sophistiqués dans leurs opérations, indique le rapport, pour prendre plus d’otages à chaque attaque. Auparavant cantonnés dans les eaux du delta du Niger, ils interviennent de plus en plus loin. Le rapport de L’UNODC estime entre cinq et six le nombre de groupes opérant dans cette activité.

Soutiens logistiques et financiers

Le second groupe de pirates sont plutôt des soutiens logistiques. Ils organisent et financent les attaques. Ils interviennent en facilitant les opérations en fournissant les investissements de base comme les armes, le fuel et les unités navales). De plus, ils interviennent pour protéger les auteurs des crimes en les protégeant.

Piraterie dans les eaux du Niger

Ensuite, le dernier type de piraterie recensée concerne les groupes opérant dans les eaux nigérianes du Delta. Ils attaquent principalement les navires à passagers mais ont étendu leurs activités à d’autres faits en dehors des actes de piraterie. Ils se retrouvent ainsi dans la vente de pétrole de contrebande ou d’autres marchandises. Ils constituent, pour l’office des Nations Unies un danger pour les populations locales plus que pour la navigation internationale.

Le poids des négociateurs

L’UNODC a identifié un quatrième type de pirates qui n’en sont pas véritablement mais qui interviennent dans cette industrie : les négociateurs. Ils s’imposent comme intermédiaire entre les preneurs d’otage et les responsables des compagnies maritimes qui ont subi une attaque. Ils sont prisés des groupes de pirates en raison de leur bonne connaissance des montants des rançons à demander.

Une répartition des revenus pré-déterminée

Cette piraterie du 21° siècle ne diffère pas véritablement des règles en vigueur au 17° siècle. Chacun a droit à une part en fonction de son rôle dans l’acte. La plus grosse part revient aux négociateurs. Une partie moins importante revient aux opérateurs en mer. Enfin, une partie non négligeable des rançons ou autres gains est réinvestie dans du matériel pour les prochaines attaques.

Utiliser les revenus pour les besoins familiaux

Le rapport estime qu’une grande partie des revenus des pirates est utilisée pour répondre aux besoins familiaux comme les frais de scolarité, les frais médicaux de la famille ou l’achat de véhicules. À un niveau moindre, les pirates utilisent leurs revenus de ces actes dans l’achat de drogue, d’alcool et auprès des travailleurs du sexe, voire, pour les plus sérieux, la thésaurisation en vue de l’acquisition de terrains.

Corruption et protection

D’autre part, le rapport estime qu’une partie des revenus tirés de la piraterie serait utilisée à des fins de corruption des élus locaux voire, d’utilisation de ces groupes armés dans les campagnes électorales et d’intimidation. De plus, pour les candidats à ces actions, l’absence de poursuite judiciaire et le gain rapide de revenus attire de plus en plus de personnes.

L’absence de poursuites judiciaires

La connaissance de ces actes n’a pas pour autant incité les gouvernements à engager des actions contre ce phénomène, indique le rapport. « Aucune condamnation pour actes de piraterie n’est intervenue dans les pays du golfe de Guinée », continue l’UNODC. Pour cause, l’absence de dispositifs légaux empêche de poursuivre les auteurs.

Un phénomène lié à l’économie locale

L’expansion de la piraterie en Afrique de l’Ouest s’explique par le sous-développement chronique de certains pays dont le sous-sol est surexploité par les majors du pétrole. Cette dichotomie entre PIB par habitant et richesse locale a amené des groupes politiques à se développer pour tenter de voir une partie des revenus retourner aux populations locales. « Les équilibres locaux ne changent pas dans la région malgré les efforts demandés pour le développement des communautés locales », indique le rapport.

Une préférence pour les groupes opérant dans les eaux internationales

Enfin, il apparaît que les populations locales considèrent certains groupes pirates d’un bon œil. En effet, ceux opérant dans les eaux internationales sont bien perçus par les populations locales. Ils dépensent une partie de leurs revenus dans les communautés locales, voire « achètent par des dons des protections auprès des habitants de la côte ». A contrario, les pirates opérant dans les eaux fluviales du delta du Niger sont rejetés par les locaux en raison de leurs opérations contre leurs intérêts.