Corridors et logistique

Céréales : en attendant l’avenir des corridors maritimes de mer Noire

Le conseil spécialisé Grandes Céréales de FranceAgriMer, qui s’est tenu le 9 novembre, a mis en lumière les craintes pour les prochains mois des conditions logistiques.

Les mois se suivent sans toujours se ressembler. Lors de son dernier conseil spécialisé « Grandes Cultures » France AgriMer a abaissé ses prévisions pour les prochains mois. « De nombreuses incertitudes subsistent dans le monde à l’image du conflit entre l’Ukraine et la Russie, la politique 0 Covid en Chine et les prix de l’énergie », a commencé par préciser Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre de France AgriMer.

Une baisse des exportations vers l’UE et les pays tiers

Un contexte qui pèse sur les prévisions pour les prochains mois. Lors de ce conseil spécialisé, les experts ont revu à la baisse les échanges. Les exportations françaises sont revues en baisse de 1,3% pour le blé tendre à 17,06 Mt, par rapport aux estimations du mois d’octobre. Les expéditions vers les pays tiers sont estimées à 10 Mt, soit une baisse de 100 000 t. Celles destinées aux pays de l’UE pourraient perdre 130 000 t.

Hausse de 38% sur les quatre premiers mois

Si les prévisions pour les prochains mois sont désormais plus pessimistes, les chiffres des exportations réalisées depuis les ports français au cours des premiers mois de la campagne sont en progression. En effet, s’agissant du blé tendre, les Douanes ont diffusé des données qui montrent une progression de 38% à 3,6 Mt depuis le début de la campagne, comparativement aux mêmes mois de la campagne précédente. Sur ces quatre premiers mois de campagne, le principal acheteur est l’Algérie avec 1,06 Mt, suivie par le Maroc avec 999 000 t et ensuite les pays d’Afrique subsaharienne avec 573 000 t.

L’Ukraine et la Chine inquiètent

Pour les responsables de France AgriMer ces baisses de prévisions sont essentiellement liées, pour les pays tiers, à la dynamique engendrée par les corridors maritimes de l’Ukraine et la situation en Chine. En effet, la politique 0 Covid en Chine tend à confiner des régions entières. Dès lors que les grandes métropoles chinoises sont limitées dans leurs déplacements, la consommation se réduit et par la même la demande en céréales. Sur les quatre premiers mois de la campagne (de juillet à octobre), les exportations de blé vers la Chine depuis les ports français a perdu 83% à 86 000 t.

Union européenne : des baisses dépendant des marchés belge et néerlandais

La baisse des exportations françaises sur l’Union européenne tient notamment à la demande en Belgique et aux Pays-Bas. Les échanges de céréales avec ces pays dépendent en grande partie de la position des céréales ukrainiennes. Dès lors que l’Ukraine peut exporter sa production et ses stocks, les pays d’Europe du Nord s’approvisionnent sur les rives de la mer Noire.

L’anicroche d’octobre sur les corridors

Or, sur le marché international, les opérateurs demeurent attentifs sur les évolutions de la situation à l’est de l’Europe. À la fin du mois d’octobre, la Russie a menacé de quitter l’accord entre les Nations Unies, l’Ukraine et la Turquie établissant des corridors maritimes en raison des attaques de navires militaires russes par des drones ukrainiens. Après des négociations, elle a accepté de maintenir les conditions d’exportation de ces céréales.

Une prorogation attendue

L’avenir de ces corridors maritimes au départ des trois ports ukrainiens reste encore suspendu à la prorogation par toutes les parties. En effet, l’accord de juillet est prévu sur une durée de trois mois et demi. L’échéance arrive à grands pas, le 18 novembre. Deux alternatives sont à prendre en compte : soit l’accord est renouvelé pour une nouvelle période et dans cette hypothèse, les exportations ukrainiennes pourront continuer. Soit l’accord est dénoncé par l’une ou l’autre partie et c’est le potentiel exportable ukrainien qui devra être revu.

La Russie veut exporter une partie de sa récolte

Parmi les demandes de la part de la Russie pour que soient maintenus ces corridors, la possibilité pour Moscou d’exporter aussi ses céréales ainsi que ses engrais. Le retour en force de la Russie sur le marché céréalier pousserait les prix vers le bas. En effet, selon les prévisions de France AgriMer, la Russie a produit 92,2 Mt de blé pour cette campagne, un record pour le pays. Le potentiel exportable du pays est estimé à 41 Mt, selon France AgriMer. L’apport de ces volumes sur les marchés internationaux aurait un effet baissier sur les prix des céréales.

Espagne et Italie ont profité des corridors

De plus, l’Ukraine exporte une grande partie de sa production vers l’Espagne et l’Italie. Du mois d’août à fin octobre, ces deux pays ont totalisé 2,7 Mt de céréales ukrainiennes sur les 9,8 Mt sorties des trois ports de la mer Noire, soit 27,5% des volumes globaux. La moitié des expéditions ukrainiennes de céréales vers l’Italie et l’Espagne concernent le maïs. Au cours des trois mois d’activité des corridors maritimes, le maïs exporté par l’Ukraine vers ces deux pays a représenté 1,4 Mt, soit 14,7% du total exporté par l’Ukraine depuis le mois d’août.

Compte tenu de l’importance de ces volumes, l’absence de l’Ukraine aurait pour les deux pays du sud de l’Europe des conséquences importantes sur les marchés internationaux céréaliers. L’Espagne et l’Italie devraient se tourner vers d’autres origines avec un effet de hausse sur les prix mondiaux.

Le terrestre ne suppléera pas les corridors maritimes

Pour les responsables de France AgriMer, la fin des corridors maritimes ne pourrait pas être suppléer par les alternatives terrestres. Depuis le début de la guerre, au mois de mars, l’Ukraine a exporté 26,2 Mt de céréales, toutes catégories confondues, indique le ministère de l’agriculture ukrainien. Ces exportations se sont principalement réalisées par voie maritime. Les ports ont traité 16,9 Mt sur cette période. Le ferroviaire représente 6,09 Mt. Ce mode de transport a assuré en moyenne 762 350 t par mois avec un pic au-delà de 1 Mt pour le mois de septembre. Quant au transport routier, il a expédié vers l’extérieur 3,03 Mt. La fin des corridors maritimes aurait pour effet de réduire le potentiel exportable sur les marchés internationaux avec une nouvelle hausse des prix des différentes céréales.