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Transport d’animaux : Welfarm s’attaque au port de Sète

Au cours du mois d’août, l’association Welfarm a enquêté au port de Sète pour constater les conditions de transport des animaux vivants. Elle propose d’interdire ces transports, notamment lors des pics de chaleur.

Sur les côtes européennes de la Méditerranée, seuls quelques ports acceptent de traiter le trafic d’animaux d’élevage vivants. Il s’agit d’embarquer sur un navire du bétail pour le transporter vers des pays à des fins d’abattage. Généralement, les prescripteurs de ces transports souhaitent que les animaux arrivent vivants dans le pays de destination afin de les abattre dans des conditions déterminées, souvent liées à des pratiques religieuses.

Deux ports à l’ouest de la Méditerranée

Dans l’ouest de la Méditerranée, outre le port de Sète, le port espagnol de Tarragonne réalise aussi quelques expéditions. Dans le port d’Occitanie, la société en charge du parc à bétail, la Sepab, Société d’exploitation du parc à bestiaux, a été certifié en 2019 par le Bureau Veritas pour la bientraitance animale.

Des conditions désastreuses de transport

Pour l’association de protection des animaux d’élevage Welfarm, les conditions de transport des bêtes restent encore réalisées dans des conditions désastreuses. Lors d’une enquête menée en août, elle s’est indignée de voir « qu’alors que les températures ne cessent de grimper, des animaux vivants continuent d’être exportés hors de l’Union européenne dans des cargos-poubelles à qui l’on ne confierait même pas de simples marchandises. » Elle demande d’urgence « de mettre un terme à cette pratique d’un autre temps, dangereuse et source de souffrances parfaitement inutiles et évitables pour les animaux. »

Deux navires pour l’Algérie

Des revendications qui s’appuient sur des constats faits lors d’une inspection le 11 août. Ce jour-là, l’Abdulrahman King, battant pavillon togolais, accoste au port de Sète en provenance de Misrata (Libye). Quelques heures plus tard, c’est au tour du Tulip, battant pavillon libanais, en provenance de Ténès (Algérie), de s’amarrer. Le lendemain, le 12 août, le Tulip quitte le port pour Oran suivi le 13 août par l’Abdulrahman King en direction d’Alger.

Loin des normes européennes

L’association de protection des animaux s’inquiète des conditions de transport par voie routière depuis les fermes jusqu’au port, alors que la température dépasse les 30°C. De plus, continue l’association, « les animaux seront très probablement transportés à nouveau en camion avant d’être abattus en Algérie, sous un soleil de plomb et dans des conditions loin de répondre aux normes européennes déjà grandement insuffisantes. »

Des navires d’un autre temps

Outre ces conditions de transport terrestre, Welfarm s’indigne de l’âge des navires. L’Abdulrahman King affiche 50 ans. Un navire âgé qui bat pavillon d’un État parmi les moins bien notés du Mémorandum de Paris (qui classe les pavillons en fonction de la qualité des navires) et, qui a fait l’objet de nombreuses défaillances lors des dernières inspections. « En dépit de ces éléments accablants, le navire a reçu l’agrément de la France pour le transport d’animaux vivants pour la période du 23 avril 2021 au 22 avril 2024 », souligne l’association.

Au port, rien n’a changé

Quant au Tulip, s’il est plus récent, il a été construit en 1987, il bat pavillon du Liban inscrit sur la liste grise du Mémorandum de Paris. Le navire a aussi été l’objet d’inspections et de défaillances lors d’un contrôle effectué à Tarragone au mois de juin. Pour l’association, malgré les investissements réalisés par l’autorité portuaire de Sète, « rien n’a changé concernant le transport d’animaux vivants. Ce sont toujours les mêmes cargos-poubelles qui viennent y charger les animaux. » Des statistiques réalisées par Welfarm, la moyenne d’âge de ces navires est de 42 ans.

Pour une plus grande transparence

Ces constats dressés, l’association de protection des animaux d’élevage réclame une plus grande transparence sur ces transports. Les questions sur l’état de santé des animaux pendant leur voyage restent sans réponse. Même la Commission européenne avoue l’ignorer : « Ni les États membres ni la Commission ne disposent d’informations ou de statistiques sur l’état de santé et le bien-être des animaux en mer », indique l’autorité européenne dans un rapport publié en mai 2020. Aucun rapport n’est transmis à la suite de chaque voyage. « Autrement dit, une fois à bord, les animaux disparaissent des radars. »

Préférer l’exportation de carcasses

Pour trouver une solution et faire face à cette absence de transparence, Welfarm demande que soit mis fin aux exportations d’animaux vivants hors de l’Union européenne. Elle propose de remplacer ces transports par des exportations de carcasses. Une revendication qu’elle explique : « Les pays européens n’ont absolument aucun contrôle sur les conditions de transports et les pays destinataires ont la plupart du temps une législation bien moins protectrice des animaux que la législation européenne, quand ils en ont une. »

Les citoyens européens favorables à 94%

Et pour appuyer sa proposition, Welfarm avance le contenu d’une consultation des citoyens européens sur le bien-être des animaux d’élevage durant toute sa vie. « Concernant les exportations d’animaux vivants à destination des pays tiers, 94% des Européens sont favorables à leur interdiction », souligne les conclusions de la consultation rapportée par Welfarm.

Imposer un registre pour les navires

L’association demande au gouvernement de se mobiliser contre le transport d’animaux en période de fortes chaleurs. Elle demande que soit interdit le transport d’animaux vivants dès que la température dépasse les 30°C et d’interdire les exportations à destination des pays tiers, notamment pendant ces pics de chaleur. Par ailleurs, Welfarm appelle le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, à mettre en œuvre dans les meilleurs délais un engagement pris par son prédécesseur, Didier Guillaume, en janvier 2020. Celui-ci s’est engagé à imposer pour le transport maritime un registre et des conditions d’enregistrement des températures. Des promesses qui attendent une concrétisation.

Apporter les meilleures conditions pour les animaux

De son côté, la direction du port de Sète n’a pas répondu à nos sollicitations. Welfarm a agi cette année avec la présence d’une eurodéputée. Un an auparavant, l’association était intervenue avec l’association Robin des Bois sur les conditions de transport à Sète dans un rapport. Il n’est jamais fait allusion dans les différentes interventions de Welfarm des conditions sur le port de Tarragone mais uniquement à Sète.

De plus, si les milieux portuaires sétois reconnaissent que ces transports maritimes échappent à leur contrôle, ils apportent, jusqu’au chargement, « les meilleures conditions possibles pour les animaux », nous a confié un responsable. Enfin, si demain le port de Sète devait arrêter ce trafic, il est certain que ces transports se réaliseraient dans d’autres ports dont les conditions d’accueil et de chargement pourraient être plus déplorables. La solution du transport de carcasses ne séduit pas les acheteurs, sinon cela se ferait depuis de nombreuses années.