Hydrogène liquide : des loupés sur le premier chargement maritime
Le chargement d’hydrogène liquide à bord du Suiso Frontier dans le port australien de Hastings a été gâché par un incident dès la sortie du port. La question du transport maritime d’hydrogène liquide se pose.
L’évènement devait être à marquer d’une pierre blanche. Le Suiso Frontier a chargé dans le port australien de Hastings le premier chargement d’hydrogène liquide, le 28 janvier. En quittant le port en direction de celui de Kobe, au Japon, des flammes sont apparues.
Défaillance sur une valve de la cuve
L’incident est survenu par suite d’une défaillance d’une valve sur une cuve installée sur le pont. L’équipage a aussitôt fermé et isole la valve incriminée avant de mettre en application les mesures de sécurité incendie. « Aucune autre anormalité n’a été reporté ni aucun blessé parmi l’équipage, ni dommage ni pollution », indique un communiqué de l’autorité australienne en charge des accidents maritimes, l’ATSB.
Le recueil des preuves
Conformément à ses obligations, l’autorité maritime australienne a aussitôt ouvert une enquête. La procédure est actuellement au stade du recueil de preuves. « Si au cours de l’enquête des questions liées à la sécurité devaient survenir, nous en avertirons immédiatement les opérateurs et les autorités pour prendre les mesures adéquates », indique l’ATSB.
Un incident resté caché
Une association environnementale locale, Save WesternPort, s’est déclarée inquiète de cet incident. La porte-parole de l’association, Julia Stockigt, a indiqué, à un journal local (Mornington Peninsula), avoir été surprise que cet incident n’a pas été à la connaissance du public.
Le projet d’hydrogène liquide
Cet incident est survenu alors que le navire réalisait le premier chargement d’hydrogène liquide. Il s’intègre dans le cadre d’un nouveau projet de gazéification d’hydrogène à partir de charbon dans la région de Melbourne, le HESC. Financé par des intérêts privés australiens et japonais ainsi que les gouvernements locaux australiens, ce projet de transport d’hydrogène liquéfié prévoit une partie terrestre, réalisée par camions, et une partie maritime.
Ammoniaque plutôt qu’hydrogène liquide
Pour pouvoir être chargé à bord des navires, l’hydrogène est liquéfié en la portant à -253 °C dans une usine installée dans le port d’Hastings. Cet incident a réveillé, en Australie, les reproches faits contre le transport d’hydrogène liquide. Selon certains scientifiques, il serait préférable de convertir cet hydrogène en ammoniaque pour le transporter. En premier lieu, expliquent les scientifiques, pour transporter le même volume d’énergie, il faut deux transports d’ammoniaque liquide contre trois pour l’hydrogène liquide.
20 Mt d’ammoniaque transporté chaque année
Ensuite, selon des calculs réalisés par le site Recharge news, un chargement de 160 000 m3 d’hydrogène liquide coûtera environ 200$ par MWh produit contre 88 $/MWh. Un différentiel qui se retrouve par les coûts apportés à la gazéification de l’hydrogène. De plus, l’ammoniaque a une antériorité. Chaque année, ce sont 20 Mt d’ammoniaque liquide qui sont transportés.
Le boil-off meilleur pour l’ammoniaque
Un autre argument qui plaide en faveur du transport d’ammoniaque plutôt que d’hydrogène est le « boil-off ». Qu’il s’agisse de l’hydrogène liquide ou d’ammoniaque, les produits doivent être portés à des températures inférieures à zéro : -253°C pour l’hydrogène et -33°C pour l’ammoniaque. Or, lors du transport maritime, le maintien de ces températures reste aléatoire ce qui entraîne une regazéification du produit qui s’évapore. Il s’agit du « boil-off ».
Utilisé le boil-off comme carburant
Ce phénomène s’avère plus important pour l’hydrogène liquide que pour l’ammoniaque. Une étude menée par une université qatarie démontre que le transport d’hydrogène liquide entre le Qatar et le Japon avec des navires de 160 000 m3 aurait un « boil-off » de 13,77%. Dans le même temps, le même navire avec de l’ammoniaque perdrait 0,3% de sa cargaison. Une étude qui reste théorique et qui ne prend pas en compte la construction d’un navire spécialement dédié à ce type de transport, comme le Suiso Frontier. De plus, certains navires récupèrent ces gaz pour s’en servir comme carburant. Dès lors que le navire peut fonctionner à l’hydrogène, il utilise les évaporations comme carburant et diminue ainsi ses pertes.